Par Ali Al-Shammari, Président-directeur général de Global South Utilities, filiale de Resources Investment à Abou Dhabi.
Aujourd’hui, la véritable question n’est plus : « Pourquoi investir dans les pays du Sud global ? », mais plutôt : « Comment redessiner la carte de l’investissement mondial pour les inclure pleinement ? » Selon certaines études internationales, les pays classés comme appartenant au Sud global représenteront environ 54,5 % du PIB mondial en 2025. Pourtant, ils continuent d’être perçus, dans de nombreuses analyses, comme des zones marquées par des lacunes de développement, et non comme des pôles d’avenir.
Pendant des décennies, les grands investissements ont pris la direction du Nord, là où les marchés sont stables, les infrastructures prêtes à l’emploi et les modèles reproductibles. Le Sud, de l’Afrique subsaharienne aux îles de l’océan Indien, des confins de l’Asie aux marges de l’Amérique latine, a longtemps été relégué en marge des cartes – vu comme un défi, rarement comme une opportunité. Mais chez Global South Utilities, notre lecture est tout autre. Ces pays ne manquent pas de potentiel, mais d’engagement. Ils ne souffrent pas d’un manque de croissance, mais d’un manque de confiance. Leur essor ne dépend pas de contrats à court terme, mais de visions à long terme.
Nous ne voyons pas le Sud comme une direction géographique, mais comme un espace humain vibrant de vie, d’ambition et de futur. Là où les besoins sont réels, l’impact est démultiplié. Et c’est là que chaque centrale énergétique peut devenir une porte d’entrée vers l’éducation, la santé, l’emploi et la stabilité.
Notre voyage vers le Sud a commencé à N’Djamena, la capitale tchadienne. Ce fut notre point de départ et l’incarnation concrète de notre conviction : construire une infrastructure dans le Sud n’est pas un choix d’ingénierie, mais un engagement durable. Là, nous avons posé les fondations d’un projet d’énergie propre au service des communautés locales, en partenariat direct avec le gouvernement. En République centrafricaine, nous avons lancé le premier projet d’énergie solaire à l’échelle des services publics. À Madagascar, nous nous préparons à apporter l’électricité à des communautés qui n’y ont jamais eu accès. Et dans d’autres pays, nous avançons en silence, à travers des partenariats respectueux de la souveraineté et centrés sur l’humain.
Ce que nous faisons n’est pas de la charité, c’est de l’investissement. Ce n’est pas de l’aventure, c’est de la planification stratégique. Chaque étape est minutieusement pensée : étude de faisabilité, construction d’alliances, implication des communautés pour garantir la durabilité à long terme.
Le problème du Sud n’est pas un manque de capital, mais un regard économique insuffisamment attentif. Dans ces villes qui grandissent loin des radars, là où les données manquent et les prévisions échouent, les marchés naissent du besoin, non des tableurs : besoin d’eau, d’énergie, d’infrastructures qui ne brillent pas dans les rapports financiers mais transforment la vie. Dans le Sud, les opportunités ne se mesurent pas uniquement par les indicateurs classiques, mais par le changement concret qu’engendre l’électrification d’un village, l’ouverture d’une école ou le raccordement d’une ville à un réseau fiable.
Ceux qui pensent que cela relève de la marge n’ont pas encore compris que la frontière entre centre et périphérie n’est pas géographique – mais économique et stratégique.
Et dans ce Sud où nous œuvrons, nous voyons aussi le reflet d’une autre expérience : celle des Émirats Arabes Unis. Un pays qui n’a pas bâti son modèle sur l’abondance, mais sur la volonté. Un pays qui regarde le Sud non avec supériorité, mais avec compréhension. Les Émirats savent que le développement ne commence pas par la richesse, mais par la clarté de la vision. Ils savent qu’il faut du courage pour agir avant que les conditions idéales ne soient réunies.
Quand les Émirats investissent dans les infrastructures ou l’énergie à l’étranger, ils exportent un modèle de réussite fondé sur l’équilibre entre ambition et respect, entre partenariat et souveraineté, entre profit et impact humain. Le rôle des Émirats dans le Sud ne se mesure pas aux montants investis, mais aux institutions qu’ils laissent derrière eux, aux politiques influencées, aux vies transformées.
Nous venons d’un environnement qui connaît bien la croissance accélérée. Les Émirats, en moins d’un demi-siècle, sont passés des dunes du désert au rang de hub mondial de l’énergie, de la technologie et de la finance. Et nous portons un message clair : le développement n’est le monopole de personne. La transformation commence avec une décision. L’expérience émiratie a prouvé que lorsqu’une vision s’allie à la confiance et à l’investissement réel, elle peut transformer des vies.
Les pays du Sud ne sont plus une marge. Ils sont désormais le centre d’un nouveau récit économique. Mais qui en écrira les premières lignes ? Qui construira ? Qui aura le courage d’y aller et d’y rester ?
Chez Global South Utilities, nous ne spéculons pas. Nous croyons. Nous croyons que l’histoire de l’énergie propre commence non pas dans les capitales, mais dans les villages qui attendent la lumière. C’est pourquoi nous allons vers le Sud. Pas seulement pour le rendement. Mais pour construire un avenir commun.
Car le Sud n’a pas besoin qu’on le sauve. Il a besoin qu’on y croie. Qu’on le traite comme il est vraiment : un partenaire, un continent, et un nouveau centre de gravité mondial.