Tribune Libre avec Maître Dei Mbiya Moyowabo.
La scène de crime est l’endroit où a eu lieu un crime. C’est la base de toutes les investigations de la police judiciaire et elle est indispensable à la constitution de la preuve matérielle. Pour le commun des mortels, la scène de crime est simplement un espace où a été commis un acte horrible ou abominable. Mais pour les praticiens du droit et le circuit judiciaire (police judicaire, cours et tribunaux) c’est un espace qui constitue le fer de lance d’une bonne administration de la justice dans un procès pénal, notamment pour les infractions qui ont nécessité l’existence d’une scène de crime pour son accomplissement (homicide, incendie, suicide, etc.). Yves Schuliar et Frank Crispino affirment que la scène de crime est au centre de la criminalistique et elle est un enjeu de taille pour l’enquête judiciaire.
Il est important de souligner que la scène de crime englobe non seulement l’endroit géographique où l’infraction a été perpétrée, mais également tout élément qui y est lié, Il peut s’avérer que le lieu où ont été trouvés les éléments matériels de la commission d’une infraction soit en réalité la destination finale de la commission d’une infraction. Ainsi donc, la scène de crime peut être évolutive partant du cheminement des indices trouvés jusqu’au lieu où l’infraction a été consommée. Il peut y avoir plusieurs lieux distincts contenants des indices mais liés directement par la même infraction.
Cependant, la découverte d’une scène de crime n’est pas réservée qu’à la police judiciaire ou à l’officier du ministère public ou encore aux agents de l’appareil judiciaire, mais à toute personne qui arrive sur le lieu ou lors d’une découverte de tout élément susceptible à la commission d’une infraction. En général, la découverte est faite par des personnes qui n’ont aucune connaissance de ce qu’est une scène de crime, beaucoup sont pris de stupeurs et alertent ainsi les passants, le voisinage, etc. avant de contacter l’autorité compétente (la police judicaire, la police technique et scientifique). Il est également d’usage que la scène de crime soit découverte par une odeur de putréfaction, par la fumée ou par le retentissement d’une arme à feu et aussi par les cris de la victime.
Il existe, au sein de la police nationale de chaque pays, un département de police technique et scientifique. Ce département est constitué des experts qui sont chargés de la gestion et de l’examen de la scène de crime.
En République Démocratique du Congo, il existe au sein de la Police Nationale un département de la Police Technique et Scientifique. Ce département renferme tout un arsenal de méthodologie et de technicité.
Origine
La Police Technique et Scientifique trouve son origine vers la fin du XIXème siècle avec d’imminents scientifiques tels que le Français Alphonse Bertillon et l’Anglais Galton. Cette histoire commence par la volonté de pouvoir identifier les récidivistes. La loi française du 31 août 1832 signa l’abolition de la marque au fer rouge se montrant en totale inadéquation avec la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. A la naissance de la police scientifique au XIXème siècle, la science n’entre dans l’enquête qu’avec des experts privés, des armuriers, des médecins ou des chimistes donnant leurs avis éclairées au magistrat.
L’expression « scène de crime » est utilisée depuis la dernière décennie du XXe siècle en criminalistique, par francisation de l’anglais crime scène.
En République Démocratique du Congo, l’identification des individus par le signalement descriptif et la dactyloscopie était l’apanage des services de l’identité judiciaire du parquet. C’est seulement en 2001 qu’une étude faite par le commissaire supérieur IBIBA VAN BILLE a débouchée sur l’implantation d’un laboratoire de police technique et scientifique avec l’aide de la coopération française. Ce laboratoire fut inauguré le 15 juin 2009.
Cadre Juridique
Le cadre juridique de la Police Technique en RDC tire son origine de :
La constitution de la République Démocratique du Congo, telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution du 18 février 2006 en ses articles 182, 183 et 186, fixe et organise le fonctionnement et la mission de la Police Nationale Congolaise. Cette loi a été complétée par le décret-loi n°002/2002 du 26 janvier 2002 en son article 5.
La loi organique n°11/013 du 11 août 2011 portant sur l’organisation et le fonctionnement de la police nationale congolaise en son article 23.2 sur les structures dont le commissariat général.
Le décret n°13/017 du 06 juin 2013 déterminant l’organisation et le fonctionnement du commissariat général de la police nationale congolaise en son article 21.1 sur le département de la police scientifique et technique.
L’article 22 de la loi précitée définit la mission de la police technique et scientifique.
