« Il faut accélérer la transition démographique en faisant baisser le taux de fécondité en Afrique »
Directeur régional du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), Mabingué Ndom a accordé un entretien exclusif à Financial Afrik lors du Rebranding Africa Forum, tenu le 6 octobre à Bruxelles. L’occasion de réaffirmer l’urgence de la maîtrise des enjeux liés au dividende démographique. Entretien exclusif.
Quels sont les instruments financiers à mettre en place pour accompagner la transformation démographique du continent Africain ?
Le dividende démographique est une question capitale pour l’Afrique. C’est un chantier d’envergure un qui demande l’implication de tous les acteurs de la société, y compris ceux du privé et du secteur financier. Dans les quatre piliers de la feuille de route de l’Union Africaine, le secteur financier a un rôle extrêmement important en termes de mesures d’accompagnement. Je prendrai par exemple e domaine de la Santé et, à ce niveau, le sujet spécifique de la «supply chain» appelé aussi crédit fournisseur.
Supposons, par exemple, que la Belgique ou un autre pays accorde un financement de 10 millions de dollars à la Mauritanie ou au Sénégal. Nous savons qu’il faut un certain temps pour que l’accord soit préparé, signé et effectif. Un certain temps aussi pour la mise en place des mesures et des interventions. Si par exemple le secteur privé met en place un système de garantie de la commande des produits médicaux qui, par ailleurs, devraient être commandés dans 18 mois ou 24 mois, nous aurons dans ce cas un gain d’une année d’avance pour acquérir ou déclencher le processus des commandes, déclencher le processus contractuel et surtout ne pas attendre un financement du bailleur qui ne viendra que dans 18 mois. C’est juste pour vous dire que pour aller vers l’accélération de la capture de dividende démographique, il faudra anticiper un certain nombre de dispositions.
L’autre exemple que je vais citer est le suivant: il y a un nombre de startups au Burkina Faso. Le président de ce pays a mis en place une ligne de crédit de 2 milliards de FCFA sur 5 ans pour accompagner ce segment. Il s’agit d’un effort important mais insignifiant à la limite compte tenu des besoins. L’on on peut penser à un accompagnement des start up par le secteur financier. Par exemple, à chaque fois que l’Etat met 30 dollars qu’on puisse trouver un instrument de financement sans risque majeur qui pourrait mettre les 70% restants. Je pense que pour chaque partie de la feuille de route , il y a une place importante que le secteur financier doit jouer pour accompagner ces initiatives qui ont la capacité de faire progresser l’Afrique.
Comment l’Afrique pourra faire de ce dividende démographique un atout et non un facteur de blocage?
Je crois qu’il y a quatre grandes mesures. La première est qu’il faut accélérer la transition démographique en faisant baisser le taux de fécondité en Afrique. C’est fondamental car, tant que la femme africaine va continuer à avoir 5 enfants et demi – c’est le cas aujourd’hui en l’Afrique de l’Ouest et du centre, contre 4 enfants et demi en Afrique australe- il serait difficile de dégager l’épargne qui finance l’investissement, seule source de création d’emplois collectifs.
La deuxième mesure porte sur l’investissement ans l’éducation. C’est un engagement qui permettra de relever la productivité du capital et, in finé, de rendre l’Afrique compétitive sur le plan international. Il faut un environnement de bonne gouvernance pour la création d’emplois productifs. Aujourd’hui, sur les 420 millions de jeunes âgés de 15 à 35 ans que compte l’Afrique, le tiers ne travaille pas. Un autre tiers occupe des emplois précaires. En fait, il n’y a qu’un sixième de ces jeunes qui occupe des travaux rémunérés. Le taux de chômages des jeunes représente environ 50% de celui des adultes. Nous devons régler ces problèmes assez douloureux pour assoir la paix la stabilité et la sécurité sans lesquelles on ne peut pas se développer.
Qu’attendez-vous réellement des bailleurs, des gouvernements et du secteur privé ?
Je m’attends que pour un agenda aussi ambitieux, audacieux et porteur d’espoirs comme celui de dividende démographique, que ces acteurs ces acteurs extrêmement importants se retrouvent autour de la table. Je vois un peu la question du dividende démographique comme une opportunité unique pouvant engendrer des partenariats réels, des partenariats où les acteurs contribueront ensemble à la réalisation de ce pari qu’est la capture du dividende démographie. C’est un partenariat gagnant-gagnant. Ce n’est pas seulement une question de philanthropie pour le secteur privé mais une question de profitabilité pour tous.
Vous êtes à quel niveau de mobilisation des fonds à allouer à ce méga projet ?
Nous avons bien avancé dans notre démarche. Pour moi, le plus important c’était la mobilisation politique, la mobilisation des acteurs essentiels de la société. Le plus important c’est que l’Afrique puisse parler d’une seule voix. Que l’Afrique puisse faire du dividende démographique une priorité principale. Nous avons été capables de galvaniser tous les acteurs. Nous avons été capables de porter le dossier et de le placer au plus haut niveau de l’agenda continental. Maintenant, tout n’est pas rose, il y a naturellement des défis. Des défis traditionnels qui portent principalement sur les réflexes. Mais cette fois-ci, il faudrait, au-delà de l’engagement politique, que nous puissions poser les actes décisifs qui vont changer la situation des populations de notre continent.
Propos recueillis à Bruxelles par Dia EL Hadji Ibrahima
Un commentaire
Il est clair qu’une Afrique à 1,2 milliards d’habitants aujourd’hui, avec les problèmes de gouvernance et autres qu’elle rencontre déjà, ne pourra pas accueillir les 2,5 milliards d’habitants annoncés par l’ONU pour 2050 et encore moins les 4,5 milliards prévus pour 2100. Tout doit donc être fait pour stopper sa démographie galopante. Bravo en tout cas au FNUAP pour son investissement dans cette direction !