Par Maria Nadolu.
L’aéroport d’Athènes, ancienne métropole du monde platonicien, actuel port de la Méditerranée, centre de tourisme et plateforme des incubateurs de start-ups…
C’est le buzz d’un été torride, les vols arrivent du monde entier et partent vers tous les horizons. Voyez la précipitation des voyageurs qui portent leurs valises, leurs rêves des vacances, leurs projections de travail, parlant ou simplement gardant silence.
Au café ou je suis assise, « The Bakery – Street Food », une franchise qui sert des produits culturellement adaptés au pays, mais aussi aux modes gourmet – no gluten, bien être, diète cétogène et purisme traditionnel grec-, on entend juste derrière moi une voix articulée et assez grave, affirmant dans un débat: « ben, c’est le XXI siècle…on est tous connectés maintenant…impossible de concevoir autrement, il serait tout à fait rétrograde » …..
Le XXI siècle.. .Qu’ est- ce qu’il représente dans le mental collectif ? Comment concevoir cette nouvelle époque avec son champ de transformations perpétuelles ?
Ce besoin de créer des histoires pour encadrer des réalités, qu’elles soient personnelles ou sociales, de raconter afin de faire comprendre et donner du sens? existe depuis la nuit des temps et le thème de la cyclicité de l’histoire se profile de nouveau sur les panneaux jet set: depuis quelques années le sujet du débat est la 4ème révolution technologique. Dans cette matrice, un des concepts générateurs de contenus et de nouveaux mythes est «la connexion». Tout part de «l’e-connexion» et se répand jusqu’au niveau quantique.
Etes-vous connecté(e)s ? On doit bien envisager la connexion : se connecter au réseau, se connecter à la (e)communauté, se connecter à soi-même, se connecter à la biosphère, se connecter à l’univers…interconnexion étatique, financière, électrique, culturelle, moléculaire, spirituelle…
«Nous sommes à l’aube d’une révolution technologique qui va fondamentalement changer nos relations aux autres ainsi que notre façon de vivre et de travailler. Ces changements, dans leur importance, leur portée et leur complexité, ne ressembleront en rien à ce que l’humanité a pu connaître jusqu’alors. Nous ne savons pas encore ce qui va se passer, mais une chose est sûre : notre réponse doit être globale et elle doit impliquer toutes les parties prenantes au niveau mondial : le secteur public, le secteur privé, le monde académique et la société civile»,écrivait en 2017, Klaus Schwab, Fondateur et Président Exécutive du World Economic Forum, un passionné du thème qui a déjà consacré deux ouvrages au sujet.
Essentiellement, lors de la Première révolution industrielle, l’eau et la vapeur ont permis de mécaniser la production. La Seconde révolution industrielle a exploité l’énergie électrique pour créer la production de masse. La Troisième révolution industrielle s’est appuyée sur l’électronique et les technologies de l’information pour automatiser la production. La Quatrième révolution industrielle en est issue : c’est la révolution numérique, caractérisée par une fusion des technologies qui relativise les frontières entre les sphères physique, numérique et biologique.
Selon Statista, il y a 2,71 milliards d’utilisateurs de smartphones dans le monde aujourd’hui. Ces données signifient que dans le monde du sans fil, 35,13% de la population mondiale dispose aujourd’hui d’un smartphone.
Les données du renseignement en temps réel de la GSMA montrent qu’il y a plus de 8,97 milliards de connexions mobiles dans le monde, ce qui dépasse la population actuelle (7,71 milliards estimés par les analystes numériques de l’ONU).
Des milliards de gens bénéficient de perspectives élargies, comme jamais rêvées avant, grâce aux appareils mobiles connectés, dont la puissance de traitement, la capacité de stockage et l’accès au savoir sont sans précédent. Ces perspectives sont encore démultipliées par l’émergence de technologies novatrices dans les domaines de l’intelligence artificielle, la robotique, l’Internet des objets, les véhicules autonomes, l’impression 3D, la nanotechnologie, la biotechnologie, la science des matériaux, le stockage de l’énergie et l’informatique quantique. Avec des cas comme Facebook, et Cambridge Analytica, on se rend compte qu’avoir accès, veut dire donner accès – à notre vie, à nos souvenirs, à notre compte bancaire, des fois, même à notre opinion civique. Cela change les règles de jeu de la démocratie, de la sécurité, du consumérisme, même de l’intimité…
Excellente réflexion lancée par l’auteur des bestsellers «Homo Sapiens» et «Homo Deus», Yuval Noah Harari, l’heure de son débat au Google : c’est pour la première fois qu’un ingénieur doit répondre à des questions philosophiques, voire spirituelles. Que pour donner un exemple : dans le cas du pilotage automatique, on doit considérer comment déterminer le destin du chauffeur et des piétons en cas d’urgence majeure, et par la suite, programmer le système qui après exécutera. Quand la voiture roule sur une autoroute, avec un précipice d’un côté et deux enfants sautent devant le véhicule, c’est au chauffeur ou aux piétons d’être sacrifiés ? Si jusque maintenant des concepts comme la mort, le sacrifice, la conscience étaient soumises au débat théorique par les philosophes, les génies de high-tech doivent y répondre maintenant en pratique et prendre leur responsabilité.
Symptomatiquement, il y a des scientifiques qui portent la discussion un pas plus loin vers l’espace ontologique et la spiritualité, dans le sens de la connexion : la connexion à la conscience universelle, et par la suite à sa réverbération en nous-mêmes. Amit Goswami, docteur physicien quantique de premier plan, est un des pionniers du nouveau paradigme appelé «la science dans la conscience», dans laquelle il travaille depuis les années 70s.
Entre mystique et physique quantique s’articule tout un mouvement ; en dépit de des critiques, il s’insère quand même dans le mental collectif renforçant l’idée de connexion, du fait qu’on est particule, aussi bien qu’onde, et donc on vit dans un champ du possibles où seul le processus de conscientisation peut nous donner la chance de devenir co-créateurs de nos réalités…Une référence dans ce sens c’est le film, «What the bleep ? » (« Que sait-on vraiment de la réalité !? »), 2004 ; révélant des opinions partagés, il consacre des perspectives dans le sens d’une nouvelle idée de la « connexion ».
Le Dalai Lama lui-même encourage le dialogue entre la science et la spiritualité, et abrite dans son centre à Dharamsala des chercheurs afin de raffiner les connexions entre le bouddhisme et le champ scientifique pour mieux comprendre le fonctionnement de l’être humain et connecter le pièces de puzzle entre tradition et recherche…
L’appropriation de la pleine conscience comme une nouvelle dimension de notre vie, aussi familière que l’hygiène physique, au-delà de toute religion, en tant que pratique mentale et spirituelle, peut offrir une solution potentielle aux challenges et projections les plus noirs de la quatrième révolution industrielle et au potentiel de « robotiser » l’humanité, ou de la manipuler par le billet de l’Intelligence artificielle. Le principe est d’accéder notre potentiel humain jusqu’au point où on est moins manipulables et plus conscients dans un monde de « fake news », plus encrés et calmes dans le flux des changements à haute vitesse, en maitrisant plus intégralement notre humanité. Selon Harari, on ne sait pas exactement à quoi vont ressembler les années 2050, mais cultiver l’intelligence émotionnelle et la stabilité mentale semble être essentiel afin de naviguer entre les vagues des connexions et des interconnexions, avec leur rythmes exponentiels, et non plus linéaires.