Reconduit pour un second mandat à la tête de la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC), Maixent Raoul Ominga revient sur les priorités de la compagnie. Entretien.
Comment présenterez-vous la SNPC ?
La Société nationale des pétroles du Congo (SNPC) est une compagnie pétrolière étatique fondée en 1998 avec pour mission fondamentale de contribuer au développement et à la gestion efficace du patrimoine pétrolier congolais, d’explorer, d’exploiter et de distribuer les hydrocarbures du Congo au travers des partenariats équilibrés. Aujourd’hui, la compagnie génère l’essentiel des recettes d’exportations du pays et contribue à plus de 70% de son budget faisant ainsi de la SNPC le moteur de création de valeur et de développement du pays. Elle constitue par ailleurs une source majeure qui permet le financement des programmes contenus dans le nouveau Plan national de développement 2022-2026. A travers sa filiale, la raffinerie Coraf, la SNPC assure entre 60 à 70% des besoins du pays en produits pétroliers raffinés. De même, la SNPC est, entre autres, le gestionnaire du mandat de l’État pour les approvisionnements du Congo en produits pétroliers. Étant un organe public, nous appliquons la politique de l’État, notamment en matière de subvention du pétrole à la pompe afin de protéger le pouvoir d’achat des Congolais. La SNPC doit en permanence trouver une solution pour compenser les pertes financières énormes face d’une part à la flambée des prix et, d’autre part, au blocage des prix à la pompe décidé par le gouvernement.
La SNPC incarne non seulement la politique énergétique du pays mais elle est aussi un vecteur fort de croissance et de développement.
Vous venez d’être reconduit pour un second mandat à la tête de la société. Est-ce les mêmes priorités que celles qui prévalaient à votre arrivée en 2018 ?
A mon arrivée en 2018, la mission était surtout de restructurer la SNPC. Nous avons redéfini les rôles et remobilisé les ressources humaines autour des objectifs stratégiques clairs qui consistent pour l’État du Congo à mieux maîtriser ses ressources et à les valoriser. Cela étant dit, dans un contexte de crise et au vu des actions réalisées au cours de ces quatre dernières années dans les différents secteurs d’activités de la SNPC, et qui ont permis d’asseoir des bases solides pour sa croissance, nous pouvons en toute modestie affirmer que le bilan est relativement satisfaisant.
« Nous envisageons d’accélérer la transformation de la SNPC par l’amélioration de ses performances dans tous les recoins de ses activités. »
La pandémie survenue depuis et la crise ukrainienne ont apporté leurs lots de défis et nous devons dire que la SNPC a su s’adapter à cette conjoncture difficile marquée depuis mars 2020 par un choc de la demande mondiale et, depuis février, par une envolée spectaculaire des prix du pétrole. En mars dernier, pour donner suite aux sanctions sur les exportations du pétrole russe, les prix de l’essence / gasoil ont atteint un niveau record de 1 525 dollars la tonne.
Au-delà de la gestion éminente de l’approvisionnement du pays en produits pétroliers à des prix fixés par l’État, nous travaillons aussi sur de nouveaux projets comme l’oléoduc Pointe-Noire-Brazzaville-Oyo-Ouesso qui permettra d’améliorer significativement le maillage du pays en termes d’accès à l’Energie. Dans l’amont, nous œuvrons à augmenter la production du pétrole en réalisant des études complémentaires sur les actifs opérés permettant de mieux les mettre en valeur notamment par le biais de partenariats techniques et financiers.
A titre illustratif, les études de réévaluation du potentiel, réalisées sur la période de 2018 à 2019 sur le Permis MKB II, ont mis en évidence un potentiel important caractérisé par l’identification de nouvelles zones d’intérêts, l’augmentation de réserves et une meilleure connaissance du gisement et donc d’améliorer le facteur de récupération.
La SNPC a également pris des participations et assure l’operating de permis matures comme les permis onshore ZINGALI et LOUFIKA TIONI qu’elle exploite depuis juillet 2020, à travers sa filiale SONAREP, et des permis offshore LOANGO II et ZATCHI II dont elle assure l’operating depuis janvier 2022. Le portefeuille de la société s’est aussi étoffé avec des prises de participation sur les permis d’exploitation EMERAUDE II et KOMBI LIKALALA II.
Tous ces nouveaux permis viennent enrichir le portefeuille d’actifs de la SNPC et contribuent déjà à une augmentation de sa production. La SNPC compte poursuivre cet élan, par la signature de nouveaux contrats de partage de production.
A travers le programme Performance 2025, pour les années 2022- 2025, nous envisageons d’accélérer la transformation de la SNPC par l’amélioration de ses performances dans tous les recoins de ses activités.
Ce programme repose sur 4 principaux piliers que nous nous sommes fixés à savoir : l’augmentation de nos revenus, la maîtrise de nos coûts, la contribution à l’action gouvernementale ainsi que la modernisation de nos pratiques internes et de nos activités.
Quid de la production du gaz ?
