La sixième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD-VI) a lieu les 27 et 28 août 2016 sur les thèmes de l’industrialisation, de la santé et de la stabilité sociale. L’événement se tient pour la première fois sur le sol africain et plus précisément à Nairobi au Kenya. Plus de 6000 représentants des gouvernements, des organisations internationales et de la société civile y prendront part.
Le Premier ministre japonais Shinzo Abe est arrivé dans la capitale kényane à la tête d’une forte délégation comprenant des membres de son gouvernement et 80 dirigeants d’entreprise. Le souci de se démarquer de la Chine transcende dans les mots : «La force du Japon ce sont ses technologies de haute qualité et la formation du personnel », a-t-il déclaré, en voulant se démarquer clairement de la politique africaine de Pékin. L’intérêt premier de Tokyo n’est pas dans les matières premières mais plutôt dans les dépenses de consommation de la classe moyenne africaine, évaluées à 2 100 milliards de dollars en 2020. C’est ce que déclarait récemment Akihiko Tanaka, professeur à l’université de Tokyo et ancien président de JICA (Japan International Cooperation Agency, Agence japonaise pour la coopération internationale) lors d’une rencontre sur les rapports Japon-Afrique tenue à Londres, mi-juillet, en prélude du Ticad. «Les pays africains devraient jouer un rôle inestimable pour le Japon dans les décennies à venir, en tant que partenaires toujours plus importants et qui représentent un énorme potentiel commercial », estimait-il.
L’Afrique n’en attend pas moins du Japon. « Les priorités doivent être les suivantes : Eclairer et l’alimenter en énergie pour faire face au déficit énergétique ; Nourrir l’Afrique, en revisitant l’ensemble de la chaîne alimentaire et en améliorant la productivité dans l’agriculture ; Industrialiser l’Afrique, en remédiant à sa faible contribution aux échanges industriels ; Intégrer l’Afrique, en améliorant le commerce intrarégional ; et enfin améliorer la qualité de vie des Africains en termes de travail et de compétences », déclarait Charles Boamah, vice-président en charge des finances de la BAD, lors de la même conférence.
A Nairobi, une trentaine de chefs d’Etat africains viendront répondre à l’appel de Tokyo. Environ 60 protocoles d’accords seront paraphés en marge de ce dialogue de haut niveau qui ambitionne depuis sa naissance de se démarquer des procédés de l’Aide Publique au Développement. D’ailleurs, seuls 4% des prêts concessionnels du Japon vont à l’Afrique. Très peu pour faire de l’ombre à l’ogre chinoise sur le plan financier.
Cette rencontre institutionnelle initiée en 1993 et qui se voulait alternative à l’aide humanitaire s’est transformé au fil des éditions en un forum multilatéral sur le développement réunissant le gouvernement japonais, le PNUD, la Banque Mondiale (depuis Ticad 3), les Commissions économiques africaines (ONU) et la Commission de l’Union Africaine.
« Le forum a vu le jour au milieu des années 1980 et 1990, qualifiées de « décennies perdues pour le développement » du continent africain, lequel était alors aux prises avec les contraintes rigoureuses des programmes d’ajustement structurel et incapable de reprendre son souffle, tandis que le Japon était entré dans une spirale déflationniste qui allait durer deux décennies. En cette fin de guerre froide, les principaux bailleurs de fonds, à l’exception notable du Japon, s’interrogeaient sur la pertinence de l’aide au développement accordée à l’Afrique », rappelle Mar Dieye, directeur du bureau régional du PNUD pour l’Afrique dans une tribune publiée dans Financial Afrik en prélude de l’événement.
Un timing particulier
Cette sixième édition de la rencontre Afrique-Japon intervient en 2016, première année de mise en œuvre du programme de développement durable des Nations Unies à l’horizon 2030. C’est aussi, côté union africaine, la première année du plan décennal de mise en œuvre de l’agenda 2063.
Pour le Japon, il s’agit de reprendre position sur un continent où la Chine, les Usa et l’Union Européenne forment un solide trio de partenaires. Le secteur privé japonais y est fortement représenté. Il sera question à Nairobi de l’évaluation du plan d’action de Yokohama (2013-2017) adopté dans la ville du même nom lors du cinquième sommet. Pour rappel, la matrice du plan d’action de Yokohama, entérinée en mai 2014, continent 617 initiatives visant à faire avancer les institutions africaines. Le pilier 6 du plan d’action, qui concerne la « consolidation de la paix, de la stabilité, de la démocratie et de la bonne gouvernance », intéresse particulièrement la Commission de l’Union Africaine et le bureau du conseiller spécial pour l’Afrique. Le Japon s’est engagé à hauteur de 26 millions de dollars dans la consolidation de la paix dans le Sahel. Le gouvernement japonais s’était surtout engagé à investir 32 milliards de dollars en Afrique dans les cinq prochaines années dans les secteurs des infrastructures notamment. Un engagement respecté à 67% selon Pékin.
« Le Plan d’action de Yokohama souligne la nécessité de s’occuper de la question des infrastructures, et notamment du développement des voies de transport, des transports urbains et des énergies à faible émission de carbone, ainsi que de l’optimisation énergétique et des infrastructures des technologies de l’information et de la communication (TIC), autant d’enjeux presqu’entièrement pris en compte par les objectifs de développement durable adoptés récemment », précise M.Dieye.
La Ticad VI devrait déboucher sur l’adoption de la déclaration de Nairobi qui mentionnera certainement la question de la paix, de la stabilité et des infrastructures.