Ougadougou n’est pas tombée. Les hordes de Djihadistes ont été repoussées. Mais ce vendredi 2 mars ne sera pas oublié de sitôt par les Burkinabés.
Pendant une heure, la capitale du pays des hommes intègres a vacillé. L’ordre des pickup a régné dans les rues. Le quartier général de l’armée (qui devait accueillir une réunion sur le G5) a été soufflée par une forte explosion d’une voiture piégée, la Primature et l’ambassade de France ont été criblées de balles.
Certes, les remparts ont tenu bon. Les renforts de l’armée française ont aidé les forces burkinabés à repousser les terroristes. Mais au finish, le bilan est lourd. Quelque 28 personnes dont 8 assaillants y ont perdu la vie.
Au delà de ce lourd tribut humain, cette incursion meurtrie révèle le courage et la capacité de réaction rapide des forces armées burkinabés. Mais aussi, la décomposition avancée de leurs systèmes de renseignement, de la direction du contre-espionnage, du deuxième bureau, de la cellule anti-terroriste, et l’inutilité du dispositif de surveillance du territoire. Et puisqu’il n’y a pas de hasard, il est utile de le rappeler, cette attaque intervient au lendemain même de l’ajournement d’un procès kafkaïen visant les figures fortes de l’ancien régime.
Toute coïncidence écartée, les djihadistes ont pu mobiliser des moyens humains, matériels et militaires pour venir parader au cœur même du Faso alors que l’ancien patron de l’armée, le général Djendéré, aux côtés de l’ancien ministre des affaires étrangères, Djibril Bassolé, faisaient face à des accusations d’atteinte à la sûreté de l’Etat dans l’interminable après coup d’Etat de septembre 2015.
D’aucuns voient, dans la longueur du réquisitoire et la diabolisation médiatique, les relents d’un procès politique.
Un petit air de macarthurisme qui ne dit pas son nom et qui a le dangereux effet de détourner les yeux et les oreilles de l’Etat des vrais enjeux. A trop mettre les ex-dignitaires du pays sur écoute , l’on oublie que la principale rmenace reste d’ordre terroriste. L’exagération du péril supposé sur l’axe Ougadougou -Abidjan minore fatalement les bruits des pickups et des kalachnikov sur l’axe Kidal-Ougadougou. Pendant que certains démagogues réclament la tête de Guillaume Soro, d’autres trouvent des circonstances atténuantes à Iyad Ag Ghali, un seigneur de guerre qui a eu à fricoter à la fois avec Koulouba et Koyssam avant de retourner casaque.
Reconverti en chef d’un des groupes terroristes les plus dangereux dans la bande sahelo-saharienne , cet ancien diplomate de l’ambassade malienne, qui dispose de solides appuis au Qatar et en Libye, paraissait affaibli par la perte de l’un de ses lieutenants, Sidaham Ag Tahama, blessé lors de l’attaque perpétrée contre le camp des gardes à Ménaka, le 28 janvier dernier, et donné pour mort. Mais c’était sans compter sur l’hydre terroriste, un serpent à mille têtes qui vient de frapper encore à Ougadougou, une troisième attaque en l’espace d’une année.
Oui, il faut le dire, la tragédie du vendredi 2 mars est révélatrice du vide d’Etat à Ougadougou. Ce douloureux constat fait, l’on ne pourrait ne pas faire le lien entre la situation sécuritaire chaotique au Burkina Faso et l’amputation quasi terminée du Nord Mali. La région de Kidal échappe depuis mai 2014 à un gouvernement central obligé de se soumettre à un rapport de force qui lui est encore défavorable. Les forces armées maliennes (FAMA) réduites à faire la police ( ce qui n’est jamais évident pour des militaires) font l’auxiliaire des forces françaises Bakhane et, parfois, l’intendance des forces onusiennes.
Ces dernières intriguent tous les observateurs. Stationnés à Bamako, d’abord dans un hôtel cinq étoiles qu’ils ont fini par vider, puis dans un nouveau QG, une quasi ville nouvelle renforcée, à portée de tir de l’aéroport, les casques bleus de l’ONU accréditent la thèse partagée souvent au mess des officiers, à savoir qu’en matière d’armées, la somme des forces est nulle.
La mission des soldats de l’ONU devrait évoluer plus au Nord. A défaut, c’est un vaste territoire comme la France qui est laissée aux djihadistes, aux trafiquants de drogue et à tous les terroristes. Le retrait des armées de Kidal renforce cette impression d’une terre promise dédiée aux djihadistes et aux ex combattants de l’Etat islamique. Seule une vraie coopération des moyens opérationnels et de renseignement entre le Sahel et le Maghreb sont, au delà de tout hégémonisme politique et sous réserve de la non transposition des rivalités entre le Maroc et l’Algerie, à même de priver les terroristes d’éventuelles bases arrières.
Or, dans sa composition actuelle, le fameux G5 (Tchad, Niger, Mali, Burkina Faso et Mauritanie) semble avoir pour vocation de créer une nouvelle subdivision au sein de la CEDEAO.
Cette organisation qui ambitionne de se muer en union économique, projette de se doter d’une compagnie aérienne, semble créer une discontinuité entre le Maghreb et le Sahel humide qui va du Sénégal à la Guinée en passant par la Côte d’Ivoire. Il est temps d’élargir le G5 et d’en faire une coordination tactique et non un panel de chef d’Etats amis. Il est temps aussi de l’accepter, la solution de Kidal se trouve en Algérie, pays dont plusieurs peuplent les colonnes des Djihadistes. S’il y a lieu de saluer le rôle d’Alger dans les pourparlers ayant conduit à l’inapplicable accord d’Alger, il y a aussi tout lieu, et à juste titre, de s’interroger sur l’ambivalence de ce grand pays. Alger l’a démontré à merveille, si elle ne fait pas partie du G5 (un groupe aux critères d’adhésion flous), elle fait partie forcément de la recherche de la solution. En attendant, le Sahel est entrain de se muer en Sahelistan.