La FANAF pose les termes du débat
Attention au trou de la sécu à la française
La couverture maladie universelle (CMU) fait partie des grands axes du symposium sur les assurances qui se tient à Abidjan du 24 au 27 juin 2015 en présence de 250 délégués venus de divers horizons. L’objectif de ce forum professionnel est de racorder l’assurance privée aux réformes actuelles sur la sécurité sociale qui ont cours dans de nombreux pays membres de la Confèrence inter-africaine des marchés de l’assurance (CIMA).
Enjeu Capial
Recommandation forte émise en février 2015 à Antananarivo lors de la 39ème Assemblée annuelle de la FANAF (Fédération des sociétés d’assurances de droit national africaines) la rencontre se penchera en particulier sur l’interaction entre assurance privée et régime de protection sociale en écho à l’entrée en vigueur de la CMU (Couverture Maladie Universelle) et à la refonte des systèmes de protection sociale au Bénin, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Sénégal et au Togo.
L’enjeu de cette réforme est capital quand on considère que la Côte d’Ivoire, l’un des pays les plus riches de la sous-région, compte 85% de sa population non couverte par l’assurance. Aussi, la CMU lancée le 3 janvier 2015 avec l’enrôlement du président Alassane Ouattara, promet l’accès aux soins contre une contribution mensuelle de 1000 FCFA et une gratuité pour les plus pauvres.
Selon les projections ivoiriennes , 40% de la population devra être couverte d’ici 2025. Le Sénégal qui s’est doté d’un système analogue vise un taux de couverture de 75% en 2017. Ce taux est aujourd’hui de 32% déclarait récemment le directeur général de l’Agence sénégalaise de la couverture maladie universelle, Cheikh Seydi Aboubacar Mbengue.
Pour tous ces systèmes nationaux récemment lancés, se pose le même problème: assurer l’équilibre d’un régime de service universel qui repose sur les contributions obligatoires.
En Côte d’Ivoire, la mise en place du système a coûté 15 milliards de FCFA en 2014. L’Etat y mettra encore du sien avec 0,2% du PIB destiné à assurer l’extension de la couverture aux populations vulnérables. Il sera fait cas de l’expérience des pays qui ont réussi le pari de la CMU à l’instar du Ghana ou encore du Maroc où les salariés du privé devront basculer dans le régime de l’AMO (Assurance Maladie Obligatoire) en 2018.
Si le succès marocain est indéniable, il se pose encore une question, trois ans aprés le lancement de l’AMO, concernant la part dévolue aux compagnies d’assurance privée qui perdront l’assurance maladie (2 milliards de dirhams de primes) et se contenteront de l’assurance complémentaire.
En dehors des réserves introduites par les compagnies d’assurances, il y a certains observateurs qui évoquent le spectre du creusement du déficit budgétaire et une situation à la française où le déficit de la sécurité sociale ( le trou de la sécu ) atteignait 13 milliards d’euros en 2015.
Conçus sous l’instigation de la Banque Mondiale et du Bureau international du Travail, ces filets de protection sociale sont mis en place pour accélérer notamment l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement ( OMD).
Pour l’heure, l’un des maillons essentiels de ce système, «l’assurance privée, à la fois pourvoyeuse de sécurité et investisseur institutionnel, n’a pas été associée à la réflexion et pourrait subir de ce fait les contrecoups des réformes attendues, dont l’une des clés du succès devrait reposer sur une claire articulation d’un partenariat public privé», fait remarquer la Fédération.
En clair, le symposium sur la prévoyance sociale vise à recueillir le maximum d’informations sur les différentes visions et à favoriser des échanges d’expériences et d’informations avec des systèmes jugés plus matures en Afrique et ailleurs.
Pour rappel, le taux de croissance annuel moyen de l’assurance, pour la période 2005-2013, est de 9,5% dans la zone FANAF. Cette progression est portée par la branche vie en hausse 12% par an sur la même période, contre 8% pour les branches dommages. Les performances de la vie sont portées par les assurances retraite et IFC, qui profitent des aménagements fiscaux et des mesures incitatives des états pour les promouvoir.
Adama Wade