Par le Prof Faustin Luanga, Sénateur en RDC et ancien haut fonctionnaire de l’OMC
Le 5 septembre 2023, lors du Sommet 2024 du Forum sur la coopération Chine-Afrique (FOCAC), le président chinois Xi Jinping a annoncé une initiative ambitieuse : l’instauration d’un traitement préférentiel sans tarif pour 100 % des lignes tarifaires applicables à tous les Pays les Moins Avancés (PMA) ayant des relations diplomatiques avec la Chine. Cette mesure, qui concerne 33 nations africaines, constitue un tournant significatif dans la politique commerciale chinoise. Elle soulève des questions essentielles sur ses répercussions pour le continent africain, en particulier pour la République Démocratique du Congo (RDC).
Dans cette note, nous examinons les effets de cette décision sur l’Afrique et la RDC, tout en explorant les perspectives qu’elle offre. Bien que cette exonération tarifaire vise à renforcer les relations économiques entre la Chine et ces pays souvent marginalisés, elle interroge aussi la conformité avec les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et son impact sur les économies locales.
Exonération Tarifaire : Opportunités et Défis
La décision de la Chine d’accorder une exonération tarifaire intégrale aux PMA représente une opportunité unique pour ces économies en développement. En facilitant l’accès à son vaste marché, la Chine permet aux pays concernés d’augmenter leurs exportations, de diversifier leurs économies et de stimuler leur développement industriel. Cette initiative pourrait également favoriser les investissements chinois, conduisant à la création d’emplois et à l’amélioration des infrastructures.
Cependant, cette exonération comporte des défis. Les pays les moins avancés doivent être en mesure de se conformer aux normes de qualité et de compétitivité exigées par le marché chinois. De plus, une dépendance accrue à ce marché pourrait exposer ces économies à des fluctuations économiques et à des risques politiques. La durabilité de cette aide et les conditions d’accès au marché chinois représentent des enjeux cruciaux. Il est essentiel d’obtenir des informations détaillées sur la mise en œuvre de cette décision pour mieux analyser et comprendre toute la problématique de la situation.
Conformité avec l’OMC
Le traitement préférentiel, spécial et différencié en faveur des PMA est réglementé dans les accords de l’OMC. La conformité de cette initiative chinoise avec les règlements de l’OMC est une question fondamentale. Les accords commerciaux de l’OMC, régulés sur bases de certains principes et clauses, stipulent que les pays doivent respecter des principes pour éviter le protectionnisme et garantir des conditions de concurrence équitables. Bien que l’OMC encourage des exonérations tarifaires et autres formes de traitement spécial et différencié pour les PMA, il est crucial d’évaluer si la mise en œuvre de cette politique par la Chine respecte ses engagements.
Il est également pertinent de se demander si d’autres pays pourraient réagir à cette initiative en adoptant des mesures protectionnistes ou en favorisant les échanges avec les PMA. Le risque est que cette exonération soit perçue comme un favoritisme, ce qui pourrait engendrer des tensions sur le marché international.
Impact de l’Initiative Chinoise sur l’Afrique
L’octroi d’un traitement sans tarif par la Chine pour les importations des produits africains représente une opportunité inédite pour les pays africains, souvent confrontés à des économies vulnérables. En supprimant les droits de douane, la Chine facilite l’accès des produits africains à son marché, ce qui pourrait dynamiser les exportations et générer des revenus. Pour les PMA, cette initiative pourrait renforcer la compétitivité de leurs produits sur le marché mondial et encourager la diversification économique.
Cependant, cette mesure s’accompagne de défis. Une dépendance accrue au marché chinois pourrait rendre les économies africaines sensibles aux fluctuations économiques et politiques de la Chine. De plus, la concurrence accrue sur le marché local pourrait nuire à certaines industries africaines, incapables de rivaliser avec des produits chinois souvent moins chers.
Conséquences Spécifiques pour la RDC
La RDC, riche en ressources naturelles, pourrait bénéficier de cette initiative, notamment dans les secteurs minier et agricole. L’accès sans tarif au marché chinois pourrait stimuler les exportations de minerais et de produits agricoles, essentiels à l’économie congolaise. Toutefois, pour tirer parti de cette opportunité, la RDC doit surmonter plusieurs obstacles, tels que l’amélioration de ses infrastructures de transport et de logistique, ainsi que le renforcement de ses capacités de production. Elle doit aussi vaincre les défis liés à la gouvernance, à la corruption et à l’instabilité politique qui pourraient entraver la capacité du pays à maximiser cette opportunité.
Par ailleurs, cette initiative pourrait intensifier l’engagement de la Chine en RDC, déjà illustré par des investissements massifs dans les infrastructures. Bien que cela puisse contribuer au développement économique, il est essentiel que la RDC gère cet engagement de manière équilibrée, veillant à ce que les bénéfices soient partagés équitablement avec sa population, tout en évitant une dépendance excessive vis à vis d’un seul grand marché.
Au regard de tout ce qui précède, il sied de souligner que l’annonce du président Xi Jinping d’accorder un traitement préférentiel sans tarif aux PMA, incluant 33 pays africains, constitue une avancée majeure dans les relations commerciales entre la Chine et l’Afrique. Cette décision unilatérale de la Chine d’instaurer une exonération tarifaire complète pour les PMA, y compris la RDC, ouvre la voie à des possibilités de développement économique significatives, tout en soulevant des questions complexes concernant la conformité avec les règlements de l’OMC et les risques associés à une dépendance accrue. Pour la RDC et d’autres nations africaines, cette initiative représente à la fois une occasion de croissance économique et un défi à relever. Les gouvernements africains devront adopter des politiques proactives pour optimiser les bénéfices de cette mesure tout en minimisant les risques d’une dépendance accrue au marché chinois. En définitive, le succès de cette initiative dépendra de la capacité des pays africains à s’unir et à élaborer des stratégies durables pour un développement inclusif et équilibré.
Pour que la RDC puisse bénéficier de cette initiative, il est essentiel qu’elle surmonte ses défis internes et mette en place des politiques favorables au développement durable. Cette mesure pourrait devenir un catalyseur de changement pour les PMA, à condition qu’elle soit mise en œuvre avec prudence et responsabilité.