La Côte d’Ivoire veut mettre en place une véritable industrie du textile et de l’habillement à destination des Etats-Unis dans le cadre de l’initiative AGOA, la loi américaine sur la croissance et les opportunités en Afrique. Abidjan a accueilli à cet effet, ce mardi, un atelier sur la filière afin d’affiner sa stratégie nationale AGOA.
En 2015, Abidjan a exporté pour environ 1 milliard de dollars de marchandises vers les Etats-Unis dont seulement 5,86% ont bénéficié des facilités de l’AGOA (entrée en franchise de douanes). Une situation qui est symptomatique de l’absence d’une stratégie nationale AGOA expliquée par le fait que le pays ait été retiré de la liste des pays bénéficiaires de cette initiative entre 2005 et octobre 2011, selon Gérard Amangoua, directeur adjoint de l’APEXCI, l’agence dédiée à la promotion des exportations ivoiriennes.
Aussi, le pays envisage-t-il, pour mieux tirer parti de ce mécanisme, de diversifier son offre dans le secteur textile et de l’habillement, une filière identifiée comme prioritaire et à forte valeur ajoutée.
« Il faut bâtir de véritables unités industrielles capables de produire mille à 5 mille pièces, voire plus, par jour pour intéresser les acheteurs américains » a fait remarquer Emmanuel Odonkor du Trade Hub (organisme membre de l’USAID) qui a exposé sur le modèle ghanéen en pleine expansion. Pour se faire la stratégie nationale doit être transversale, selon Paul Millogo, consultant à la BAD, la Banque africaine de développement.
Le fait est qu’à l’exception d’une entreprise comme Uniwax, la filière ivoirienne se résume pour l’essentiel à une série de sociétés en difficulté ou en restructuration (FT Gonfreville, Utexi ou encore Cotivo) et à de petits ateliers de confections essentiellement de type artisanal.
« Il faut construire une expertise technique, soutenir la formation technique de la main d’œuvre, subventionner les frais d’eau et d’électricité, accompagner les acteurs dans l’implémentation des normes sociales et environnementales américaines, mettre en place des infrastructures adaptées etc. » a conseillé Emmanuel Odonkor. Des mesures appliquées avec succès par le Ghana ou encore l’Ethiopie et le Kenya et qui sont de nature à attirer les investisseurs asiatiques et mauriciens « qui cherchent à délocaliser leurs usines en Afrique » indique-t-il.
Mais pour installer durablement l’industrialisation de la filière, il faut aller plus loin, depuis la recherche scientifique afin d’identifier des semences à même de produire du coton de qualité, jusqu’à la mise en place de toute une chaîne logistique efficace capable par exemple de convoyer quotidiennement les commandes vers le sol américain, a-t-il insisté.
Une industrie locale qui se cherche …
Pour la côte d’Ivoire, les acteurs ont déploré les contraintes et le peu d’intérêts des politiques. « Il existe une expertise locale formée en Europe qui a fait tourner des industries textiles aujourd’hui à l’arrêt comme COTIVO » a fait remarquer Guépié Pierre, qui revendique 35 ans de service dans l’industrie textile. « J’ai reçu à COTIVO des stagiaires du Ghana venus se former et qui sont ensuite retournés pour développer leurs industries … » a-t-il souligné.
« Les regards, selon lui, sont tournés vers les investisseurs étrangers à qui l’on propose toutes sortes de facilités, alors qu’en accordant les mêmes faveurs aux usines locales en difficulté et aux unités locales existantes, il sera possible de relever et de booster le secteur ».
Une position défendue Frédéric Tano, patron de O’Sey Collection, l’un des rares à exporter des vêtements vers les Etats-Unis. « Par manque de financement, nous achetons des machines d’occasion pour nos petites unités, qui sont du coup moins productives et consomment plus d’électricité de sorte que nous ne sommes pas assez compétitifs. En outre avec la fermeture de COTIVO, trouver du tissus en quantité et en qualité avec les commerçants locaux est une autre source de difficulté ». Une situation qui, ont expliqué les experts, fait qu’il est 2,5 fois plus cher de produire du textile et vêtements en Côte d’Ivoire qu’au Maroc, et trois plus cher qu’en Tunisie.
L’atelier qui s’achève ce mercredi devrait donc permettre de faire le point de l’ensemble de ces contraintes afin de redonner un nouveau souffle à une filière qui manifestement dispose de ressorts pour rebondir.
Pour rappel, les Etats-Unis ont reconduit en 2015 l’initiative AGOA pour encore une dizaine d’année, jusqu’en 2025.