À l’occasion de la Conférence internationale sur l’intelligence artificielle, organisée par la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ce mercredi 21 mai au Sénégal, les discussions ont porté sur plusieurs thématiques majeures. Parmi les sujets abordés figuraient le potentiel transformateur de l’IA, ses applications dans la modélisation économique et la prise de décisions en matière de politique monétaire, son impact sur la stabilité financière, ainsi que les enjeux liés aux ressources humaines et à l’éthique. Au terme des travaux, les gouverneurs des banques centrales africaines ont partagé les principaux enseignements tirés de la réunion lors d’une table ronde.
Celle-ci, placée sous le thème « Principales leçons à tirer et perspectives », a réuni plusieurs gouverneurs de banques centrales, qui ont mis en lumière les avancées réalisées dans le domaine de l’IA, son impact sur la politique monétaire et la stabilité financière, ainsi que les défis éthiques et réglementaires à relever.
Une volonté partagée d’intégrer l’IA dans les stratégies institutionnelles
En ouverture des travaux, Jean-Claude Kassi Brou, gouverneur de la BCEAO, a souligné la nécessité d’élaborer une feuille de route pour l’intégration efficace de l’IA. « L’intelligence artificielle doit s’inscrire dans une stratégie globale de gestion et d’exploitation des données, afin de mieux atteindre nos objectifs. Il faut une vision d’ensemble, intégrée, efficiente et opérationnelle », a-t-il déclaré.
Dans le prolongement de cette réflexion, Yvon Sana Bangui, son homologue de la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC), a reconnu le retard accumulé par nombre de banques centrales, y compris la sienne, dans ce domaine. « L’IA est au cœur des réformes, mais l’humain reste le moteur. Débrancher les serveurs, c’est éteindre l’IA. Le progrès technologique doit inciter nos banques centrales à exploiter tout le potentiel de cette technologie», a-t-il dit, tout insistant sur l’importance d’un Livre blanc pour encadrer l’usage de l’IA, en s’inspirant des meilleures pratiques et en anticipant les risques liés à la cybersécurité et à l’éthique.
Des appels à la prudence et à une intégration progressive
En écho à ces ambitions, Rogério Lucas Zandamela, gouverneur de la Banque centrale du Mozambique, a mis en garde contre une approche irréaliste. « Si l’on attend de l’IA qu’elle résolve tous nos problèmes, nous irons droit dans le mur. Il est crucial de poser un diagnostic clair, de définir les priorités et de s’assurer de la compatibilité entre les nouvelles technologies et nos systèmes existants. L’intégration doit être progressive, structurée par étapes. »
Pour sa part, Rama Sithanen, gouverneur de la Bank of Mauritius, a insisté sur la nécessité d’un cadre réglementaire robuste et d’un plan d’exécution clair. « En Afrique, nous sommes souvent très bons pour générer des idées, mais beaucoup moins pour les mettre en œuvre. Il nous faut une feuille de route pragmatique et des décisions concrètes », a-t-il affirmé.
Formation, stratégie et gouvernance : les clés pour réussir
Sur un autre registre complémentaire, le patron de la Banque Centrale des Comores va prôner, quant à lui, une approche ciblée et réaliste. « Il faut d’abord identifier les domaines où l’IA peut avoir un réel impact, comme la modélisation macroéconomique ou la prévision de l’inflation, puis déterminer les capacités requises. La formation est également essentielle, à tous les niveaux : des gouverneurs aux techniciens. », s’est résumé Younoussa Imani.
Enfin, Henry F. Saamoi, Gouverneur de la Banque Centrale du Libéria, a rappelé que même si l’Afrique a pris du retard, elle manifeste une volonté forte de rattraper ce décalage. « Il est temps d’élaborer une stratégie chiffrée et axée sur les résultats. Déployer l’IA implique aussi de créer des emplois, de revoir nos politiques de talents et de lutter contre la fuite des cerveaux. »
La Conférence internationale sur l’intelligence artificielle, tenue à Dakar, a mis en lumière une convergence de vues entre les banques centrales africaines quant à l’importance stratégique de l’IA. Si les approches et les niveaux de maturité varient d’un pays à l’autre, tous les gouverneurs s’accordent sur la nécessité d’adopter une démarche structurée, pragmatique et éthique. Entre ambition technologique et impératifs de gouvernance, la mise en œuvre de l’IA dans les institutions monétaires africaines devra s’appuyer sur une vision claire, des investissements en compétences, et une régulation adaptée. Ce rendez-vous marque ainsi une étape décisive vers une transformation numérique responsable et concertée du secteur financier africain.