L’intervention de Jean Michel Severino lors de la rencontre sur l’investissement en Afrique organisée par le club Kusuntu, partenaire de Financial Afrik, et Orrick, le 12 février 2015 à Paris, a permis de faire la lumière sur les perspectives de l’Afrique à l’horizon 2040. D’ici là le PIB du continent aura rattrapé celui de l’actuelle Chine (7 690 milliards d’euros en 2013) , déclare l’ancien patron de l’Agence Française de Développement, auteur de l’essai « Le temps de l’Afrique ».
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L’économie du continent sera de plus en plus poussée par la consommation intérieure et une classe moyenne qui comptera 1,1 milliard d’individus en 2060. Ceux qui gagnent 10 dollars par jours augmenteront de 90% d’ici 2030. En 2050, le continent comptera entre 500 et 600 millions de représentants de cette classe moyenne, soit plus que la Chine actuelle. Seulement, ajoute M. Severino, le continent abritera aussi le plus de personnes vivant dans une extrême pauvreté puisque, soit 600 à 700 millions de personnes vivant entre 1 et 2 dollars par jour, soit plus qu’aujourd’hui. « Ce continent va donc continuer à être le continent de tous les paradoxes, celui de l’émergence des infrastructures, de l’explosion économique », poursuit M. Severino estimant qu’il n’y a rien à faire pour contrer cette situation. Les inégalités sont entrain de s’accroître fortement dans le continent, allant plus vite que ce que l’histoire de l’économie a expérimenté en Asie. L’inégalité africaine reposera en partie sur des marginalisations ethno-culturelles porteuses de tensions géopolitiques.
45 millions d’emplois dans les cinq prochaines années
Pour l’économiste, la croissance africaine est insuffisante pour absorber la demande de l’emploi et contrer les phénomènes de marginalisation. Autant de paramètres qui font dire à M. Severino que la croissance africaine, alimentée par la demande intérieure, est différente de la croissance asiatique nourrie par les exportations. « La croissance africaine est très capitalistique liée au faible contenu manufacturier de son économie, à une composante agricole lourde et à une très faible présence de grandes entreprises africaines ». Dans les cinq prochaines années, le continent créera 5 millions d’emplois, poursuit M. Severino, ce qui est sans précédent dans l’histoire de l’économie mais pas suffisant pour satisfaire la demande additionnelle évaluée à 110 millions de nouveaux arrivants sur le marché du travail.
En attendant, l’Afrique fait face aujourd’hui à une rapide reconstitution du stock de sa dette suite à la vague d’annulation. Le cas du Ghana dont les services de la dette représentent 50% de ses ressources fiscales est à méditer. Ces risques macroéconomiques ont un impact important sur la capacité redistributive de l’Etat dans ses missions sociales. Autre paramètre évoqué par le conférencier, l’impact environnemental né de la pression démographique qui pourrait affecter la croissance africaine.