Le 8 novembre 2018, Célestin Tawamba, président du Groupement Inter patronal du Cameroun (GICAM), a solennellement accueilli Guy Gweth, le numéro 1 du Centre Africain de Veille et d’Intelligence Economique (CAVIE), au siège du patronat à Douala pour une conférence très attendue par les chefs d’entreprise.
Dans son mot d’ouverture, le président Célestin Tawamba a rappelé la place de la surveillance des marchés dans la stratégie du GICAM et des entreprises membres. « Notre Conseil exécutif, alors liste en compétition pour la direction du GICAM, avait fait le constat selon lequel, sous la poussée de la mondialisation et l’économie de marché, le Groupement a besoin de renforcer son offre en intelligence économique. »
Célestin Tawamba a poursuivi en motivant la tenue d’une conférence de haut niveau sur le sujet. « Le GICAM a fait de l’intelligence économique l’un des trois axes forts de sa stratégie. Nos entreprises, a-t-il lancé, doivent être plus conquérantes et agressives sur les marchés tout en se protégeant des menaces de toutes sortes. Elles doivent gagner des parts de marché et s’ériger en leaders nationaux et sous-régionaux. »
« Je crois que le Cameroun est une Chine qui s’ignore »
Guy Gweth a entamé son propos en rappelant qu’en 1995, la Chine était encore étudiée, au Cameroun, comme « un géant aux pieds d’argile ». C’est cette même année que le Premier ministre Jiang Zemin, a crié aux chefs d’entreprises de l’empire du milieu : « sortez, devenez des entrepreneurs mondiaux ! » 23 ans plus tard, « la Chine est de fait la première puissance économique du monde, le premier partenaire commercial de l’Afrique depuis une dizaine d’années. Je crois que le Cameroun est une Chine qui s’ignore » a-t-il posé avant de décliner son plan d’intervention.
Un plan en trois séquences portant tour à tour sur l’Afrique comme terrain de guerre économique, dans un premier mouvement ; les stratégies des puissance en Afrique dans un second mouvement ; et la veille et l’intelligence économique comme clés de compétitivité face à l’hyper concurrence en cours sur le continent africain en général et au Cameroun en particulier, dans un troisième mouvement.
Dans la première séquence, le conférencier a exposé les principales forces et faiblesses qui mettent les marchés africains au cœur des appétits mondiaux.
Concernant les principaux points forts, au-delà des matières premières, l’orateur a passé en revue les 15 glorieuses de la croissance, l’embellie de stabilité politique, l’amélioration du climat des affaires, le boom démographique, la montée en puissance des classes moyennes et les stratégies d’émergence sur plusieurs pays africains.
Un focus a été consacré au Cameroun, à l’aune des statistiques économiques de 2017 et de la livraison Doing Business 2019. Pour atteindre les objectifs de Vision 2035, a insisté Guy Gweth « le Cameroun doit impérativement accroitre sa productivité, booster le secteur privé, passer le taux d’investissement à 30% en 2035, hisser la croissance du PIB réel à 2 chiffres entre 2020 et 2035, élever la croissance de la productivité à 3% entre 2020 et 2035 et… mettre en place un dispositif de veille et d’intelligence stratégique allant du gouvernement, aux entreprises, en passant par les régions et les collectivités locales décentralisées, au plus tard, en Janvier 2020. »
Le défaut d’Etat de droit ne rassure pas les investisseurs normaux
Sur les principaux points faibles, Guy Gweth a notamment convoqué la corruption, « véritable carie de nos économies », a-t-il dit, le poids des activités informelles « plus de 40% en moyenne continentale », une croissance non inclusive « les riches se sont plus enrichis et les pauvres se sont appauvris davantage entre 2000 et 2015 », l’insuffisance des infrastructures, la faiblesse des échanges intra-africains « figés à 13% », le défaut d’Etats de droit « qui ne rassure pas les investisseurs normaux ».
Pour le conférencier, « tous ces points négatifs – qui trouvent leur origine dans cinq dates clés : 1885, 1955, 1990, 2000 et 2015 – font que nous attirons prioritairement des acteurs économiques faits pour la jungle, pas très portés sur le respect des droits humains, du droit du travail, de l’environnement, de la justice et de la responsabilité sociale des entreprises. Ils ont l’impression d’opérer dans une zone de non-droit. »
Dans la deuxième séquence, l’orateur a passé en revue les stratégies de puissance des Etats-Unis, de la France, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de la Chine, de l’Inde, de la Russie, du Brésil, d’Israël, de la Turquie et du Maroc, passant volontairement sous silence les cas singuliers des Japonais et des Libanais. Ces deux derniers cas feront l’objet d’une prochaine publication du CAVIE au profit de ses partenaires.
Pour chaque pays convoqué, le conférencier a présenté les éléments de hard power et de soft power, montrant comment le renseignement et l’influence sont décisifs pour l’expansion diplomatique et économique des grands acteurs en compétition sur le sol africain. Il a notamment fait remarquer que, peu ou prou, les grandes puissances ont le même modus operandi en Afrique, avec une tendance prononcée à surexploiter la faille historique que constitue la forte exposition des Africains à l’aide internationale.
L’extrême nécessité d’une intelligence économique purement africaine
Dans la troisième séquence, l’orateur a expliqué l’extrême nécessité d’une intelligence économique africaine tenant compte du contexte et des spécificités évoqués plus haut. Ouvert le 03 août août 2015, à Yaoundé, le Centre Africain de Veille et d’Intelligence Economique (CAVIE) porte et incarne la réponse à cette nécessité. Ses activités concourent à la réalisation d’événements comme cette conférence au GICAM, l’organisation de formations longues (MBA), courtes (3 jours) et bien plus encore.
Au plan opérationnel, le CAVIE surveille 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, douze secteurs d’activités clés de l’économie africaine pour permettre aux décideurs de savoir, de manière rapide et précise, qui fait quoi, comment, où, pourquoi et à quel prix ? Ces opérations sont réalisées à l’aide d’outils, de techniques et de méthodes que le conférencier a tenu à présenter de manière synthétique au public présent.
Du cycle de renseignement, aux cinq surveillances de base, en passant les capteurs d’informations et les fiches synthèse-action, les participants ont été édifiés tant sur l’aspect théorique que pratique de l’intelligence stratégique en Afrique à la faveur d’un retour d’expérience concret dont le livrable est désormais une application mobile. « Si quelqu’un vous parle d’intelligence économique, demandez-lui ses états de service », a lancé l’orateur pour souligner les caractères concret et opérationnel de cette activité.