L’ordonnance – loi n° 78-289 du 03 juillet 1978 relative à l’exercice des attributions des officiers et agents de la police judiciaire près les juridictions de droit commun en ses articles 40, 47 et 88.
L’Arrêté ministériel n°016/CAB/ME/MIN/J&GS/2019 du 11 janvier 2019 portant organisation et fonctionnement de la Police judiciaire des parquets en son article 1 titre 2 point troisième tiré.
Le décret n°13/017 du 06 juin 2013, en son article 23, détermine uniquement la mission et la méthodologie de la Police Technique et Scientifique sur une scène de crime mais également, le cadre administratif.
La loi n° 78-289 du 03 juillet 1978 relative à l’exercice des attributions des officiers et agents de la police judiciaire près les juridictions de droit commune, en son article 90 alinéa 1er, mentionne la protection de la scène de crime et les peines d’amandes contre toute personne non habilitée de modifier l’état des lieux avant l’intervention de la Police Technique et Scientifique ainsi qu’une peine de servitude pour toute personne ayant détruit sciemment la scène de crime dans le second alinéa.
La Police Technique et Scientifique
La Police Technique et scientifique porte sur l’ensemble des procédés dont dispose la police judiciaire (police nationale et gendarmerie) pour la recherche et l’arrestation des infracteurs. Plus précisément, la police technique permet d’apporter la preuve indiciale, la matérialisation des faits selon des techniques appropriées.
En République Démocratique du Congo, la Police Technique et Scientifique est un département de la Police Nationale Congolaise et appartient à la Coordination Nationale de la Police Judicaire. Elle comprend plusieurs départements notamment : le département technique ; le département scientifique ; le département études ; logistiques et archives ainsi que le département scènes de crimes.
Ce département de la Police Nationale Congolaise dispose d’un laboratoire à Kinshasa et dans quelques provinces. Le laboratoire est divisé plusieurs sections : la biologie génétique, la balistique, expertise document, dactyloscopie (empreinte digitale), etc.
La compétence de la Police Technique et Scientifique est territoriale, il existe dans chaque commissariat de police des chefs d’antenne de la police scientifique. Ils ont pour rôle de veiller à la protection de la scène de crime, d’identifier les principaux témoins, d’appréhender les auteurs présumés d’infractions, et dans le cas échéant, prélever les empreintes des suspects et faire appel au département de la Police Technique et Scientifique. Les spécialistes traquent les « témoins muets » de l’infraction mais des précautions rigoureuses s’imposent dans sa gestion et son exploration.
Le département « Scène de crimes » comprend un « bureau recherche », un « bureau identification » et un « bureau des opérations ». Tous ces bureaux travaillent concomitamment dans le champ criminalistique pour mettre en évidence les indices trouvés.
Il convient de noter que l’unité de la Police Technique et Scientifique peut travailler en laboratoire et/ou sur le terrain. Dans cette perspective, ses membres sont appelés techniciens en raison de leurs aptitudes à être à la fois policier, technicien et scientifique.
La scène de crime
La « scène de crime » se définit comme tout lieu où une infraction a été commise et dont l’examen nécessite l’intervention d’un service de Police Technique et Scientifique ou celle d’un expert en criminalistique. Il peut s’agir d’homicide, d’agression, d’accident, de suicide, d’incendie, etc.
Il sied de noter que la « scène de crime » comprend le lieu où les faits criminels ont été perpétrés, mais aussi tous les autres lieux liés à ces faits, comme par exemple les indices, les objets utilisés laissés à l’abandon. C’est ainsi que nous distinguons la scène de crime primaire et la (les) scène(s) secondaire(s).
La scène primaire, selon une terminologie anglo-saxonne, est un endroit où a été commis l’acte criminel. La scène secondaire est un endroit où cet acte a été préparé et conçu, et inclut les passages de l’un à l’autre. Elle peut s’étendre à un véhicule utilisé pour commettre l’infraction en se rendant sur la scène et/ou la quitter, au domicile de l’auteur des faits ou à des locaux de stockage (des instruments utilisés ou du butin dans le cas d’un cambriolage).
Au fil du temps et avec l’évolution de la technologie, « scène de crime », au sens beaucoup plus large, peut donc se définir comme un espace où s’est produit un acte criminel dont le lieu peut s’étendre aux indices trouvés.
