Dans une allocution, dimanche 4 janvier 2014, à l’ouverture du festival des villes anciennes, le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, a exprimé son ouverture à un dialogue national dans le pays.
La Mauritanie est confrontée depuis quelques années à une montée des revendications identitaires à la fois d’une frange négro africaine contestant les conditions de réalisation d’une opération d’enrôlement de la population lancée en 2009, et surtout de la composante des anciens esclaves animée par l’Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA).
Cette ONG est dirigée par Biram Ould Dah Ould Abeid, candidat classé deuxième à l’issue de l’élection présidentielle du 21 juin 2014, et prix des Nations Unies (ONU) pour les droits de l’homme en 2013, actuellement emprisonné dans la ville de Rosso (200 kilomètres au Sud de Nouakchott) en compagnie d’une dizaine d’autres militants de l’IRA.
Déférés devant un tribunal correctionnel pour « appartenance à une organisation non reconnue » et diverses autres infractions dont la formulation renvoie à une période d’exception, ils seront fixés sur leur sort le 15 janvier prochain, date attendue du verdict, alors que le procureur a requis 5 ans de prison ferme.
C’est dans ce contexte que le président Mohamed Ould Abdel Aziz, a exprimé son ouverture à un dialogue national dans le pays, dans une allocution prononcée dimanche, en profitant d’une double occasion : le lancement de la 5é édition du Festival des Villes Anciennes dans la cité de Chinguetti (630 kilomètres au Nord de Nouakchott), coïncidant avec la célébration de la naissance du prophète de l’Islam, Mohamed (PSL).
Le chef de l’Etat mauritanien a parlé « d’une constante disponibilité à rester ouvert au dialogue avec toutes les composantes nationales parce que nous sommes convaincus de la nécessité de la participation de tous à l’œuvre de construction nationale ».
Un état d’esprit en conformité avec la dimension religieuse et symbolique d’une journée « mémorable marquant la naissance du Prophète Mohamed (PSL), qui a mis fin aux mythes de la mécréance et de l’athéisme en faisant sortir l’humanité des ténèbres vers la lumière, nous prenons exemple sur ses pratiques. Il a réuni sous la bannière de l’Islam et de la tolérance les blancs et les noirs, les riches et les pauvres, avec pour seule échelle de valeur le degré d’intensité de la foi et le niveau de dépassement au service de la société ».
Mohamed Ould Abdel Aziz a par la suite rappelé l’attachement du peuple à l’Islam et l’existence dans le pays « d’une législation fondée sur la cohésion sociale et une politique nationale intégrée sur la base des libertés individuelles et collectives, l’enracinement des principes des droits de l’homme, de la justice et de l’égalité des citoyens ».
Mais il a égratigné au passage «l’action d’une poignée d’extrémistes, promoteurs du discours de la haine et de la discorde».
Une critique suivie d’un focus sur l’action du pouvoir de Nouakchott en faveur de «l’éradication des séquelles du passé, y compris celles liées à l’esclavage, à travers la lutte contre la pauvreté et la transformation de l’économie, le relèvement de la qualité des prestations sanitaires et l’amélioration des conditions de vie des citoyens ».
Au-delà d’une lecture au premier degré, les observateurs s’interrogent sur le véritable destinataire du message 04 janvier : « la poignée d’extrémistes » en prison ? Le Forum National pour la Démocratie et l’Unité (FNDU), dont les composantes ont boycotté l’élection présidentielle de juin 2014, dénient toute légitimité au pouvoir de Nouakchott depuis le putsch du 06 août 2008 ? L’opposition représentée au sein de l’assemblée nationale à travers les islamistes, El Wiam, l’Alliance Populaire Progressiste (APP) et l’Alliance pour la Justice et la Démocratie/Mouvement pour la Réconciliation (AJD/MR) ? Ou alors toutes ces entités à la fois ?
Amadou Seck à Nouakchott