Le premier tour des municipales et législatives qui se déroule aujourd’hui en Mauritanie consacre un face à face inédit entre un certain conservatisme incarné par le parti au pouvoir (l’Union pour la République) et les islamistes modérés du Tawassoul présidé par l’emblématique Jamil Mansour (photo). Les progressistes, eux, regroupés dans la Coordination de l’opposition démocratique (COD), ne sont pas de la partie, ayant opté pour un boycott risqué qui les condamnent à espèrer un taux de participation bas.
Mohamed Moktar Ould Salem, Nouakchott
Ce choix du RFD (Rassemblement des forces démocratiques dirigé par Ahmed Daddah, frére du premier président mauritanien, Mohtar Ould Daddah, et leader de l’opposition depuis 1992) et de l’UFP (Union des Forces progressistes de Mohamed Maouloud) ,de ne pas prendre part au scrutin accélère la montée des islamistes modérés si tant est que ce concept ait un sens.
Ces islamistes qui se présentaient jusque-là sous des bannières indépendantes ont l’occasion historique de s’inscrire dans le sillage d’une vague qui s’est imposé par les urnes au Maroc, en Tunisie et en Egypte. Comme dans ces différents pays, les islamistes se retrouvent face à une administration méfiante et à une armée qui veille sur le grain.
Le parti au pouvoir (UPR) qui se présente dans toutes les localités du pays devrait logiquement l’emporter compte tenu, certes, de la difficulté à imposer la neutralité administrative (La commission électorale indépendante et l’Observatoire des élections récemment mis en place arriveront-ils à neutraliser une administration habituée à servir le puissant du jour? ), mais aussi, disons-le, du fait que c’est la seule formation qui se présente dans toutes les localités du pays. L’UPR est aussi suceptible de bénéficier du boycott prôné par l’opposition regroupée au sein de la COD.
Autre fait qui nous pousse à estimer que l’UPR sortira gagnante du scrutin, le contexte mauritanien en lui même. Contrairement aux autres pays du Maghreb et à l’Egypte, l’islamisme n’a jamais été un phénomène populaire . Bien au contraire, c’est un mouvement aristocratique de jurisconsultes et de lettrés formés au Wahabisme pur dans les années 80 et 90 en Arabie Saoudite et dans certains pays du Golfe . Une fois de retour au bercail, cette colonne verte trouve un terreau fertile en des masses désillusionnées du modernisme incarné par l’Etat.
Dés lors, l’islamisme modéré mauritanien allait se focaliser s dans les oeuvres de bienfaisance, tout en veillant à ne pas souiller sa réputation dans un contexte de prolifération de petits mouvements radicaux versés dans les rapts d’étrangers. Un temps internés par le régime finissant d’un Maouiya Ould Taya, les islamistes modérés vont bénéficier de plus de marges de manoeuvres en 2005 avec l’inauguration d’un nouveau processus démocratique. .
Le mouvement qui n’a, comme nous l’avons dit, jamais séduit les masses populaires, récolte une gifle lors des élections présidentielles de 2009 avec un score d’à peine 6% qui tempère les appétits du leader du parti, Jamil Ould Mansour, et le pousse à militer au sein de la Coordination démocratique de l’opposition, cette coalition qui a décidé justement de boycotter les deux scrutins du jour.
Jamais, diront les observateurs, Tawassoul n’a versé dans le radicalisme. Premier à se retirer de la COD tout en clamant en partager les principes, ce parti fait aujourd’hui cavalier seul aprés avoir investi des millions dans l’implantation de ses bases, la formation de ses listes électorales et, surtout, la création d’une agence de presse, Al Akhbar, qui fait jeu égal aujourd’hui avec les médias officiels.
Les élections d’aujourd’hui montreront désormais si la greffe islamiste a pris dans un pays désertique où l’Ijtihad (élevation de soi) l’a toujours emporté sur le Jihad. Si les islamistes s’imposent, ce sera le début d’un basculement de l’islam soufi et individualiste mauritanien vers un ‘islam de masse dont la moindre des vertus est de jouer ce rôle d’encadrement qui fait tant défaut aux mauritaniens.