Gestion de la scène de crime
Il serait plus facile dans la pratique que les techniciens soient les premiers à découvrir une scène de crime. Cependant, il s’avère que ce n’est pas souvent le cas. Les premiers intervenants peuvent être des personnes qui n’ont aucune connaissance des mesures à prendre sur une scène de crime. Il advient alors que la scène de crime soit polluée. Or, la scène de crime est très sensible à la contamination des éléments ou autres traces biologiques (ADN) peuvent perturber l’enquête. Quel que soit la taille ou la nature de la scène de crime, elle va conditionner la suite de l’enquête et le plus infime détail pourra se révéler déterminant.
La gestion de la scène de crime est assurée par les techniciens de la Police Technique et Scientifique suivant une méthodologie bien précise. Celle-ci consiste à faire un état des lieux, à identifier toutes les personnes se trouvant sur le lieu, par ricochet, recueillir leurs témoignages/dépositions, rechercher, prélever les traces et les indices.
En outre, la gestion d’une scène de crime obéit à des impératifs constants. Tous ces impératifs ramènent au principe fondateur de l’échange énoncé par Edmond Locard qui est le « premier commandement » de toutes les polices scientifiques du monde : l’auteur d’une action criminelle laisse des traces sur la scène et emporte à son insu des éléments. Des indices parfois fragiles et éphémères qu’il faut plus tôt identifier, protéger et relever.
Un autre principe de base de la gestion de la scène de crime est d’origine anglo-saxon où tout expert de la Police Technique et Scientifique se pose sept questions offrant un guide raisonné d’identification de ces circonstances pour le scientifique en charge de la gestion de la scène de crime. Il s’agit de répondre aux questions suivantes : Qui ?, Quoi ?, Où ?, Quand ?, Comment ?, Pourquoi ?, Avec Quoi/Qui ? (QQOQCPAQ).
La chronologie d’intervention de la Police Technique et Scientifique sur une scène de crime en République Démocratique du Congo se fait par :
Protection des intervenants
Il est nécessaire pour le technicien de prendre toutes les précautions afin de ne pas contaminer la scène de crime en vue de préserver les indices laissés par le criminel. Pour ce faire, ils doivent s’équiper d’une combinaison, d’une charlotte, des sur-chaussures, d’un masque buccal et des gants.
Gel des lieux
Le gel des lieux a pour but de procéder à un examen minutieux des lieux. Et il se fait par un ruban qui limite l’accès de la zone aux seuls techniciens. C’est une façon d’établir un périmètre de sécurité, comme l’a dit Arnaud Levy : la scène de crime est le premier théâtre d’investigation où les spécialistes traquent les indices matériels, ces « témoins muets » de l’infraction.
Les techniciens procèdent également à la prise des renseignements, à l’audition des éventuels témoins et mettent l’accent sur les premiers intervenants car c’est une référence considérable pour le déroulement de l’enquête. Ils prennent aussi note des indices éphémères (les odeurs).
Photos de Sécurité
La photographie a pour but de figer la scène de crime dans son ensemble sous plusieurs angles afin de conserver avec exactitudes tous les éléments car très vite les indices peuvent se détériorer. Le photographe est donc le premier à entrer en action. Il va du général au particulier. Il part donc d’un plan large (d’une rue, d’un parc, d’un immeuble) jusqu’au gros plan, ne laissant rien au hasard.
Méthodologie de la progression sur la scène de crime
Afin d’éviter de polluer la scène de crime ou de la modifier involontairement, les techniciens vont cheminer de manière méthodique dans l’espace matérialisé. Pour ce faire, deux méthodes sont préconisées, l’une ou l’autre sera choisie en fonction des lieux dans lesquels les spécialistes se déplaceront.
• Méthode en couloir : les techniciens progressent l’un derrière l’autre en recherchant les traces et indices selon un schéma qui ressemble aux lignes horizontales d’un radiateur.
• Méthode en escargot ou en spirale : elle convient plus lors de la découverte d’un corps dans la nature ou lorsqu’il y a de grands espaces. Dans le cadre de la découverte d’un corps dans la nature, la recherche d’indices se fera en partant du corps, puis en progressant en spirale de plus en plus amples. Dans d’autres cas, la spirale peut s’effectuer en partant du ruban matérialisant la scène de crime vers le centre de la zone.
Matérialisation des traces et indices
Toutes les traces retrouvées sur une scène de crime sont essentielles à l’enquête. Il peut s’agir des traces biologiques telles que le sang, les cheveux, ou encore des indices balistiques tels que les douilles des balles, des armes à feux, ou encore des armes blanches tels que la machette, le couteau, le goulot d’une bouteille, etc. En somme, il s’agit de tout élément qui aurait servi à commettre un crime.
