En mai 2025, plus d’une centaine de titres miniers ont été retirés en l’espace de quelques jours, sans guère plus d’explication, à la suite d’une annonce diffusée à la télévision nationale. La transparence que revendique le gouvernement s’accompagne donc d’un certain degré d’opacité dès qu’il s’agit des ressources naturelles, qui constituent pourtant la richesse du pays et, surtout, son seul moteur de développement à l’heure actuelle.
Plusieurs entreprises internationales se sont vues retirer leur licence, notamment la filiale guinéenne d’AngloGold Ashanti et Predictive Discovery, toutes deux actives dans le secteur aurifère. Arrow Minerals (bauxite) et Falcon Energy Materials (graphite) se sont également vues retirer leur licence. Des dizaines de détenteurs de licences se sentent lésés par cette décision de la junte.
C’est le cas, par exemple, d’Axis Minerals, qui a investi en Guinée en 2013 dans la filière bauxite, à une époque où peu croyaient encore au potentiel du pays. L’entreprise fait figure d’exception, son projet étant en production depuis plusieurs années, alors que la majorité des titres retirés concernent des permis d’exploration ou des projets en cours de développement. Grâce à ses efforts et à son engagement sur le long terme, la société a mis en place une mine prospère, ayant permis l’exportation de près de 40 millions de tonnes de bauxite avec ses partenaires entre 2023 et mai 2025. Son permis minier est ainsi devenu la deuxième source de bauxite du pays, et a transformé le village autrefois isolé de Boffa en un centre minier dynamique employant plus de 5 000 personnes. Les activités de l’entreprise ont été interrompues le 15 mai par la police, au lendemain de l’annonce de la révocation diffusée à la télévision nationale. Elle n’aurait, à ce jour, reçu aucune notification officielle de la part des autorités, malgré de multiples tentatives de dialogue. Axis Minerals a été fondée par l’homme d’affaires australo-suisse Pankaj Oswal, à la tête d’un conglomérat mondial pesant plusieurs milliards de dollars, présent en Afrique, en Asie et en Europe.
Ce succès mérite d’être salué, car lorsqu’un opérateur se lance dans des activités d’exploration, rien ne garantit les résultats au départ. Cet exemple aurait dû constituer une preuve, pour les autorités guinéennes, que les investissements étrangers peuvent générer des retombées considérables pour les économies locales et nationales. Aujourd’hui, cette même entreprise s’est vue retirer sa licence, sans raison ni explication. Pourrait-on envoyer un pire signal à la communauté des investisseurs internationaux ?
Une purge qui s’apparente à de la prédation organisée
Le discours officiel est celui d’une volonté d’améliorer la gouvernance dans le secteur minier. Mais dans la pratique, c’est à une véritable purge qui s’opère. Dans le secteur minier, les décisions de révocation ont été interprétées comme étant plus politiques que techniques. Au lieu de rassurer les investisseurs, elles ont augmenté l’incertitude autour de la gouvernance des ressources naturelles en Guinée. Le ministère des Mines et de la Géologie est devenu une boîte noire, où il est difficile de comprendre la politique de développement pour le secteur, sans doute mise à mal par des conseillers intéressés et des fonctionnaires affairistes.
La promesse de réforme du secteur minier faite par le gouvernement depuis mai 2025 semble donc céder la place à une logique de rente et de court terme. Plusieurs acteurs parlent déjà de l’émergence d’une nouvelle kleptocratie minière, masquée sous les atours d’une reprise de façade.
Le président Doumbouya a-t-il été trompé ?
Ce qui rend l’affaire Axis encore plus troublante, c’est ce qu’elle peut révéler sur les dysfonctionnements systémiques au cœur de l’administration de la junte.
De plus en plus de voix s’élèvent pour exprimer leur inquiétude quant au fait que le président Mamadi Doumbouya lui-même n’ait peut-être pas été pleinement informé des éléments entourant le dossier d’Axis Minerals avant la révocation de sa licence. Sur le papier, Axis apparaissait comme un opérateur exemplaire : en règle sur le plan fiscal, structuré légalement, opérationnel, et reconnu — selon des sources proches de l’entreprise — pour sa contribution avérée à la croissance économique de la Guinée. Elle ne faisait l’objet d’aucun contentieux avec l’État, ne présentait aucun manquement réglementaire et avait massivement réinvesti dans le pays à un moment où la confiance des investisseurs était au plus bas.
La réputation de la Guinée menacée
La situation en Guinée s’inscrit dans une tendance plus large de remise en cause de l’équilibre entre les États et les investisseurs en Afrique, mais la méthode guinéenne se distingue par sa brutalité et son absence de dialogue. Pour les groupes miniers sérieux, la Guinée devient un terrain à haut risque, malgré son énorme potentiel en bauxite, fer, or et lithium.
Selon le rapport annuel de l’Institut Fraser, publié en juillet 2025, le pays se classe désormais parmi les dix juridictions les moins attractives au niveau mondial pour les investissements miniers. Le retrait massif de plus de 300 droits miniers depuis mai 2025, sans respecter la loi, confirme très certainement ce classement.
Les investisseurs internationaux comme Axis Minerals ne semblent pas prêts à céder. L’entreprise aurait, par exemple, mandaté le cabinet d’avocats international Jones Day et aurait déjà engagé des procédures juridiques sur la base des traités d’investissement entre les Émirats arabes unis et la Guinée. Les indemnisations réclamées s’élèveraient à plusieurs milliards de dollars. Compte tenu du nombre de contentieux susceptibles d’être engagés contre la Guinée, le pays pourrait faire face à des obligations financières astronomiques. Avec un tel gouvernement aux commandes, la Guinée risque de perdre encore davantage en attractivité auprès des investisseurs. Une fois de plus, ce sont les Guinéens qui risquent d’en faire les frais.