La Qatar National Bank et son alter ego, Nedbank, quatrième banque sud-africaine, viennent, toutes les deux et à deux semaines près, de franchir le cap des 20% dans le capital d’Ecobank. Une bataille ou une entente pour le contrôle paraît inévitable selon les analystes.
Présente dans 34 pays avec des succursales spécialisées à Paris, Londres, New York et en Chine, Ecobank fait l’objet d’un intérêt partagé entre la Qatarie QNB et la sud-africaine Nedbank. La première, détenue à 50% par Qatar Investment Authority, présente un total bilan de 125,9 milliards de dollars au 31 mars 2014, soit quatre fois les actifs des banques de la zone UEMOA.
La seconde banque, détenue à 51% par Old Mutual, cumule 80 milliards de dollars d’actifs soient les PIB cumulés du Tchad, du Niger, du Sénégal de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso. Ce sont donc deux institutions géantes qui sont aujourd’hui actionnaires d’Ecobank et qui aspirent à en prendre le contrôle car ayant des visions opposées et concurrentes.
Rappel des faits
Les choses se sont précipitées le 4 septembre dernier avec l’annonce de l’entrée de la banque qatarie dans Ecobank à hauteur de 12,5% et par le biais du rachat d’actions ordinaires et d’actions convertibles détenues par le fonds nigérian Amcon. Deux semaines plus tard soit le 15 septembre, QNB annonçait une acquisition supplémentaire de 11% toujours à travers le canal du fonds d’asset management nigérian, lequel, après avoir repris les mauvaises créances des banques nigérianes en 2009-2010 en échange de prises de participations est en phase de désengagement.
A désormais 23,5% du capital de la banque panafricaine acquis pour un peu plus de 500 millions de dollars, QNB qui a aussitôt demandé un siège d’administrateur fait de l’ombre au premier créancier du groupe, à savoir Nedbank dont la dette de 285 millions de dollars, consentie à Ecobank en 2011, était assortie d’une option de conversion en actions. Cette option arrivait à échéance le 25 novembre au plus tard. Tout semble indiquer que l’arrivée des Qataris a précipiter l’exercice de cette option.
Ainsi, le 2 octobre, Nedbank annonçait son entrée à hauteur de 20% dans le capital d’Ecobank à travers une augmentation de capital sous forme d’émissions de 4,5 milliards d’actions nouvelles pour un montant de 493,4 millions de dollars. C’est désormais clair que Nedbank et QNB sont deux actionnaires importants d’Ecobank. Les deux institutions nourrissent l’ambition d’aller plus loin. Des sources bancaires font état de négociations entre QNB et la SFI sachant que les parts de la filiale de la banque mondiale étaient de 13% au 30 juin 2014.
D’autres sources font état de consultations accrues entre Nedbank et le fonds sud-africain PIC (Public Investment Corporation), actionnaire d’Ecobank à hauteur de 18% avant le mois de septembre. Aussi bien la SFI, membre des institutions de la banque mondiale, que le PIC, fonds de pension gérant l’argent des retraités sud-africains, n’ont pas vocation à gérer des banques. Il est probable que ces deux institutions cèdent leurs parts au plus offrant et au plus stratégique. Sur ce registre, QNB, classé de banque la plus puissante du monde avec des bénéfices évaluées à 2,3 milliards de dollars au 31 décembre, est bien lotie. Tout d’ailleurs comme Nedbank dont le cours à la JSE a quand même accusé une chute de 1,8% à l’annonce de la conversion de la dette. « Notre stratégie est de construire une banque panafricaine » a fait savoir Graham Dempster, le directeur des opérations. Pour les analystes de Gryphon Asset Management, « la transaction conclue par Nedbank est coûteuse à court terme mais devrait se révéler une bonne affaire à long terme.
En dépit de leur rivalité, les deux institutions devraient pouvoir travailler ensemble a déclaré le PDG d’Ecobank, Albert Essien, à Reuteur.
Le temps est favorable à une OPA
Ecobank présente le profil type de la proie idéale pour une OPA : une action bon marché avec un PER de moins de 6x (nombre d’années de dividendes où un investisseur récupère sa mise) contre 15x pour en général pour le secteur bancaire.
Le RBE a fondu de 34% en 2013. Quoique en nette amélioration, le coût d’exploitation était encore à 70% à la fin de l’année dernière, soit de 20 ) 25% points de base au dessus des acteurs de référence. De plus, le bénéfice par action s’est effrité passant de 0,67 cents en 2012 à 0,6 en 2013. Le non versement de dividendes en 2013 accentue le mécontentement des petits porteurs.
Bref, le groupe est nettement sous-valorisé dans ses actifs. La faute à un programme d’expansion assez rapide, parfois hasardeux ( cas de la coûteuse filiale au Zimbabwe) qui a privé la banque de l’oxygène nécessaire à cette croissance organique dont le directeur général, Albert Essien, appelle aujourd’hui de ses vœux.
Les 8 mois d’un long bras de fer au sein du staff dirigeant qui a abouti au départ de l’ancien directeur général, Thierry Tanoh, a laissé des traces. Cette crise a révélé les profondes divisions entre les actionnaires. Certains , réalistes, militent pour la création d’une banque forte et puissante. Et cela passe par des alliances solides. D’autres voudraient encore conserver le caractère panafricain de la banque regrettant la petite banque à visage humain. Mais le temps des totems est révolu.