Par Blaise Kendah
Le nombre de polices dans une compagnie d’assurance vie est sujet à une érosion naturelle telle que les décès et les maturités, en plus de cette érosion naturelle, nous observons dans notre marché un autre type d’érosion non négligeable, il s’agit des chutes de polices prématurées des contrats, ces chutes de polices sont généralement observées lors des
premières années de la vie du contrat.
Par définition, on parle de chute de police en assurance vie quand on observe un arrêt de paiements des cotisations après observation d’une période de grâce d’au moins 40 jours dans notre marché.
Selon l’article 73 du Code des Assurances CIMA, l’assureur doit informer le contractant par lettre recommandée, par laquelle il l’informe qu’à l’expiration d’un délai de quarante jours à dater de l’envoi de cette lettre le défaut de paiement entraine soit la résiliation du contrat en cas d’inexistence ou d’insuffisance de la valeur de rachat, soit la réduction du
contrat.
Un contrat a droit à une valeur de rachat si l’assuré à payer au moins 24 mois de cotisations ou 15% des cotisations totales du contrat (Article 74 du Code des Assurances CIMA). C’est important de noter que l’assuré a la possibilité de remettre son contrat en vigueur après avoir été notifié par l’assureur de l’arrêt des cotisations. La politique de remise en vigueur
dépend de la politique de souscription de chaque assureur.
Nous notons trois types de chute de polices :
- Les chutes de polices de types I, il s’agit des chutes de polices constatées la première année de cotisations, c’est-à-dire ente 1ièr mois au 12ième mois ; (Type le plus observé sur le marché)
- Les chute de polices de type II, il s’agit des types de cotisations constatées entre le 13ième mois et le 23ième mois de cotisations ;
- Les chutes de polices de type III, il s’agit ici des contrats rachetés.
NB : Les annulations/remboursements ne sont pas considérées comme chute de polices.
L’impact de la chute des polices
Les principaux acteurs lors de la commercialisation d’un produit d’assurance vie sont : l’assuré, l’assureur (la compagnie) et les intermédiaires, ceci pour diverses raisons. L’assuré a pour rôle principal le versement des cotisations afin de bénéficier à des prestations futures,
l’assureur a pour rôle de garantir le paiement des prestations futures tandis que l’intermédiaire a pour rôle d’amener le prospect/assuré vers l’assureur.
Un peu plus bas, nous allons vous présenter les raisons pour lesquelles nous estimons que les chutes de polices ont un impact majeur sur les principaux acteurs mentionnés ci-dessus.
Cependant, il existe des facteurs qui sont aussi impactés par la chute des polices, il s’agit de la société en général, le gouvernement et les paramètres du tarif tels que les frais d’acquisition et de gestion, la mortalité et le taux d’intérêt.
Ci-dessous, les différentes raisons pour lesquelles ces acteurs ou facteurs sont impactés par les chutes des polices.
L’assuré
a. Perte d’une protection précieuse : Avec l’arrêt du paiement des cotisations, l’assuré perd toutes les garanties souscrites. Car d’après l’article 73 du CA CIMA, lorsqu’une prime ou une fraction de prime n’est pas payée dans les dix jours de son échéance, l’assureur adresse au contractant une lettre recommandée, par laquelle il l’informe qu’à expiration d’un délai de quarante jours à dater de l’envoi de cette lettre le défaut de paiement entraine soit la résiliation du contrat en cas d’inexistence ou insuffisance
de la valeur de rachat, soit de la réduction du contrat.
b. Perte des primes initiales : Lors de la chute des polices, les primes initiales sont perdues en cas d’inexistence ou d’insuffisance de la valeur de rachat.
c. Perte de l’épargne : L’article 73 de CA CIMA mentionné ci-dessus stipule que, en cas de chute de polices nous avons deux options, soit le contrat est résilié par conséquent perte des primes initiales (c’est-à-dire épargne) soit le contrat est réduit, et dans ce cas l’assuré ne bénéficie qu’une fraction des cotisations à date.
L’assureur
a. Frein aux futurs profits : La chute des polices entraine la réduction des cotisations et par conséquent la réduction des provisions mathématiques ce qui conduit à un frein aux futurs retours sur investissement.
b. Perte des dépenses initiales à la souscription : Les coûts engagés par les compagnies d’assurance vie lors de la souscription des nouvelles affaires sont généralement très élevés on y retrouve, les commissions, les charges administratives, la communication, le marketing etc… et par conséquent les chutes prématurées et abusives des polices entrainent généralement le non recouvrement de ces charges par l’assureur.
c. Efforts improductifs : L’assureur produit beaucoup d’efforts sur les nouvelles affaires qui meurent avant qu’il n’ait eu la possibilité de récupérer les dépenses ou charges initiales.
d. Mauvaise image suite à la mauvaise publicité des assurés mécontents : La majorité des assurés qui ne bénéficient pas d’une valeur de rachat à la suite de la résiliation de leur contrat, généralement accuse les assureurs d’avoir indûment bénéficier de leurs cotisations initiales. Et par conséquent décourage leur entourage à souscrire à une police d’assurance vie.
e. Organisation du travail : La chute de police d’assurance vie dans les compagnies vie entraine généralement une nouvelle organisation de travail, soit par la création d’un nouveau service de recouvrement, soit par la mise en place des nouvelles procédures de souscription etc….
