L’agenda 2063 de l’Afrique: les principaux chiffres (et ce qu’ils nous disent)
« Le meilleur avantage comparatif pour l’Afrique c’est la volonté politique de ses dirigeants ».
Adama Wade, Abuja
L’une des particularités de l’ agenda 2063 de l’Afrique est qu’il résulte de la prospective africaine. C’est une vision conduite par l’Union africaine avec le soutien des partenaires étrangers et non l’inverse. La sud-africaine Dlamini Zuma, présidente de la commission africaine (AUC), a bien raison de parler, à ce titre, de « renaissance africaine ». C’était à l’ouverture d’une conférence animée le 28 mars avec la nigériane Ngozi Iweala, ministre des Finances, et Carlos Lopes, secrétaire exécutif de la commission africaine (ECA).
La vision 2063 cherche à tirer le mamouth africain de son sommeil millénaire. Il s’agit de briser le cercle des paradoxes d’un continent qui comptait 1,068 milliard d’habitants en 2013 et un PIB de 2 000 milliard de dollars, égal à celui de la Russie ou encore du Brésil.
Comment transformer économiquement un continent à l’industrialisation encore balbutiante? Un continent inscrit dans le processus de désindustrialisation bien avant l’heure, avec un taux de la production industrielle passé de 12,5% en 2004 à 9,6% du PIB en 2013? Un continent encore rural mais où l’Agriculture, représentant 16% du PIB, ne garantit pas l’autosuffisance alimentaire? Où les services, qui pèsent pour 50% du PIB, ne créent pas suffisamment d’emplois pour les 5 millions de jeunes qui rejoignent le marché de l’emploi tous les ans?
Actuellement, 60% de la demande intérieure est tirée par les ménages africains. Le phénomène des classes moyennes se heurte cependant à la réalité d’un secteur financier encore largement fermé. Le taux d’accès au guichet bancaire est de 20% en Afrique avec quelques disparités (144% en Afrique du Sud et 90% à Maurice) à relever. La bancarisation passera sans doute par l’innovation.
Comment donc mettre à profit la nouvelle technologie (620 millions de téléphones mobiles en Afrique à la fin 2011) au service de l’inclusion financière? L’exemple kenyan où 70% de la population est aujourd’hui raccordée au système financier grâce au mobile banking a été évoqué dans le rapport de l’agenda 2063. Reste à accélérer le raccordement de l’Afrique à l’internet (seuls 12% de la population a accès à la toile ). Ces nouveaux horizons seront nécessaires à explorer pour enrichir le capital humain d’un continent où la jeunesse (40% ont 15 ans en moyenne) ne trouve pas du travail et où l’espérance de vie n’excède pas 57 ans?
Or, comment miser sur l’innovation quand tout le continent, du cap au Caire, ne compte que 20 000 scientifiques? Comment emboîter le pas aux dragons asiatiques quand 60 000 hauts cadres qualifiés (rapport de l’UNECA) ont quitté le continent entre 1985 et 1990 et que, chaque année, 20 000 prennent cerveaux prennent le large à la recherche d’une vie meilleure?
Comment tirer l’Afrique de son sommeil millénaire?
Il y a deux chemins à suivre pour conduire le continent africain à la prospérité et à l’indépendance totale rêvée par les pères fondateurs. Le premier est le plus facile. Il s’agit de ne rien faire et de laisser l’Afrique évoluer à son rythme actuel de 5% de croissance par ans, dans ses 54 frontières intangibles, ses 54 monnaies, son économie de rente limité aux exportations des matières brutes. Un tel scénario conduit le continent à l’année 2063 avec un PIB d’à peine 10% du PIB mondial. La population africaine représentera alors 30% du total mondial, la deuxième au monde après celle de l’Asie.
L’agenda 2063 vise à prévenir ce scénario à travers un agenda de la réalisation de la vision des pères fondateurs, à savoir une Afrique prospère, unie et totalement décolonisée. La réalisation d’un tel objectif repose sur la volonté politique, soit, d’après Carlos Lopès, le premier avantage comparatif de nos Etats avant les ressources minières. La transformation est d’abord une question de leadership avant d’être une question financière. Avec 12%de réserves du pétrole, 40% de réserves d’or, 60% de terres arables, l’Afrique devrait tirer 600 milliards de dollars de ses ressources naturelles dans les 20 prochaines années. Seule une volonté politique peut conduire à l’exploitation efficiente de ce potentiel.
De même, seule une volonté politique peut éliminer les fausses déclarations en douane (manque à gagner estimé à 38 milliards de dollars par an) et les flux financiers illicites (28 milliards de dollars par an entre 2008 et 2010).
A suivre demain: les conclusions de l’analyse de la vision Afrique 2063