Par Jean -Mermoz KONANDI, Abidjan.
Ratifier l’APE intérimaire reviendrait pour la Côte d’Ivoire à privilégier ses exportations de matières premières brutes vers l’Union européenne au détriment de son secteur industriel tourné vers la zone région ouest africaine et la note pourrait s’avérer salée, soutient Cheikh Tidiane Dieye l’invité de Financial Afrik TV. Le pays dispose toutefois d’une alternative relativement plus avantageuse mais soumise à « une décision politique de l’UE ».
La Côte d’Ivoire a-t-elle vraiment intérêt à signer un APE intérimaire avec l’Union européenne ? La question mérite d’être posée alors que tout porte à croire qu’Abidjan se prépare à signer l’accord sans attendre le quitus de la CEDEAO où les négociations piétinent du fait d’Etats comme le Nigéria. Ce d’autant plus qu’avance à grand pas la date butoir du 1er octobre où le pays devrait perdre le régime de préférence commercial dont il bénéficie à l’entrée des ports de son premier partenaire commercial, si le statut quo actuel devait perdurer.
En Côte d’Ivoire, contrairement à d’autres pays comme le Sénégal où l’on enregistre des poussées de protestation de la société civile et d’intellectuels pour dénoncer ce cadre d’échanges avec l’UE, le consensus a pris forme et l’on semble est sûr de son fait.
L’argument phare à Abidjan, c’est qu’il est vital de conserver l’accès préférentiel au marché européen, premier partenaire commercial du pays et principale destination des matières premières agricoles dont le pays continue de dépendre pour ses entrées de devise.
Mais à en croire certains experts, il y a d’autres aspects à prendre compte afin de mieux jauger l’impact réel d’un engagement solitaire de la Côte d’Ivoire dans ce cadre commercial encore sujet à discussion. Dans une interview accordée à Financial Afrik TV (voir lien: https://youtu.be/3XfIxv2JUXI), Cheikh Tidiane Dieye, directeur exécutif du CACID (centre africain pour le commerce, l’intégration et le développement), estime qu’il existe un risque réel pour l’une des principales économies de la région.
Ce dernier soutient en effet que si ce choix devait se confirmer, la Côte d’Ivoire qui est « le champion » de l’intégration dans une région où elle écoule en grande partie sa production industrielle – à l’inverse de l’UE où le pays exporte ses produits bruts non transformés – aurait beaucoup plus à perdre.
« Malheureusement, poursuit-t-il, si elle met en œuvre un accord intérimaire seul, (…), les autres pays vont lui remettre des droits de douanes (en cours d’abolition dans le cadre du processus d’intégration économique dans la zone, ndlr) sur ses exportations dans la région et c’est sa production industrielle qui va en souffrir ». Avec comme conséquence des biens relativement moins compétitifs et donc un effet potentiellement dévastateur pour son tissus industriel et les emplois dans le secteur.
« Si la Côte d’Ivoire ne signait pas l’APE intérimaire, le surplus qu’elle aurait à payer en terme de ressources financières supplémentaires serait beaucoup moindre que ce qu’elle aurait à perdre si elle devait signer seule l’APE » note Cheikh Dieye.
Une alternative à l’APE intérimaire
Il existe toutefois une alternative, selon l’expert, pour contourner cet accord commercial : « le système généralisé de préférence renforcé » qu’il est possible de négocier avec l’Union européenne (qui l’a déjà accordé au Cap Vert ou encore au Pakistan).
C’est une « décision politique » que l’UE pourrait prendre en direction de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Nigéria et d’autres pays africains dans le même cas de figure, ce qui devrait permettre de poursuivre et parfaire les processus d’intégration sous régionale. Mais encore faudrait-t-il que l’UE daigne consentir à donner cet ultime coup de pouce aux Etats africains. « Ce qu’il y a derrière, c’est l’enjeu économique de reconquête du marché africain », soutien Cheikh Tidiane Dieye : rien n’est donc encore gagner…