Par Mokoko Theophane, conseiller senior (Senior Advisor) auprès d’Averi Capital.
L’intelligence artificielle a pour avantage principal une rapidité dans la récolte d’informations ainsi qu’un traitement agile et très effectif de ces dernières, nécessaires dans la prise de décision. En matière d’investissements, elle permet naturellement de réduire le temps de traitement et de lectures des informations financières tout en réduisant la marge d’erreur liée à l’Homme (erreurs liées soit à l’inattention, soit à la fatigue ou tout autre facteur). Elle retire donc l’émotion au profit d’éléments factuels.
Selon un sondage réalisé au mois de Juin 2023 par le cabinet Coller Capital, près de 65% des professionnels du secteur pensent que l’IA devrait permettre d’optimiser l’origination des transactions.
DES ÉCONOMIES
Le principe de la création destructrice peut être appréciée variablement selon que l’on soit employeur ou employé. L’IA représente une évolution majeure dans les profils de poste au sein des fonds d’investissements, à contrario, le métier d’analyste junior qui tourne énormément autour du « numbers scruntching » sur les clients, se réduit énormément voir tend à disparaître. Car, l’analyste junior va à la base de l’information la plus infime sur la performance de l’entreprise cible. De plus, l’un des postes de dépense les plus importants dans ces entités concerne les déplacements des exécutifs, l’organisation de réunions, de rendez-vous permettant d’établir des relations humaines réelles avant de conclure des deals. Si cette tendance permet à des fonds de performer de façon efficace en Europe, en Amérique et en Asie, l’Afrique quant à elle est peut-être le continent des exceptions.
LE CONTEXTE AFRICAIN
Les levées de fonds en Afrique avoisinaient près de $ 316 milliards USD en 2022 ; dominées par les émissions d’obligations souveraines, jugées beaucoup plus attrayantes. D’après un récent rapport de l’association Est-Africaine du capital risque Africain (EAVCA), la valeur cumulée des transactions de private equity sur la décennie 2013-2023 se chiffre à près de $ 9 milliards USD , et $ 5,5 milliards USD pour les fonds de capitaux à risque pour les pays d’Afrique de l’Est. Au-delà des chiffres, des travaux réalisés par CHEICKH Mbacké Gueye en 2007 dans Finance & Bien commun au sujet des réalités sociologiques de l’Afrique, suppose qu’en sociologie Africaine, 《nos sociétés sont à fort contexte, c’est-à-dire que beaucoup de faits sont implicitement expliqués par la culture sous-jacente et demeurent donc inexpliqués》.
Dans ces sociétés à fortes dominances communautaires, l’individu seul, bien que doté d’une vision, doit faire partie intégrante d’un groupe ou du moins présenter une volonté d’intégration afin de pouvoir bénéficier de certaines faveurs. La sensibilité au rapport humain, à la compréhension profonde des racines de chaque communauté sont autant d’éléments peu ou pas du tout quantifiables qui échappent complètement aux progrès technologiques. Seulement, force est de constater que malgré ces replis sur sa diversité d’identités, l’Afrique existe au 21ᵉ siècle et doit s’imbriquer dans un monde en pleine évolution.
QUELLES OPTIONS POUR LES FONDS ?
À mon sens, l’approche Africaine pour les investisseurs privés ou institutionnels devrait s’orienter sur deux aspects : tirer profit des évolutions technologiques pour optimiser le traitement de données quantifiables et en même temps investir dans une compréhension profonde des réalités Africaines. Enfin, cette stratégie imbriquée permet aux investisseurs de comprendre la profondeur des marchés dans lesquels ils se positionnent, la longévité des concepts proposés, l’analyse comportementale. Plutôt que de se limiter à l’analyse de données macro-économiques qui sont souvent biaisées tel que le taux de croissance qui souvent n’a pas d’incidence sur le niveau de vie des populations, mais très souvent tributaire des cours des matières premières.