Les intermédiaires
a. Baisse des revenus : La chute des polices entraine la baisse de la production et par conséquent la baisse des commissions (revenus) des intermédiaires.
b. Efforts improductifs : Les intermédiaires dispensent beaucoup d’énergie pour des affaires instables et par conséquent ne sont pas toujours récompensés à la hauteur de leurs efforts.
La société
La dépendance à l’aide financière des amis ou parents : La chute des polices entraine la perte des garanties comme on l’a mentionné plus haut et par conséquent, en cas de sinistres les personnes ayant perdues leur couverture en assurance ou leurs bénéficiaires sont littéralement dépendant des amis ou de la famille.
L’économie
Financement de l’économie : les chutes de polices entrainent la réduction du chiffred’affaires des compagnies vie ainsi que la réduction de leur provision et par conséquent réduit leur apport dans le financement des structures financières et de l’économie en général.
Chute des polices : Les causes
Dans notre présentation, nous avons identifié plusieurs causes des chutes prématurées des polices d’assurances vie. Il y a des causes externes et des causes internes.
Causes Externes
- Classe socio-économique de l’assuré
- Disponibilité d’autres options d’investissements
- Caractères spécifiques des assurés
❖ Richesse et épargne
❖ Education
❖ Age
❖ Genre (moins chez les femmes)
❖ Location urbaine ou rurale (Plus dans les zones rurales)
❖ Capitaux disponibles (Plus pour les faibles capitaux assurés)
Facteurs macro-économiques
❖ Revenu disponible
❖ Politiques gouvernemental vis-à-vis des taxes/impôts
❖ Développement économique du pays.
Tous ces facteurs sont hors de contrôle et d’influence des compagnies d’assurances vie. Mais les facteurs internes ci-dessous sont contrôlables et influençables par celles-ci.
Causes internes
- Conception des produits d’assurance
❖ Types de produits (Plus de chute sur les produits mixtes)
❖ Périodicité des cotisations (Plus de chute pour les cotisations mensuelles)
❖ Durées des contrats (Plus de chutes pour les produits de longues durées)
❖ Mode de paiement (Plus de chute sur les cotisations en espèces). - Marketing et stratégies personnelles
❖ Planning des activités
❖ Education de l’équipe commerciale (Agent commercial, cadre commerciaux,
marketing, profil de carrière …)
❖ Education des clients
❖ Etude du marché
❖ Recrutement, Formation et mode de rémunération des commerciaux
Chute des polices : Coûts
Dans certaines compagnies du marché on observe des chutes de police sur certains produits d’environ 50% sur les deux premières années de cotisations. Appliquer ce taux de chute à une grande échelle entraine forcément des pertes financières énormes pour notre marché.
Ces taux sont très élevés comparativement aux standards internationaux qui sont inférieurs à 10% à la première année.
Ce tableau illustre le faite que cette compagnie a perdu un demi-milliard en 5 ans sur la production des affaires nouvelles de l’année N.
Conclusion/Suggestions
L’érosion massive prématurée des contrats d’assurance vie combinée avec le coût élevé d’acquisition des contrats à la souscription sont un frein pour la croissance et la stabilité des compagnies vie dans notre sous-région CIMA.
Dans ce document, nous nous sommes limités à des constats et des faits réels d’ordre général et de notre expérience dans la gestion des différents portefeuilles. Une analyse plus approfondie doit être menée sur le coût exact des chutes des polices et l’impact réel sur les différents facteurs/acteurs impliqués dans la gestion d’un contrat, ceci afin de nous permettre de répondre aux questions ci-dessous :
❖ L’impact sur la rentabilité d’une compagnie d’assurance vie suite à la chute des polices
❖ L’impact de la chute des polices sur le tarif en assurance vie
❖ L’émergence des profits suite la chute des polices
❖ Chute des polices
• Perte cumulée annuelle des cotisations dans la zone CIMA
• Frais irrécouvrables annuelles dans la zone CIMA
• Opportunités perdues et pertes financières dans la zone CIMA.
Ci-dessous quelques suggestions d’ordre générales afin d’améliorer la persistance des polices d’assurance vie.
❖ Education des populations sur l’importance de l’assurance (Sociétés d’assurance et Gouvernement)
❖ Eviter les recrutements de masse des agents
❖ Continuer la relation avec l’assuré après la vente ainsi qu’après les prestations
❖ Connaitre son client, comprendre ses besoins
❖ Concevoir les produits adaptés aux besoins des assurés
❖ Formation préalable au recrutement suivie d’un test et d’un entretien pour les commerciaux (profit de carrière).
Nous avons tous un rôle important à jouer quant à la persistance des polices d’assurance :
Assureurs, Intermédiaires, Fanaf, CIMA et les gouvernements (Via DNA)