Financer le transport d’électricité – et pas seulement la production – pour atteindre les objectifs climatiques de l’Afrique
La production d’énergie renouvelable et les possibilités de stockage ont été au cœur des discussions du sommet africainsur le climat qui s’est tenu début septembre à Nairobi et qui aabouti à de nouveaux engagements financiers de 26 milliards USD en faveur de projets liés au climat. Une opportunitémajeure d’investissement dans l’énergie, mais négligée : le transport d’électricité.
Une formidable opportunité pour les investisseurs d’obtenirdes rendements attrayants tout en ayant un impact durable, les projets de transport d’électricité sont mûrs pour un développement public-privé. De nombreux autres marchésémergents ont déjà tiré parti de ces partenariats pour réaliserdes infrastructures énergétiques essentielles et apporter de l’électricité à un plus grand nombre de personnes. En Afrique, cependant, peu de modèles de ce type ont été explorésjusqu’ici. Le Kenya est l’un des premiers pays à élaborer un plan de partenariat public-privé dans le domaine du transport de l’électricité.
Compte tenu des besoins, de l’impératif de durabilité et de l’impact possible, il est temps que le secteur privé saisissel’opportunité que représentent les infrastructures de transport d’électricité en Afrique, qui se chiffrent en milliards de dollars par an. En outre, les gouvernements doivent favoriser la participation du secteur privé dans ce domaine.
Déficit de financement
Les besoins d’investissement dans le transport de l’électricitéen Afrique sont estimés à plus de 45 milliards de dollars au cours des huit prochaines années. Le continent a reçu environ 41 milliards de dollars d’investissements dans l’énergie au cours de la dernière décennie, 99,5 % des capitaux ayant étéconsacrés à des projets de production d’énergie.
Ce sous-investissement dans le transport de l’électricité est à l’origine du retard de l’Afrique par rapport à d’autres régions. Les 38 pays d’Afrique subsaharienne disposent de moins de 150 000 kilomètres de lignes de transport au total, soit l’un des taux les plus faibles par habitant de toutes les régions du monde.
À mesure que la population du continent s’accroît et que les investisseurs et les gouvernements mettent l’accent sur la production d’énergie renouvelable, la demanded’infrastructures de transport pour acheminer cette nouvelle énergie jusqu’aux foyers augmente également. De fait, l’Agence internationale de l’énergie estime que pour parvenir à un accès quasi universel à une électricité abordable en Afrique d’ici à 2030, il faudra raccorder 90 millions de personnes par an, soit le triple du taux de raccordement de ces dernièresannées.
Partenariats public-privé
Aujourd’hui, la majeure partie du financement du transport d’électricité en Afrique provient d’entreprises publiques. Cette forme de financement était courante à travers le monde jusqu’aux années 1990 mais, après cette date, de nombreuxpays de l’OCDE se sont tournés vers des modèles privés. Les pays d’Amérique latine, puis les pays asiatiques, ont suivi le mouvement. Pourquoi cette évolution ? Les gouvernements, en particulier ceux qui sont confrontés à des ratios dette/PIB élevés (comme c’est le cas de nombreux pays africainsaujourd’hui), ont compris que le transport d’électricité, tout comme la production, ne devait pas reposer entièrement sur l’État ; le secteur privé a un rôle à jouer dans le financementd’infrastructures indispensables.
L’investissement privé dans le transport d’électricité n’est pas nouveau – les investisseurs ont mobilisé plus de 55 milliards de dollars dans d’autres marchés émergents au cours des 25 dernières années.
L’Inde offre un exemple particulièrement éloquent du succès que peut avoir le financement privé du transport d’électricité. En 2011, le gouvernement indien a libéralisé le secteur du transport d’électricité pour permettre aux investisseurs privésde réaliser plus facilement des projets de transport d’électricitéindépendant, à une époque où plus de 30 % des 1,2 milliard d’Indiens n’avaient pas accès à l’électricité. Au cours de la décennie suivante, les investissements privés ont bondi pour atteindre plus de 11 milliards de dollars destinés au financement du transport d’électricité, soit 41 % de l’ensembledes investissements dans ce secteur.
De nombreux projets de ce type ont été menés par Power Grid Corporation of India Limited.
De même, au Brésil, l’adoption du transport d’électricitéindépendant a permis de combler les lacunes en matière de transport d’électricité. Le secteur du transport d’électricité, qui était détenu à 100 % par l’État en 1997, comprend aujourd’huides entreprises privées, dont beaucoup travaillent enpartenariat avec des organismes publics au niveau des communes, des états, ainsi qu’au niveau fédéral.
L’exemple du Kenya
La situation économique de plusieurs pays africains estcomparable aujourd’hui à celle de pays comme l’Inde, lorsqu’ils ont commencé à explorer d’autres structures pour leurs infrastructures de transport d’électricité. Les gouvernements s’intéressent désormais au potentiel des partenariats public-privé, le Kenya étant l’un des premiers à s’engager dans cette voie.
Le gouvernement kenyan, en collaboration avec Africa50 et la Power Grid Corporation of India, a l’intention de piloter des PPP portant sur deux lignes de transport d’électricité à haute tension, entre Lessos et Loosuk, et entre Kisumu et Musaga. Power Grid apportera son savoir-faire technique et opérationnel, tandis que l’investisseur privé Africa50 mettra à profit son expertise en matière de développement et de financement de projets et servira de lien entre le gouvernement kenyan et les investisseurs privés.
Une fois achevé, ce projet constituera le premier projet de transport d’électricité indépendant en Afrique et permettrad’améliorer à la fois le réseau et la fiabilité du transport d’électricité dans l’ouest du Kenya. Il servira également de modèle à d’autres pays africains pour le financement de lignesde transport d’électricité dans le cadre de PPP.
Un avenir vert en Afrique
Pour les investisseurs privés, l’opportunité d’investissementdans la transition énergétique de l’Afrique – au-delà de la production – est indéniable : les projets de transport d’électricité génèrent des flux de trésorerie stables et des rendements ajustés au risque attrayants. Les investisseursdoivent également prendre en compte l’impératif de développement durable et l’impact que présentent ces projets :une ligne de transport peut acheminer de l’énergie éoliennerurale vers une ville ou de l’énergie solaire à grande échellevers une zone rurale. À plus grande échelle, l’interconnexionrégionale peut accroître la capacité des énergies renouvelableset fournir de l’énergie propre à des millions de personnes à des coûts moindres.
L’Afrique possède de vastes ressources inexploitées enmatière d’énergies renouvelables, totalisant jusqu’à 39 % du potentiel mondial dans ce domaine. Pour utiliser cesressources, il est essentiel d’investir dans les lignes de transport. Il est temps que l’Afrique s’inscrive dans unetendance qui a profité à d’autres marchés émergents ces 20 dernières années. Africa50 et Power Grid appellent les investisseurs et les gouvernements africains à réaliser des investissements durables et impactants dans les infrastructures de transport d’électricité.