La croissance économique est une augmentation de la production de biens et de services économiques au cours d’une période donnée par rapport à une période précédente. Généralement, on la mesure par l’augmentation du PIB ; lequel varie en valeur nominale et en valeur réelle.
Valeur nominale et valeur réelle
La valeur nominale ou prix nominal d’un produit est égale à son prix courant, c’est-à-dire à son prix monétaire affiché en un temps donné. Exemple : Aujourd’hui, la valeur nominale ou le prix nominal de la baguette de pain est de 150 F CFA. Les valeurs réelles ou prix réels font référence aux valeurs nominales des biens et services corrigées de l’inflation ; ce qui donne une représentation plus précise de leur pouvoir d’achat au fil du temps.
Prenons, par exemple, l’évolution du prix de la baguette de pain, telle qu’elle est illustrée dans le tableau 1 ci-dessous. On suppose que le taux d’inflation de l’économie en 2024 est de 10%; comme le montre l’indice des prix qui passe de 100 à 110. En effet (110 -100)/100 = 0,1 = 10%.
Tableau 1 : Valeur nominale et valeur réelle d’une baguette de pain en F CFA
Années | 2023 | 2024 |
Valeur nominale ou prix courant | 150 | 175 |
Indice des prix | 100 | 110 |
Valeur réelle ou prix réel | 150 | 159 |
Pour trouver la valeur réelle ou prix réel du pain en 2024, on fait : (175 :110) x 100 = 159. Cela veut dire que, malgré l’inflation qui est de 10%, la baguette de pain a connu une hausse de son prix réel de 6 %, c’est-à-dire = (159 – 150) : 150 = 0,06 = 6%. Autrement dit, les boulangers ont vu leur pouvoir d’achat augmenter de 6%. En effet, le taux d’inflation de l’économie de 10% est largement inférieur à la hausse du prix nominal du pain (16,66%). En effet : (175 – 150) :150 = 0,1666 = 16,66%. En faisant la différence entre la hausse du prix nominal du pain et le taux d’inflation de l’économie (16,66% – 10%), on trouve 6,66%, un résultat proche de 6%.
Par analogie, si l’inflation est de 10% et que les salaires n’augmentent que de 4%, on peut dire que les travailleurs vont perdre en moyenne 6% de leur pouvoir d’achat. Retenons que la valeur réelle ou le prix réel d’un produit permet de mesurer l’évolution du pouvoir d’achat de ce bien ou service dans le temps.
PIB nominal, PIB réel et Taux de croissance : le cas du Sénégal
Ici aussi, nous allons faire la distinction entre le PIB nominal et le PIB réel. Le PIB nominal est aussi appelé le PIB à prix courants ou PIB au prix du marché. Il peut être exprimé, de manière simplifiée, sous la forme arithmétique suivante :
PIB nominal = P x Q.
P est prix des biens et services et Q les quantités de biens et services produits. Ainsi, pour connaitre l’évolution du PIB réel, il suffit de neutraliser l’effet des prix, c’est dire de maintenir P constant. En effet, si P est contant, l’évolution du PIB est exactement proportionnelle à l’évolution des quantités de biens et services produits. Ainsi, le PIB réel mesure, en termes réels, la richesse produite. En quelque sorte, c’est une mesure du volume ou des quantités de biens et services produits.
Pour calculer le PIB réel, une méthode simple consiste à diviser le PIB nominal par un déflateur du PIB, c’est-à-dire par un indice qui indique le niveau des prix. Si nous prenons le cas du Sénégal, en prenant 2014 comme année de base, nous obtenons les données contenues dans le tableau 2 ci-dessous.
Pour faciliter la compréhension, on considère l’indice de prix, ici appelé déflateur du PIB, comme le prix. Ainsi, en nous basant sur les déflateurs du tableau 2 ci-dessous, le taux d’inflation entre 2018 et 2019 est de : (103,91 – 101,78) :101,78 = 0,0209 = 2,1%. Le panier de biens de la ménagère qui coûtait 10 000 F CFA en 2018 va coûter 10 210 F CFA en 2019.
Tableau 2 : Evolution du PIB du Sénégal (en milliards CFA)
2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | |
PIB au prix du marché ou PIB nominal | 12840 | 13713 | 14119 | 15261 | 17228 |
Déflateur du PIB (inflation) | 101,78 | 103,91 | 105,57 | 107,10 | 116,45 |
PIB réel | 12615 | 13197 | 13374 | 14249 | 14794 |
Taux de croissance | 6,2% | 4,6% | 1,3% | 6,5% | 3,8% |
Pour connaître le PIB réel d’une année donnée, on multiplie PIB nominal par 100, puis on divise le résultat obtenu par le déflateur du PIB. Ainsi, pour 2018 on a : (12840 : 101,78) x 100 = 12615. Pour calculer le taux de croissance annuel, il suffit de faire, par exemple, pour la période 2021 à 2022 : (14794 – 14249) : 14249 = 0,038 = 3,8%.
Cela veut dire que la richesse réelle du Sénégal a augmenté en 2022 de 3,8%, par rapport à l’année 2021. Sur chaque montant de 100 milliards de FCFA de richesse en 2021, on a eu une augmentation de 3 milliards 800 millions de FFCA en 2022.
Le taux de croissance annuel moyen (TCAM) sur la période 2018-2022 est égal à :
TCAM = (PIB 2022 : PIB 2018)1/4 – 1 ; n=nombre d’années de croissance.
TCAM = (14794 : 12615)1/4 – 1 = 0,0406 = 4,06%.
Ce résultat signifie que l’économie du Sénégal a cru, en moyenne annuelle, à un taux de 4,06%, entre 2018 et 2022. On peut en déduire qu’à moyen et long terme, le Sénégal aura un potentiel de croissance économique d’au moins 4,06% par an, toutes choses égales par ailleurs.
Ce taux de croissance économique, quoiqu’appréciable, est largement insuffisant pour sortir les sénégalais de la pauvreté. En effet, sur cette période, l’incidence (taux) de la pauvreté est restée presque inchangée à 37,5 % en 2021/2022 contre 37,8 % en 2018/2019.
A propos de Pr Amath Ndiaye
Prof. Amath Ndiaye est un éminent économiste sénégalais, titulaire d’un Doctorat d’État en Sciences Économiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (2001) et d’un Doctorat de 3e cycle en Économie du Développement de l’Université de Grenoble, France (1987). Depuis 1987, il enseigne à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Expert reconnu, il a collaboré avec des institutions prestigieuses telles que la Banque Africaine de Développement, la Banque Mondiale, et le FMI, se spécialisant notamment dans les domaines des taux de change, de la croissance économique, et du développement institutionnel. Il était expert-membre du comité de pilotage de la Commission de l’Union Africaine pour la Création de la Banque Centrale Africaine.. Prof. Ndiaye est l’auteur de nombreuses publications influentes, notamment sur les régimes de change et la croissance économique en Afrique de l’Ouest. Trilingue, il maîtrise le wolof, le français et l’anglais.