Par Jérôme Codomier, Consultant Expert Fatca chez Boetie Conseil
Une loi extraterritoriale
Les USA ont une particularité fiscale unique dans le monde. Ils imposent leurs citoyens quel que soit leur lieu de résidence. Ces US Persons doivent donc payer leurs impôts en double : dans leur pays de résidence et aux USA. Cette particularité inscrite dans leur constitution, date de la guerre de sécession ou les famille US qui s’étaient réfugiées à l’étranger pour fuir les combats devaient néanmoins soutenir l’effort de guerre et payer l’impôt.
Une promesse électorale du Président Obama
Le président Obama a institué Fatca (Foreign Account Tax Compliance Act) depuis juillet 2014 pour lutter contre la fraude fiscale. Les revenus récupérés sur les fraudeurs devaient financer la lutte contre le chômage (HIRE act). Des accords fiscaux entre le lieu de résidence et les USA peuvent exister pour éviter cette double imposition, mais cela nécessite de faire appel à un spécialiste fiscal qui se fait rémunérer 2 000 USD. Cela conduit à ce que seulement 7% des citoyens américains vivant hors des USA se déclarent aux USA.
Une Loi de 1 500 pages qui pousse les établissements financiers dans l’illégalité
Fatca est une loi extraterritoriale qui présuppose que tout client d’un établissement financier (FFI Foreign Financial Institution) est et un américain et un fraudeur, ce qui oblige à un coûteux travail de mise en conformité
Tous les banquiers, assureurs, brokers, à travers le monde, doivent donc principalement :
- Obtenir un numéro d’agrément dit GIIN (Global Identification Number) auprès de l’IRS par la signature d’un contrat léonin
- Documenter chacun de leurs comptes client pour prouver la nationalité réelle de chacun de leurs clients personne physique ou morale
- Réaliser une recherche poussée des 7 indices d’américanéité donnés par la loi
- Vérifier la compliance de leurs confrères banquiers et assureurs
- Désigner des responsables dits « Fatca Compliance Officers » personnellement responsables pénalement et sur leurs biens, du respect des textes
- Réaliser un reporting annuel des clients déclarables US persons, récalcitrants, confrères non fatca compliant via un fichier .XML
- Prendre une amende de 30% sur les sommes à verser soit à un client non compliant, soit par l’intermédiaire d’un confrère non compliant et la verser à l’IRS
- Créer des procédures Fatca
- Former leurs personnels à Fatca
- Vérifier qui a le pouvoir dans une société (détail des actionnaires, procurations, direction)
Mais se conformer à Fatca, c’est se placer dans l’illégalité. Appliquer une loi américaine en Afrique au lieu de la loi de son pays n’est pas légalement justifié et met les FFI en risque: Secret bancaire bafoué, divulgation des informations financières, prélèvement de 30% des avoirs d’un client sans le couvert des lois de son pays…
Une loi imposée par la force et la menace
Les virements en faveur de :
- tout établissement conforme mais traitant pour un client non conforme
- ou tout établissement non conforme
Venant soit d’un confrère américain soit d’un confrère non US conforme Fatca seront amputés d’une taxe confiscatoire de 30% prélevée par le FFI compliant et versé directement au fisc US (l’IRS).
Mais où est le choix, quel établissement peut perdre 30% des avoirs de ses clients ?
Qu’en est-il dans les faits ?
Certains états ont négocié d’état à état des accords avec les USA dits accords IGA (Intergovernmental Agreement1 et 2 Reciprocal ou non) et adapté leurs lois locales à Fatca.
Cela a été très rarement le cas en Afrique ce qui est préjudiciable aux financiers car leur situation légale est alors bien plus inconfortable. Dans les accords IGA 1 le fisc local fait même l’intermédiaire avec l’IRS. Ce tampon équilibre un peu mieux les relations.
Les établissements financiers n’ont pas voulu courir le risque d’un suicide économique et maintenant 288 129 établissements financiers sont Fatca compliant dans le monde. Il devient donc impossible de faire des affaires, surtout à l’international, sans être conforme.
Les banquiers qui pensaient ne pas avoir à se conformer à ce texte car n’ayant pas ou ne semblant pas avoir de clients US ou qui ont fermé les comptes de ces derniers pour éviter Fatca se voient réclamer par leurs confrères, les banques centrales, les assureurs, les brokers la conformité par un numéro de GIIN sur un formulaire américain W8-IMY sous peine de cesser toutes relations financières.
De très nombreux américains renoncent à leur nationalité pour éviter de devenir un paria du système bancaire (en 1998 = 398 en 2016 = 5 411): Boris Johnson, Tina Turner, Eduardo Saverin…
Les FFI fournissent un reporting annuel au fisc américain , l’IRS (Internal Revenu Service) le détail des revenus et avoirs des
- US Persons déclarées,
- des clients récalcitrants,
- des confrères non Fatca compliant.
Toutes ces informations rentrent dans les ordinateurs du fisc US qui peuvent ainsi suivre les personnes d’une banque ou d’une assurance à l’autre, et suivre tous les flux financiers. Les responsables fatca des établissements financiers sont responsables pénalement et financièrement des déclarations de leur société.
!l va de soi qu’un Compliance Officer interrogé directement par l’IRS devra lui donner tous les renseignements possibles sur un client ou une opération, que l’IRS est seul juge et partie pour estimer qu’une anomalie est une simple erreur ou une malversation volontaire et décide seul de maintenir ou non votre agrément Fatca…
Fatca une loi très démagogique
Fatca permet à l’IRS de récupérer 750 millions d’USD d’impôts par an alors que la vraie fraude est celle des sociétés technologiques US.
La plus grosse société mondiale, Google, n’est imposée qu’à 0,2%. Actuellement 1 300 milliards de bénéfices sont détenus hors des USA (Google, Microsoft, Apple… ) car les rapatrier conduirait ces sociétés à payer 35% d’impôt soit 455 milliards soit 600 années de Fatca.
Fatca est un boulet financier qui handicape les établissements financiers Africains sans aucune contrepartie. Les américains eux ne divulguent pas l’identité et les avoirs des clients africains détenus dans leurs banques et restent un des derniers paradis fiscaux de la planète.
Puisque les pays ont laissé faire Fatca pour les américains, l’OCDE fait maintenant de même et une centaine de pays s’échangent les informations entre eux, mais cela sans contraintes ni sanctions. Il va sans dire que les USA n’en font pas partie car ils devraient déclarer les comptes des non-résidents US
La recherche des fraudeurs et de l’argent sale est passée d’une collaboration ponctuelle entre états par le biais d’accords bilatéraux, à une déclaration régulière systématique et générale.
Le Big Data va-t-il être l’arme absolue contre la fraude
Jérôme Codomier
Consultant Expert Fatca chez Boetie Conseil
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