Pendant le cheminement, lors de la découverte d’un indice, le technicien le matérialise en déposant un cavalier à proximité. Le cavalier est une plaque destinée à répertorier les indices et à visualiser lors des prises de vues photographiques et pour la conception du plan. Il en existe deux sortes : le chiffré et l’alphabétisé.
Les lettres viennent reconstituer les itinéraires suivis par les premiers intervenants, les chiffres matérialisent l’emplacement des objets. C’est ainsi que deux types de signalisation sont effectués au moyen de cavaliers (balises en plastique).
Fixation des lieux
Il s’agit d’une représentation fidèle des lieux, effectuée par des photographies et complétée par relevé d’un croquis destiné à faire un plan des lieux. C’est ce qui rendra possible le positionnement de chaque indice sur la scène de crime lors de la reconstitution des faits.
Les prises de vues photographiques sur la scène de crime
Les prises de vues réalisées sur les lieux servent à la réalisation d’un album d’état des lieux. Celui-ci sera utilisé par les enquêteurs, les magistrats et les jurés lors de l’instruction du dossier et lors du procès. Lors de la reconstitution des faits, les magistrats emportent sur les lieux l’album établi par la Police Technique et Scientifique afin de replacer les éléments tels qu’ils étaient sur la scène de crime.
En effet, l’album d’état des lieux vient comme un complément du procès-verbal de constatations rédigé par l’officier de police judiciaire. Il ne faut pas perdre de vue que l’album d’état des lieux est conçu pour des personnes qui n’ont pas été présentes sur les lieux. La scène de crime est donc documentée car elle est une pièce maitrise de l’instruction.
La vidéo est aussi utilisée pour avoir une vue d’ensemble de la scène de crime.
les vues de détail
Ces vues nécessitent obligatoirement l’utilisation d’un test millimétré. Chaque objet sera photographié individuellement et les vues doivent être prises perpendiculairement pour avoir une échelle précise de l’objet. Une bande millimétrée est déposée auprès des indices lorsqu’ils sont photographiés.
Le plan
Le plan est un croquis côté, permettant d’avoir une vision d’ensemble des lieux et du positionnement exacte des différents indices référencés par les cavaliers.
Différents plans sont annexés au rapport de constatation :
• Le plan de situation : il permet de situer une ville, un village ou un lieu-dit dans une région.
• Le plan de la ville : c’est le plan de ville (quartiers, avenues…)
• Le plan des lieux : il reproduit les lieus du crime et ses environs, c’est donc une reproduction fidèle du lieu avec tous les éléments s’y trouvant.
Un « dessinateur » effectue de son côté un relevé de plan de la scène de crime, orienté à partir de deux points fixes à l’aide d’un télémètre. Il mesure les dimensions des lieux (surface et volume) l’emplacement des accès, etc. des logiciels l’aideront ensuite à « dessiner » la scène sur ordinateur.
Examen de la scène de crime
Il a été mentionné plus haut qu’il existe plusieurs sortes de scène de crime, la recherche des traces matérielles et indices varient d’une scène à une autre. Une scène de crime peut parfois présenter des indices contraires à la vraie cause du décès. Il advient souvent que certains crimes soient maquillés dans le but de tromper les enquêteurs. Par exemple, une personne peut se retrouver pendue alors que la cause du décès est la strangulation ou encore un suicide qui serait en réalité un homicide, etc.
Lors de l’examen d’une scène de crime, les techniciens de la Police Technique et Scientifique observent minutieusement tous les éléments à leurs portées notamment la position du corps, les traces sur la victime, les traces matérielles et les traces organiques. Ces traces ne sont pas les seules existantes sur une scène de crime, il existe également les traces de pas, les traces de pieds, les traces de chaussures, les traces de pneus. Elles sont très souvent difficiles à prélever car elles ne peuvent pas être transportées sans en modifier l’état ou la forme. C’est ainsi qu’elles sont simplement photographiées.
Traces matérielles
Les traces matérielles peuvent être des objets laissés sur la scène de crime, des traces organiques ou même chimique. De manière générale l’on retrouve souvent l’arme du crime dans les traces matérielles ou les pièces permettant de reconnaitre l’arme du crime ou encore les circonstances ayant causé la mort. Par exemple, les douilles d’une arme à feu, les éclats de verres ou le goulot d’une bouteille, un morceau de bois ensanglanté, etc.
Pour une scène de crime où l’on retrouve des douilles ou une arme à feu, les techniciens de la Police Technique et Scientifique font intervenir la balistique.
