Par Amédée Mwarabu (Kinshasa)
La République démocratique du Congo (RDC) s’est dotée d’une nouvelle loi sur les assurances, promulguée le 17 mars 2015. Après une année de transition, le Code des assurances de la RDC est officiellement entré en vigueur le 17 mars 2016. Il reste seulement que les animateurs de l’Autorité de Régulation et de Contrôle des Assurances (ARCA) soient nommés par le gouvernement congolais pour que les nouvelles compagnies d’assurance soient agréées avant qu’elles ne commencent à opérer. Ainsi pourra s’achever le monopole exercé, depuis 1967, par la Société nationale d’assurance (SONAS), une compagnie d’État.
Un monopole défaillant
Le Congo Kinshasa ambitionne son émergence à l’horizon 2030. Comme le progrès économique ne se décrète pas, le pays essaie de capitaliser toutes ses opportunités susceptibles de lui permettre d’atteindre cet objectif. C’est dans cette perspective que s’inscrit la libéralisation du marché des assurances. En effet, le monopole exercé par la compagnie nationale d’assurance faisait perdre des milliards dollars américains chaque année à la RDC.
La Sonas n’était pas en mesure d’assurer la plupart de grandes compagnies privées aussi bien nationales qu’étrangères qui opèrent dans le pays. Ainsi, plusieurs entreprises prenaient leur police d’assurance soit dans leur pays d’origine soit dans les pays limitrophes de la RDC. Même les institutions internationales et celles du système des Nations Unies souscrivent leur police d’assurance à l’étranger pour avoir la garantie d’être indemnisées en cas de sinistre.
La Sonas s’est réduite seulement sur les assurances automobiles et sur certaines polices incendies. Ce qui explique la modicité des recettes collectées. En 2013, la compagnie nationale a réalisé un chiffre d’affaires de 65 millions Usd, dans un pays qui comptait plus de 70 millions d’habitants en ce moment-là. Avec l’ouverture du marché, la Sonas devra se restructurer pour faire face à la concurrence.
Des nouvelles compagnies d’assurance s’annoncent
La Rawbank fait partie des premières compagnies à vouloir gagner des parts de marché dans le secteur, dès la première année de l’ouverture. Cette banque commerciale opérant en RDC est en attente de l’obtention de son agrément de l’Autorité de régulation pour lancer sa nouvelle offre d’assurances sur le marché congolais, après ses treize années de succès dans le secteur bancaire. « Deux sociétés seront constituées à cet effet, chacune avec le capital de CDF 10 milliards (équivalent à +/- USD 11 millions) requis par le code des assurances », a annoncé Rawbank en juin dernier.
« Sous une seule et même marque « RAWSUR », l’offre sera déclinée en deux branches qui évolueront selon le code des assurances en vigueur en RDC : la branche vie active dans les métiers de l’assurance de personnes, la branche non-vie active dans les métiers de l’assurance de dommages », précise la Rawbank parlant de ses perspectives 2016.
Un marché quasi vierge
Le potentiel du marché des assurances en RDC va de la taille de la population, estimée à plus de 75 millions d’habitants et qui pourrait doubler en 2050, à ses immenses opportunités d’investissements en passant par son portefeuille des grandes entreprises d’extraction minière et pétrolière, ses milliers des petites et moyennes entreprises non sans compte les compagnies de télécoms, les banques, les institutions de microfinance ainsi que les coopératives d’épargne et de crédit.
Bien plus, la RDC compte 3 392 815 unités de production informelles dont les revenues varient entre CDF 10 500 (10 Usd) et CDF 375 279 (375 000 Usd) par mois, selon une enquête réalisée en 2012. Ce qui représente une opportunité énorme non seulement pour les polices d’assurances traditionnelles mais aussi pour la microassurance.
A ceci s’ajoute les ambitions de l’émergence du pays. Kinshasa est engagé à mener des réformes structurelles dans tous les secteurs porteurs pour améliorer le climat des affaires et booster durablement son économie. Surtout, le marché des assurances reste sous exploité en RDC à cause de la faiblesse évidente de l’opérateur national qui n’inspirait pas confiance aux yeux des grands investisseurs et même de la population congolaise. Le secteur représente à peine moins de 0,5% du PIB, à ce jour.
« La libéralisation du secteur des assurances est une chance pour la RDC, elle mérite d’être traitée avec méthode et professionnalisme pour éviter les erreurs du passé dans l’intérêt de tous », pense Marcel Mulumba, professeur avec une thèse sur les assurances. De son avis, « pour relever ce grand défi de développement, la correction des imperfections sur la gestion antérieure permettra une redistribution équitable des progrès accomplis jusqu’à ce jour dans le domaine économique ».
En effet, la RDC a dans son actif des performances économiques observées ces dix dernières années qui ont permis la stabilité de son cadre macro-économique. Il reste maintenant à Kinshasa de « transformer son potentiel en richesses réelles pouvant bénéficier à toute sa population ». « Pour gagner ce pari, la bonne gouvernance et la transparence sont recommandées dans tous les secteurs productifs, notamment l’énergie, l’agriculture, les transports et voie de communication et les mines. Un accent particulier doit être mis sur ce dernier secteur, car il est porteur de croissance », suggère le professeur Marcel Mulumba.
A chacun ses parts de marché
Le marché des assurances reste donc ouvert en RDC. Les nouveaux acteurs doivent mettre tout en œuvre pour recréer la confiance et la crédibilité qui ont manqué sous le monopole de la compagnie d’État. Ceci passe préalablement par une sensibilisation à la culture de l’assurance.
Pour Marcel Mulumba, désormais « tous les projets économiques doivent être assortis d’une assurance pour éviter les erreurs du passé où divers projets se sont arrêtés à cause d’un choc incertain qui les a frappés ».
Tout aussi, la donne ayant changé, toutes les grandes entreprises et les institutions internationales qui, sous le monopole, souscrivaient leur police d’assurance à l’étranger devraient le faire sur place en RDC. « Les assureurs vie du personnel du PNUD en RDC sont GMC international et CIGNA pour les assurances santé et vie, situation justifiée à l’époque par la faiblesse de solvabilité de la Compagnie nationale, mais non acceptable à l’occasion de la libéralisation du marché », tranche Marcel Mulumba.
Les nouveaux arrivants dans les assurances vont également bénéficier d’autres projets porteurs de croissance qui sont dans les pipelines comme l’agro-industrie, la construction du barrage d’Inga III, l’implantation de la fibre optique sur l’ensemble du pays ainsi que de tous les projets connexes à la décentralisation de la RDC.