A quelques jours des 50e Assemblées générales de la BAD, l’heure est au bilan. Financial Afrik a tendu le micro à madame Diallo Kodeidja, directrice du département du secteur privé, pôle dont les engagements ont augmenté de 6 fois en dix ans. Entretien.
Comment se présente l’évolution du portefeuille du secteur privé de la BAD de 2005 à nos jours ?
Les activités du département du Secteur Privé de la Banque Africaine de Développement ont réellement décollé en 2007 avec la mise en œuvre des réformes institutionnelles et le nouveau leadership sous l’égide du Président Donald KABERUKA. Les chiffres sont très parlants à cet égard. Au cours des 10 dernières années, le portefeuille du secteur privé est passé de 250 millions d’unités de compte à presque 1,5 milliard d’unités de compte, représentant plus du tiers des financements non concessionnels. En 2004, la Banque a approuvé sous son guichet Secteur Privé un montant d’environ 130 millions d’unité de compte (UC) avec une légère inflexion en 2005 et une légère croissance en 2006 qui était aux environs de de 250 million. En 2007, c’est à dire 2 ans après l’initiation des réformes, les approbations du Secteur Privé sont montées à près de 900 million d’UC avec une progression annuelle positive jusqu’en 2009. Suite à la crise financière qui a engendré une demande croissante des pays membres régionaux pour les prêts de la BAD et l’assistance sans commune mesure de la Banque qui a résulté en une augmentation de capital de 200%, les approbations sont passées à environ 1350 million d’UC en 2011. En 2014, l’année du retour au siège à Abidjan, la performance a été meilleure de l’ordre de 1,600 millions d’UC.
Cet accroissement important et soutenu du volume d’activité du secteur privé de la banque était également accompagné par une grande diversification des produits de la Banque offerts par le guichet du secteur privé (prêts, garanties, prises de participations, produits de financement du commerce, produits de gestion de risques, etc..) et d’un effet de levier important (pour chaque unité de compte investi dans les pays membres : 6 fois de financements de tiers mobilisés par la BAD).
En outre, tout au long de cette croissance, une politique de diversification a été maintenue avec 50% du portefeuille dans le secteur financier, 30% dans l’infrastructure et 20% dans l’industrie et les services. Ceci grâce à la nouvelle stratégie de développement du secteur privé visant à améliorer l’environnement des affaires et fournir un meilleur accompagnement des PME, des institutions financières, des sociétés d’état privatisées et autres acteurs du secteurs privé au travers des projets et programmes novateurs de la BAD.
Quels sont les secteurs qui vous sont prioritaires?
En concordance avec les orientations stratégiques de la BAD en matière de développement du secteur prives les secteurs prioritaires sont : (i) l’infrastructure dans toutes ses composantes (énergie, transport, eau et assainissement, les nouvelles technologies, etc.), (ii) les Institutions Financières et développement du secteur financier incluant développement des marchés des capitaux et facilitation des exportations et importations sous le programme « Trade Finance » de la BAD ; et (iii) le secteur réel ( industries, manufactures, agro-business, services, etc..). A ceci s’ajoute des programmes spéciaux visant (a) les projets transformateurs dans les états fragiles, (b) les projet régionaux d’intégration économique, (c) l’appui indirect aux PME disposant d’un potentiel de croissance et mise en œuvre de projets de sous-traitance entre les PME locales et les grands projets du secteur privé financés par la Banque, etc..
Vous travaillez avec des fonds globaux comme Carlyle. Pouvez-vous nous préciser le cadre de ces partenariats ?
La Banque est un investisseur phare dans le Fonds Carlyle Afrique Sub Saharienne. Comme partenaire de choix sur le contient, Il est utile pour un nouvel arrivant sur le marché Africain d’avoir la BAD à ses côtés au cours de la période de levée de fonds. Et, le continent africain a besoin de grands investisseurs ayant la capacité financière et les connaissances des marchés globaux pour pouvoir attirer les capitaux et réussir une stratégie de construction par acquisitions. Etant donné qu’il y a très peu de compagnies de renommée Panafricaine, la stratégie est d’en créer via acquisition. Les grands investisseurs et autres acteurs comme Carlyle ont la capacité d’identifier les entreprises présentant des potentiels de croissance dans diverses régions pour éventuellement en faire l’acquisition et les fusionner. Ceci afin de réaliser des économies d’échelles et élaborer des stratégies de distribution au service en vue de soutenir la croissance des économies régionales et locales. Une firme ayant l’envergure et la signature du groupe Carlyle a le potentiel de faciliter les transactions de sorties pour les fonds qui visent à investir dans les moyennes entreprises en croissance.
En ce qui concerne le cadre des partenariats avec les gestionnaires de fonds, il s’agit d’un partenariat gagnant-gagnant. En tant qu’actionnaire d’un fond d’investissement ciblant le marché Africain, la Banque Africaine de Développement y applique son sceau d’approbation pour les investisseurs continentaux et internationaux. La Banque et l’Afrique ont besoin de la participation d’intermédiaires financiers divers et de tailles variées afin de garantir des activités complémentaires pour une stratégie de croissance soutenue efficace. La Banque est représentée au comité de supervision des Fonds dans lesquels elle investit et assure que les gestionnaires de fonds réalisent des investissements financièrement profitables, mais alignes sur les objectifs de développement, tout en respectant les meilleurs standards de gouvernance et les bonnes pratique de gestion. Il convient également de signaler que l’objectif de la Banque est de générer le plus de résultats de développement possible sur le continent ainsi que de contribuer à la viabilité de nouvelles équipes de gestion et renforcer leur capacités opérationnels sur le marché Africain. Par ricochet ceci permettra également d’attirer le capital intellectuel Africain à revenir sur le continent.
Quid des fonds de pension, des fonds souverains et des institutionnels africains. Participent-ils au financement de vos projets?
Le développement des relations de partenariat avec les fonds de pensions et les fonds souverains continuent d’être un défi. Les fonds de pensions nationaux Africains ont des politiques d’investissement très stricte qui rendent difficile les investissements : (i) à l’extérieur de leur juridiction et (ii) gérés par des équipes qui sont à leur premier fonds. Ils visent très souvent les pays bien cotes sur les marches internationaux (au-delà BBB) et sont généralement intéressés par des résultats passés prouvés. Par ailleurs, les Fonds souverains recherchent des tickets d’investissements requérant des sommes importantes à investir, puisque leur investissement type est de l’ordre d’USD 100 mlns.
La banque a intensifie au cours de ces trois dernières années ces activités d’attraction de ses fonds et a cet égard continue à organiser des séminaires et conférences, à les informer de l’importance de diversifier leurs investissements à l’extérieur de leurs pays respectifs. En ce qui concerne les fonds souverains, la Banque, en investissant dans des Fonds ayant une capacité continentale (tel Carlyle) espère être en mesure de créer des compagnies de taille qui sauront attirer les fonds d’investissement Souverains.
Certains fonds de pension qui ont compris et saisi l’importance de la diversification continentale, ont commencé à allouer une certaine portion de leur capital au-delà des frontières et selon les opportunités. Il y a encore un long chemin à faire mais il s’agit d’un exercice essentiel au renforcement des bourses Africaines pour assurer un marché des capitaux efficace et un développement continu des équipes de gestion et des fonds disponibles sur le continent.
En définitive, dans le cas des fonds de pensions et des SWG, pour le moment, le partenariat de la Banque est beaucoup plus de conseiller que de Co-investisseur.