Traces organiques ou biologiques
Les traces organiques ou biologiques sont des substances ou des cellules qui proviennent de l’être. L’on distingue deux types : les traces « riches » et les traces « pauvres ». Les traces « riches » proviennent du sang, du sperme ou de la salive. Il sied de noter qu’après l’analyse du liquide secrété par l’humain (sang, salive, etc.) qui permet d’obtenir l’empreinte génétique, celle-ci rend possible l’identification d’une personne car chaque individu à un ensemble des séquences dans l’ADN unique. Le doctrinaire Jean-Christophe Galloux parle de l’empreinte génétique comme étant la « preuve parfaite ».
Quant aux traces « pauvres », c’est celles issues des cellules mortes, déposées soit par frottement, soit par un contact transitoire sur des objets ou des vêtements. Dans les traces organiques ou biologiques l’on distingue également des traces papillaires, il s’agit des traces dites digitales, palmaires, plantaires. La trace papillaire est la reproduction de tout ou une partie du dessin laissé par la peau des doigts, de la main ou du pied d’un individu lors d’un contact sur un support. A l’opposé de l’empreinte génétique, l’identification d’une personne par les empreintes papillaires se fait par la méthode dactyloscopique
Prélèvement
Prélèvement des traces matérielles
Le prélèvement des indices, même si les techniciens portent des gants, se fait à l’aide des pinces. Ils ne peuvent pas directement toucher aux indices de peur de les modifier ou de les altérer.
Sur une scène de crime où l’on retrouve une arme à feu, les techniciens de la Police Technique et Scientifique procèdent prioritairement à la sécurisation de l’arme à feu. Et lors de la collecte des douilles et projectiles, ces indices sont prélevés à l’aide d’une pince en plastique car les pinces en acier laissent des traces sur les douilles.
Prélèvement des traces organiques ou biologiques visibles
Le prélèvement des traces organiques comme le sang, la salive, les cheveux, etc. Se fait à l’aide d’une pince pour les cheveux et les tiges coton ou les disques d’ouates pour traces de sang ou de salive, à condition que celles-ci ne soient pas sèches.
Lorsque les tâches sont sèches, elles peuvent être extraites à l’aide d’une pince, si elles sont sur un support qui peut permettre une extraction. Le prélèvement des traces papillaires visibles se fait l’aide d’un adhésif de transfert. Il est composé d’un papier et d’une toile autocollante.
Cependant, Il se fait parfois que les traces organiques/biologiques soient visibles ou non visibles. On parle alors dans ce cas de traces latentes.
Prélèvement des traces organiques ou biologiques invisibles (latentes)
Pour procéder au prélèvement des traces latentes, les techniciens de la Police Technique et Scientifique utilisent des procédés optiques, physiques, chimiques et psycho-chimiques.
• Procédés optiques : après la matérialisation et la fixation à l’aide de la lumière rasante, on procède à la photographie et, selon le cas, au prélèvement avec l’adhésif de transfert. Il arrive très souvent que l’on retrouve une tâche de sang après le passage d’une lumière violette qui révèle particulièrement les traces de sang, même si elles ont été nettoyées. Partout où la lumière passe, celle-ci assombrit toutes les tâches ensanglantées. Les techniciens prennent alors une photographie.
• Procédés physiques : après révélation par ces procédés, la trace est photographiée et ensuite selon les cas, transférée sur des supports transportables adéquats appelés transferts. Les procédés physiques se font à l’aide d’une poudre magnétique également appelée poudre dactyloscopique qui révèle les traces digitales. Les techniciens appliquent la poudre à l’aide d’un pinceau sur les surfaces susceptibles de garder des traces papillaires invisibles. Il existe plusieurs sortes de poudre magnétique spécialisées pour les différentes surfaces et matières.
• Procédés physico-chimiques : la trace révélée est photographiée et révélée au cyanoacrylate avant son transfert sur un support transportable. Les procédés physico-chimiques peuvent se diviser en deux parties : premièrement, les techniciens vaporisent un produit sur la surface avant de la mettre dans la Sorbonne (machine) ; deuxièmement, les techniciens immergent la surface dans un autre produit (étuve à ninhydrine) pendant quelques secondes.
