Par Albert Savana.
Dans le cadre de son Plan Multi-Sectoriel d’Urgence (PMU), destiné à atténuer l’impact de la crise du Covid-19 sur Madagascar, le président a bien insisté sur la question de la protection des entreprises du secteur privé, très mises à mal par le confinement. Un plan de relance qui prévoit en outre un véritable plan Marshall.
Le secteur privé a largement pâti de la crise du Covid-19, le confinement ayant nui tout autant à la productivité, au transport, qu’à la distribution : avec un impact délétère sur le chiffre d’affaire des entreprises. C’est donc naturellement que le PMU présenté par le président Andry Rajoelina comporte un axe fort tourné vers la relance économique. Un axe que le président a tenus à développer lors de sa rencontre avec les représentants entrepreneuriaux le 17 juin dernier.
En marge de cette rencontre, il fût exposé la proposition d’un plan dont le budget sera pris en charge par la loi de finance rectificative à hauteur de $270 millions (1 043 milliards d’ariary) dont $197 millions destinés exclusivement à la relance des entreprises. Le plan concerne également le développement des infrastructure, condition incontournable à toute relance. C’est en ce sens que le président s’est entretenu le 22 juin avec les opérateurs et entrepreneurs du BTP malgache afin de leur confirmer leur rôle. On peut résumer ce plan de relance économique en deux grandes tendances dont la première est destinée à atténuer les effets de la crise sur les revenus des entreprises via une séries d’aménagements fiscaux en direction des entreprises les plus fragiles tout en sauvegardant l’emploi. La seconde est un véritable plan Marshall qui devra donner une impulsion importante à l’économie Malgache ; une impulsion sous-tendue par le patriotisme économique promu par le président Rajoelina.
Atténuer le choc de la crise par la fiscalité
Le président est un ancien chef d’entreprise à succès, il connait dés lors les contingences auxquelles sont exposés les entrepreneurs. Aujourd’hui il est un homme d’état à même de les comprendre tout en articulant les besoins des entreprises au bien-commun, nécessairement plus large, défendu par le gouvernement. D’où la décision d’élaborer des mécanismes de fiscalité avantageux sans pour autant céder aux sirènes des subventions directes. Ces dernières sont bien trop onéreuses, à plus fort titre pour un Etat dont les capacités de mobilisations capitalistiques sont encore fragiles.
En partenariat avec le secteur privé, le gouvernement met donc en place une batterie assez complète de mesures destinées avant tout aux TPE/PME. Dans cette voie, les banques et Instituts de Micro- finance (IMF) se sont vus accordés des lignes de crédit à taux concessionnels afin de pouvoir octroyer des crédits à taux bonifiés : des mécanismes classiques pour les prêts à impact sociaux.
Par ailleurs, afin de redonner une impulsion au redémarrage de la production, l’Etat a mis en place un fonds de garantie destiné à encourager les banques à prendre plus de risques dans leurs financements. Ces mécanismes doivent être vus comme une aide au redémarrage de l’activité économique, notamment pour compenser les pertes de productivité et l’impact sur la chaine de valeurs. Et, in fine, éviter des faillites en cascade.
Enfin la sauvegarde de l’emploi n’a pas été oubliée, notamment pour les 100 000 salariés touchés de plein fouet par la crise. C’est ainsi que le gouvernement a lancé, de pair avec les entreprises, un Fonds Malgache de Formation Professionnelle (FMFP) et les Partenaires Techniques Financier (PTP). Ils permettront l’acquisition de nouvelles compétences et de développer les savoir-faire des employés: l’effet attendu étant probablement une plus grande souplesse sur le marché du travail ou simplement pour incrémenter le capital humain, et par là l’agilité de leurs entreprises respectives.
Tenir le choc et planifier le renouveau de la prospérité Malgache
Pour le président Andry Rajoelina, atténuer est insuffisant: il faut profiter de la conjoncture mondiale actuelle, marquée par un retour au patriotisme économique. Ce genre de relance industrielle pourrait avoir de nombreux effets bénéfiques à long terme, notamment à l’export ; cependant la véritable plus-value résiderait dans la consolidation des points forts de l’économie Malgache tout en permettant l’émergence de filière nationales dont les résultant sont largement insuffisants : tel l’agro-alimentaire et l’autosuffisance qui en découle.
Dans cette voie, l’objectif est donc naturellement de favoriser la production et la consommation «Vita Malagasy». Si certains secteurs seront privilégiés comme le tourisme, l’agro-alimentaire ou le transport (considérés comme des secteurs clefs) seront privilégiés, le plan de relance se veut évidemment globale et d’autres filières à fort potentiel d’exportation ne seront pas oubliés (Vanille, etc…). En outre, pour appuyer l’équipement numérique, la croissance et la résilience d’entreprises moins exposées mais affaiblies, seront mis en place des mécanismes de cofinancement à court terme (d’ordinaire un an). Ces cofinancements seront dirigés avant tout vers le large écosystème de start-up malgaches et seront élaborés en partenariat avec le programme Fihariana. A terme, Madagascar devrait être doté des éléments économiques de bases lui permettant un déploiement à l’export avantageux.
Concernant le secteur du BTP et des infrastructures, préalable difficilement contournable à la relance générale, une part substantielle des crédits seront consacrés à la construction et/ou à la réhabilitation de nombreux édifices dans les secteurs de l’éducation, de la santé, des sports, des travaux publiques et de l’habitat. Plusieurs projets sont d’ailleurs d’ores et déjà lancés tel que la construction d’EPP et CEG Manarapenitra, des campus universitaires (au nombre de quatre), des hôpitaux et centres de soins, la réhabilitation de routes ou bien des immeubles à loyer modérés et des trano-mora. Il ne s’agit que d’exemples car d’autres constructions de ce genre sont encore envisagées dont 1100 salles de classes ou bien des gymnases. Afin de respecter un certain principe de subsidiarité, les appels d’offres seront décentralisés, respectant ainsi les spécificités et besoins locaux. Dans le cadre du « Vita Malagasy », le président a bien confirmé que les appels d’offres donneraient la primeur aux entrepreneurs malgaches et que les appels d’offres se feraient en toute transparence. Cependant il leur a également demandé le plus grand professionnalisme dans l’exécution des futurs travaux.
En définitive, malgré les dégâts occasionnés par la crise sanitaire, il semble que le président Andry Rajoelina veuille exploiter le leg mondial de la pandémie. Il importe naturellement dans un premier temps de répondre aux désordres que cette dernière à entrainer. Cependant on peut considérer comme visionnaire la volonté du président d’exploiter la fenêtre de tir qui s’est ouverte sur les changements à venir de certains paradigmes de l’économie mondiale. Peut-être est-ce là une occasion unique de mettre Madagascar sur le chemin de l’autonomie et de la prospérité. L’art des grands hommes d’état n’est-il pas de saisir les conjonctures qu’offre l’histoire ?