« Selon nos estimations, d’ici trois à cinq ans, l’économie nigériane sera au moins aussi importante que l’économie sud-africaine », estime Yvonne Ike, directrice de Renaissance Capital pour l’Afrique de l’Ouest. C’est d’abord un changement du calcul du PIB, décidé par les autorités nigérianes, qui pourrait permettre au Nigeria de réduire l’écart avec l’Afrique du Sud.
Pour l’année 2011, le PIB du Nigeria est de 244 milliards de dollars, contre 408 milliards de dollars pour l’Afrique du Sud, selon la Banque mondiale. Mais avec le nouveau calcul, prenant en compte l’évolution des prix et de la production –qui n’avaient pas été intégrée depuis plus de 20 ans–, le PIB pourrait augmenter de 40%, et encore n’est-ce qu’une « hypothèse prudente », selon l’économiste Charles Robertson, du cabinet Renaissance Capital.
Le bureau d’études britannique Oxford Analytica, qui parle également d’un bond de 40% du PIB nigérian, précise que « ce nouveau calcul ne va rien changer aux réalités de l’économie nigériane. Mais il va permettre de mettre en avant le potentiel économique sous-estimé du pays ».
La croissance économique nigériane étant largement supérieure à la croissance sud-africaine –avec, en prévision, pour 2012, un taux de 6,6% contre 2,5%– le pays ouest-africain devrait rattraper son rival d’Afrique australe dans les années à venir, si cette tendance se poursuit.
Des inégalités gigantesques
L’essor de l’économie nigériane s’appuie notamment sur le prix élevé du pétrole et sur le boom du secteur de la téléphonie mobile. L’agriculture représente 40% du PIB et l’Etat cherche à augmenter sa production dans ce secteur
Mais l’économiste nigérian Bismark Rewane rappelle que le Nigeria compte 160 millions d’habitants, contre seulement 52 millions en Afrique du Sud. Il faudrait donc que le PIB nigérian soit plus de trois fois supérieur au PIB sud-africain pour que le Nigeria rattrape son rival en matière de revenu par habitant.
Actuellement, l’économie repose sur l’industrie pétrolière qui représente 80% de ses recettes. Mais une grande partie de la population vit avec moins de deux dollars par jour.
Les infrastructures sont dans un état désastreux, et les Nigérians sont privés d’électricité plusieurs heures par jour. La corruption a pénétré toutes les strates de la société, creusant un fossé gigantesque entre une élite et des millions de pauvres.
Des responsables nigérians ont cependant pris des mesures, ces dernières années, pour lutter contre cette corruption. C’est le cas de la ministre des Finances Ngozi Okonjo-Iweala, ancienne responsable de la Banque mondiale, qui se bat notamment pour assainir le programme de subventions de carburant payées par l’Etat nigérian pour maintenir des prix bas à la pompe pour les consommateurs.
Selon une enquête parlementaire, l’Etat a perdu 6,8 milliards de dollars en trois ans à travers ce programme à cause de trop-perçus et d’erreurs de gestion.
Le gouverneur de la banque centrale, Sanusi Lamido Sanusi, est lui aussi reconnu à l’international pour avoir opéré un grand nettoyage dans le secteur bancaire nigérian.
A Lagos, un projet immobilier géant a été lancé en grande pompe en février : une île artificielle de 10 kilomètres carrés au large de la capitale, qui devrait accueillir 250.000 habitants privilégiés, des bureaux et des centres commerciaux. Déjà surnommé « le Dubai de l’Afrique », Eko Atlantic, qui ambitionne de devenir un carrefour des affaires à l’échelle du continent, est une vitrine du potentiel nigérian.
Comme un symbole des inégalités du développement du pays, cette ville dans la ville, entièrement privée, qui aura sa propre usine d’électricité, son système d’eau potable et qui sera protégée par une société de sécurité, offrira à ses habitants ce à quoi la grande majorité des Nigérians n’a toujours pas accès.