Depuis le 1er janvier 2010, date à laquelle devait initialement entrer en vigueur le passeport CEMAC, les autorités équato-guinéennes ont émis des réserve pour des raisons de politique intérieure et des raisons de sécurité nationale. Analyse du cabinet Knowdys.
Les raisons de politique intérieur
Pour ce qui est de la politique intérieure, Il faudrait quand même rappeler qu’en 1990, la Guinée n’était qu’un petit bout de territoire agricole de 28 000 km². A cette époque, personne ne voulait aller en Guinée équatoriale. Les gens vivaient de la chasse, de la pêche et de l’agriculture.
Puis il y a eu la découverte du pétrole off shore au milieu de la décennie 90 avec l’essor qu’on connait aujourd’hui : augmentation du pouvoir d’achat, modernisation des infrastructures, afflux d’investisseurs étrangers, mais aussi immigration. En quelques années, la Guinée est devenue le troisième exportateur de pétrole en Afrique centrale derrière le Nigéria et l’Angola et le premier de la zone CEMAC.
Mais attention, le pays connaît d’énormes disparités malgré le boom pétrolier :
• Plus du 1/3 de la population vit en dessous du seuil de pauvreté
• 50% n’ont pas accès à l’eau potable
• 25% de jeunes sont au chômage
• 20% d’enfants meurent avant l’âge de 5 ans.
La Guinée ne veut pas plus de misère sur son territoire. Elle veut plus de talents. D’où sa politique d’immigration choisie.
Pour bien situer le contexte, il faut voir que cette Guinée-là fait face à des voisins de tailles différentes qui sont parfois regardés comme une menace.
– Le Gabon : 350km de frontières terrestres avec la Guinée et deux fois plus peuplé.
La population de Libreville est l’équivalent de toute la guinée équatoriale. Le chômage frappe 30% des moins de 28 ans.
– Le Cameroun : 189 km de frontière, représente 25 fois la population équato-guinéenne. La population de Douala représente le double de celle de la Guinée et le taux de chômage ici frôle les 40%.
Dans un environnement où les jeunes sont prêts à partir pour réussir, la Guinée Equatoriale représente un eldorado facile à atteindre.
A la veille du jour de l’an, les services de renseignement craignant l’afflux d’émigrés au 1er janvier ont fermé les frontières pour faire valoir leur réserve.
Aujourd’hui, la crainte de Malabo c’est que ses 28 000 km² de territoire soient envahis par des étrangers qui iraient occuper les emplois des Equato-guinéens, accroître l’insécurité et même la prostitution.
En somme, Malabo est pour une immigration choisie qui entre en confrontation avec la doctrine et les valeurs du passeport CEMAC.
Des raisons de sécurité nationale
Malabo a mis des conditions à l’entrée en vigueur du passeport CEMAC que nous pouvons regrouper en cinq points :
1. La production de passeports biométriques au profit des nationaux et la création d’un visa CEMAC unique vis-à-vis des pays tiers,
2. La création d’une banque de données permettant l’échange d’informations et le contrôle aux frontières ( ca n’existe pas !)
3. la mise en place d’équipe et de matériels capables de lire les passeports biométriques aux frontières de chaque pays membres – ça n’existe pas.
4. la création d’un comité de suivi et d’évaluation des flux migratoires au niveau communautaire, — C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le geste du ministre camerounais et de son homologue équato-guinéen qui ont installé, samedi dernier, le comité mixte permanent de suivi des questions consulaires et de sécurité transfrontalière.
5. la création d’un centre permettant les échanges d’informations entre services de polices et des douanes en vue de maîtriser la circulation des personnes et des biens – ca n’existe pas !
En définitive, Malabo dit non au passeport biométrique CEMAC, en l’état actuel des choses, parce qu’on a mis la charrue avant les bœufs !