Sur les 185 institutions de microfinance qui exercent au Togo, une bonne centaine ne dispose d’aucune autorisation.
Malgré les risques que présentent certaines d’entre elles, les institutions de micro-finance (IMF) constituent aujourd’hui un passage obligé pour nombre de togolais n’ayant pas accès aux services bancaires.
Gage d’un développement inclusif, le secteur est en plein essor au Togo, avec une forte pénétration, mais reste en proie à des problèmes structurels et souffre d’un laisser-aller au plan réglementaire.
Selon le Rapport de la dernière Mission du Fonds Monétaire International (FMI) au Togo, environ 100 institutions de microfinance (IMF) sont en activité sans autorisation, sur les 185 que composerait le pays. Et d’appeler les autorités togolaises, à renforcer les capacités de l’organe de réglementation (CASIMEC) et à établir une stratégie, en vue d’intégrer les institutions «illégales», dans le système de réglementation ou à les fermer.
Présentation et réglementation
Le secteur de la micro-finance au Togo a enregistré une forte croissance ces dernières années, jouant un rôle non négligeable dans la fourniture des services financiers. Défini comme l’offre de services financiers de proximité aux populations à faibles revenus, qui n’ont pas accès aux services bancaires traditionnels, l’activité est réglementée par les lois et règlements de la Zone UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine) et est supervisée conjointement par la BCEAO (Banque Centrale des États d’Afrique de l’Ouest) et la Cellule d’appui et de suivi des institutions mutualistes ou coopératives d’épargne et de crédit, en abrégé CASIMEC, logée au ministère de l’Economie et des Finances.
À l’image même de la répartition de la population togolaise, et des activités économiques, les IMF sont elles aussi, inégalement réparties sur le territoire national, avec une forte concentration marquée à Lomé et dans la Région Maritime.
Au 31 décembre 2013, le secteur était constitué d’environ 200 SFD (Systèmes Financiers Décentralisés), répartis comme suit : 49 % à Lomé et dans la Région maritime, 19% dans la Région des Plateaux, 11% dans la Région Centrale, 9% dans la Région de la Kara, 12% dans les Savanes.
En effet, Lomé et la Région maritime, concentrent à elles seules, 68% des populations urbaines du pays, contre 12% à la Région des Plateaux, 8% à la Région de la Kara, 7% à la Région Centrale, et 5% à la Région des Savanes.
Le leader sur le marché, reste la FUCEC Togo (Faitière des Unités Coopératives d’Epargne et de Crédit), qui concentre plus de la moitié des encours d’épargne et de crédit, suivie par l’association WAGES (Women and Associations for Gain both Economic and Social). Deux réseaux qui se partagent près des 80% du marché total.
Croissance
La croissance que connait le secteur de la micro-finance aujourd’hui au Togo, est exponentielle, surtout en termes de pénétration. Avec un taux de couverture de 43% de la population et un nombre de plus en plus important d’institutions, le secteur, selon le Rapport de la dernière Mission du FMI au Togo, a le plus grand taux de pénétration dans la zone UEMOA.
A noter que c’est à partir des années 2010 qu’il va connaître cet essor sans précédent, qui se traduit par le nombre d’institutions, de bénéficiaires, de l’encours des dépôts, de l’encours des crédits, du portefeuille à risque, des crédits distribués, etc.
C’est ainsi que, de 2000 à 2013, le nombre de membres ou bénéficiaires a plus que quadruplé, passant de 227.000 à environ 1.500.000, en grande majorité, la population féminine. Les ressources des SFD, constituées en majorité de l’épargne collectée (79% en moyenne), ont servi au financement de l’économie, à hauteur d’environ 52%. Près de 25% en moyenne de ces ressources seraient consacrées à l’acquisition des immobilisations.
128,4 milliards FCFA de dépôts en 2013
L’encours des dépôts collectés a régulièrement progressé, passant de 14,9 milliards de FCFA en 2000, à 128,4 milliards de FCFA en 2013. L’encours de crédit ressort à 109,3 milliards de FCFA à fin 2013, contre 14,1 milliards de FCFA en 2000. Le portefeuille à risque est passé d’un taux de dégradation de 18% en 2000, à 3,7% en 2010, et remontera à 7% en 2013.
«Le secteur de la micro-finance continue d’avoir la confiance des populations», révèle Ange Kossivi Kétor, le Directeur Exécutif d’APIM-Togo, l’Association des Professionnels d’Institutions de Micro-finance. «Et surtout à la lecture de des agrégats caractéristiques, on note un engouement assez important ».
Toute la question est de savoir si les services offerts sont à la hauteur des attentes du marché : «Il ne suffit pas d’octroyer du crédit aux clients. Il faudrait s’intéresser à ce qu’ils deviennent après le crédit. C’est de là qu’on pourrait dire que des corrections doivent être faites sur l’offre de produits. (…)Et là, il faut éduquer la population à faire des choix judicieux. Aujourd’hui, les gens veulent faire l’agriculture, mais ont en face d’eux un crédit de 6 mois ou d’un an. Est-ce- que ça répond véritablement au type d’agriculture que l’on veut faire ?», s’interroge le Directeur Exécutif de l’APIM.
Amateurisme d’un secteur et misère de la CASIMEC
Malgré cette prouesse du secteur, qui aujourd’hui prend visiblement le pas sur un secteur bancaire encore conservateur, la micro-finance est en proie à des problèmes structurels, miné par une activité non réglementée. Aux dires de la dernière Mission du FMI au Togo, les contrôles sont insuffisants. L’existence d’entités sous-réglementées favorise lac efraudes et met le secteur en péril.
Selon le FMI, seules trois institutions de micro-finance ont fait montre de «d’amélioration dans leur situation financière». La CASIMEC, l’autorité de supervision de la micro-finance, un démembrement du Ministère de l’Economie et des Finances, est en sous-effectif considérable et a besoin d’un important renforcement institutionnel. (…) Il conviendrait de renforcer ses capacités ».
Et d’appeler les autorités togolaises à établir une stratégie pour soit intégrer les IMF illégales dans le système de réglementation, soit les fermer.
En effet, les IMF poussent au Togo, au jour le jour. «N’importe quel individu peut se lever, recruter des jeunes pour la collecte des tontines et trouver une chambre-salon dans un quartier, qu’il baptise institution de micro-finance», constate ce responsable d’institution.
Aujourd’hui, nombreux sont ces institutions qui ont fermé leur porte et laissé leurs clients dans le désarroi. Parce qu’officiellement, l’Etat, ne connaissant pas leur existence, personne ne leur dit rien. Elles disparaissent comme elles sont arrivées dans le secteur .
Nephthali Messanh Ledy