JP Morgan et CDC évoluent dans des compartiments différents mais partagent quelque part la même histoire. Si le groupe américain, habitué aux innovations, a exercé une option avant- gardiste, la française reste assez conservatrice. Mais ce lundi 13 mai pourrait tout changer chez la quasi-bicentenaire invention de Richelieu. De quoi s’agit-il ?
La Caisse de Dépôt et de Consignation fêtera ses 200 ans en 2016. JP Morgan Chase & Co est une holding née en 2001 de la fusion entre la Chase Manhattan Bank et JP Morgan &Co, institution issue d’une longue histoire qui prend racine dans les années 1820. Son total bilan est de 2031 milliards de dollars en actifs dans tous les segments de la banque (détail, commercial, investissement, marché des titres et dérivés).
Alors que la CDC dont l’objectif était de contrer la trop napoléonienne Banque de France en achetant la dette publique française avec les consignations et les dépôts des notaires, est plutôt investie d’une mission publique, JP Morgan, très active dans le hedging, cherche avant tout à améliorer ses profits, parfois en tordant le cou à la « bonté chrétienne ». L’on pourrait hâtivement dire en partant de ces éléments que la CDC est plus «morale » que JP Morgan.
Pourtant c’est l’américaine qui a reconnu dés 2005(aidée en cela par des législations locales), sa participation à l’esclavage aboli aux Etats Unis en 1865, bien après la France (1848). Les deux ancêtres qui ont fusionné pour devenir JP Morgan Chase avaient accepté des milliers d’esclaves comme garanties de prêts. La Banque américaine a de son propre chef reconnu et accepté des réparations symboliques.
Ce n’est pas le cas de la CDC assignée ce lundi 13 mai devant la 9e chambre civile du tribunal de grande instance (TGI) de Paris. L’objectif de Louis-Georges Tin, président du CRAN (Conseil représentatif des associations noires), est de parvenir à une réparation symbolique sur au moins un cas : Haiti.
L’ïle, première nation noire à sortir de l’esclavage-colonisation, a payé 90 millions de francs-or jusqu’en 1946 pour indemniser les colons français en échange de son indépendance. Ce montant, qui équivaut aujourd’hui à 16 milliards d’euros selon le CRAN, était passé par la CDC.
La vieille maison de France qui a subi ses premières pertes avec la crise financière se pliera-t-elle aux «réparations symboliques » ? A moins qu’elle ne tente d’attendre la décision de la justice qui, selon certains experts, tournera en sa faveur. En écoutant le dernier discours de François Hollande, qui s’appuie sur Aimé Césaire, l’on peut en effet dire que la messe est dite. Qu’importe, à travers cette action symbolique, le CRAN a réussi à créer le débat autour de l’esclavage, déclaré «crime contre l’humanité » en France par la loi Taubira de 2001.