Afin de mieux valoriser ses ressources gazières, le Congo a élaboré un Plan Directeur Gaz. Le Congo a promulgué un nouveau plan directeur du gaz par le ministère des Hydrocarbures pour explorer entre autres, le gaz récupérable en éliminant les pratiques de torchage nocives et génératrices de gaz à effet de serre. Il a été élaboré en collaboration avec le Cabinet Wood Mackenzie dont les principales conclusions ont été les suivantes : l’existence d’un potentiel gazier est important ; la nécessité de la mise en place d’un cadre réglementaire dédié ainsi que l’identification de possibilité de valorisation gazières.
Ce plan permet d’optimiser l’utilisation des ressources en gaz naturel du pays. L’objectif c’est de drainer cette ressource vers la production des engrais, des produits pétrochimiques ou l’énergie.
« La SNPC et l’État congolais travaillent à l’élaboration d’un nouveau code gazier. »
Quel est la position de la SNPC dans la transition énergétique ?
D’emblée, disons pour la réussite de la transition vers un modèle énergétique conforme aux critères du développement durable, toutes les sources d’énergie sont nécessaires pour répondre à la demande énergétique mondiale.
Le développement de projets de mise en valeur de gaz naturel est une des étapes vers la transition énergétique. En effet, ces projets permettraient de réduire l’impact des énergies fossiles sur l’environnement.
Le Congo n’est pas en marge de la tendance mondiale actuelle qui privilégie les énergies propres et a donc décidé d’accorder une place plus importante au gaz naturel dans son mix énergétique. La SNPC se positionne à l’avant-garde de la transition énergétique mondiale à travers la promotion de projets qui développent des ressources en gaz plus propres, notamment l’exploration et le développement de l’hydrogène dans le bassin intérieur congolais, la construction de mini-barrages hydroélectriques et l’investissement dans le solaire hors réseau dans collectivités éloignées.
La SNPC et l’État congolais, conscient de l’importance d’un meilleur encadrement du gaz, travaillent à l’élaboration d’un nouveau code gazier.
Les récentes études que nous avons réalisées sur le bassin intérieur de la cuvette congolaise ont mis en évidence des indices des ressources en hydrogène naturel, connu sous le nom d’« hydrogène blanc ». Il faut préciser que l’hydrogène naturel représente un potentiel important de diminution de gaz à effet de serre ainsi qu’une manne économique significative. La SNPC travaille actuellement avec certaines sociétés internationales pour évaluer son potentiel en vue d’un développement.
Quelle analyse faites-vous de la création récente de la Banque Africaine de Transition Energétique ?
Nous nous réjouissons de cette initiative de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank) et de l’Organisation africaine des producteurs de pétrole (APPO) de créer une Banque africaine de transition énergétique. Les compagnies africaines de pétrole font face à un double défi avec d’une part, un désinvestissement annoncé par les grandes institutions financières sur les énergies fossiles et, d’autre part, la nécessité d’opérer une transition énergétique et de réduire leurs empreintes carbones. Cette phase de transition a des coûts mais aussi des opportunités. Nous espérons que d’autres institutions financières se joindront à Afreximbank pour que la Banque Africaine de Transition Énergétique ait suffisamment de moyens pour accompagner le secteur dans sa transformation et dans la valorisation de ses ressources.
La crise ukrainienne pèse sur l’économie mondiale en révélant des problématiques d’indépendance énergétique. L’Afrique fait également face à une urgence climatique. Ce contexte pourrait dynamiser et accélérer le déploiement des énergies propres au sein des pays. Mais les pays producteurs comptent sur les investissements pétroliers et gaziers pour assurer la croissance économique et l’amélioration de la qualité de vie des populations. Il est donc difficile de trouver un juste équilibre. Cette banque permettra d’établir des modèles de coopération Sud-Sud (solutions trouvées dans l’interne et sans compter sur financements étrangers) et garantit une allocation efficace des ressources: Elle permettra aux pays africains membres d’accéder plus facilement à des capitaux de développement et de soutenir efficacement la transition énergétique.
« La SNPC entend désormais se positionner sur toute la chaîne de valeur du pétrole. »
Quelles sont vos attentes et vos perspectives sur la COP 27 ?
Nous participons à ce grand événement en tant que représentant du bassin du Congo, l’un des poumons de la planète, avec un écosystème fragile à protéger et un équilibre entre les activités d’exploration et la préservation de la faune et de la flore. L’enjeu de la préservation de cet espace vital dépasse les frontières du Congo ; il est africain et mondial. D’où notre soutien à l’initiative du Fonds bleu pour le bassin du Congo, initiative lancée par le président Denis Sassou Nguesso lors de la COP 22 et qui a vu la signature de plus d’une dizaine de pays. Nous espérons que la COP 27 soit la COP des solutions et des financements de la transition énergétique en Afrique et particulièrement dans le bassin du Congo.
La dette du Congo vis-à-vis des traders privés a été souvent évoqué ces dernières années ? Comment dépasser ce problème ?
Je dois vous annoncer que cette question est maintenant derrière nous. Le Congo a signé des accords de restructuration de ses dettes vis-à-vis de Trafigura et Glencore. Mieux, nous nous positionnons désormais sur l’aval pétrolier avec une société de trading (SNPC Trading Pte Ltd) basée à Singapour et fonctionnant dans les standards internationaux grâce à l’apport de nos cadres bien formés à Londres et sur d’autres marchés financiers. La SNPC entend désormais se positionner sur toute la chaîne de valeur du pétrole. Et ce n’est que le début.