Prélèvements des traces de pas, de pieds, de chaussures et des pneus
Il impossible de prélever les traces de pas, de pieds, de chaussures et des pneus à l’aide d’un adhésif ou même à l’aide d’une pince sans altérer l’indice. Pour ce faire, les techniciens de la Police Technique et Scientifique les prélèvent en procédant au moulage. Le moulage permet de réaliser un objet identique à la trace trouvée sur la scène de crime : les techniciens isolent l’endroit qui détient l’indice ensuite ils versent le liquide qui sera ensuite figé et fera une fidèle reproduction de la trace.
Examen du corps
Sur une scène de crime où l’on trouve un corps sans vie, les techniciens de la Police Technique et Scientifique constatent simplement les lésions et autres traces sur le corps. Il appartient au médecin légiste de donner la cause de la mort. Lors de l’examen du corps, les techniciens de la Police Technique et Scientifique notent l’emplacement dans l’espace (emplacement dans une voiture, dans une pièce, etc.), la position, la taille, l’âge apparent, la tenue, les traces ou lésions visibles avant toute manipulation. Ils effectuent toutes les vues photographiques, générales et particulières, déshabillent succinctement et méticuleusement le corps afin de rechercher des traces où lésions visibles. L’examen du corps effectué par les techniciens reste donc externe. Il est tout à fait possible d’estimer le délai post mortem d’une victime, les techniciens disposent d’un thermomètre spécial qui prélève la mesure de la température corporelle mais celle-ci indique les cinq premières heures du décès.
Cependant, il arrive qu’un corps soit découvert plusieurs jours après la mort, les techniciens tiendront compte du degré de putréfaction mais feront aussi appel à leur connaissance en entomologie qui consiste à étudier l’ordre d’arrivée et le développement des insectes sur un corps afin d’en préciser les heures du décès.
Dans le cas où la victime présenterait des traces d’empoisonnement ou d’intoxication chimique, les techniciens auront recours à la toxicologie pour en déterminer les causes du décès.
Constitutions des scellés
Dans le cadre d’une enquête, les Officiers de la police judiciaire procèdent à la saisie de tous les objets, indices et éléments qui sont importants pour la recherche de la vérité. Les prélèvements des indices constituent les scellés. La mise sous scellé a pour but de conserver les indices prélevés sur une scène de crime afin d’en garantir l’authenticité.
En République Démocratique du Congo, les scellés sont revêtus d’une cire portant le sceau officiel afin de sécuriser tous les prélèvements. L’on distingue trois sortes de scellés :
• Scellés découverts : couramment employés pour les objets volumineux. L’objet est simplement rendu inviolable par la ficelle qui est relié directement à la fiche de scellé. Par exemple : voiture, maison, etc.
• Scellés couverts : l’objet est placé dans un sachet, il est scellé par une ficelle pour assurer l’inviolabilité
• Scellés ouverts : ce type de scellé est généralement destiné à des documents qui peuvent être consultés et présentés au cours de la procédure.
Les traces et indices prélevés sur une scène de crime sont rangés dans les emballages stérilisés avec un kit spécial afin de ne pas dénaturer les indices, et ils sont transportés dans des mallettes spéciales.
Les scellés sont transportés au laboratoire suivant leurs formes, mais concernant les scellés couverts, le transport est fait de façon plus rigoureuse car ils contiennent souvent des éléments sensibles. Ils sont souvent transportés dans des mallettes spécialisées afin de ne pas altérer les prélèvements.
Les techniciens de la Police Technique et Scientifique dressent un rapport lors de chaque intervention sur une scène de crime. Il y est mentionné les noms des intervenants, la qualité (du) des requérant(s). En d’autres termes, il y est inscrit la saisine de la Police Technique et Scientifique, l’heure et la date, moyens de déplacement, l’effectifs des intervenants, les faits, l’état des lieux, etc.
La scène de crime est en constante évolution. Les avancées technologiques et sociales y contribuent car les sciences criminalistiques, criminologiques et criminelles s’adaptent à tous les changements pour élaborer et faire appliquer l’approche en adéquation avec la réalité. La présence de la Police Technique et scientifique apporte une lumière à l’enquête judiciaire par ses méthodologies autant sur une scène de crime que dans un laboratoire.
L’examen de la scène de crime est parfois mis à rude épreuve compte tenu de l’ignorance des populations sur la scène de crime. Il arrive souvent qu’à la découverte d’une victime, la foule reste près du corps sans vie et piétine parfois les traces laissées par le criminel. Mais également, les autorités urbaines et leurs gardes rapprochés pénètrent la scène de crime et la polluent. En dehors de ces cas de figure, il y a des raisons d’ordres météorologiques qui rendent l’examen de la scène de crime difficile. Les indices étant très sensibles, les techniciens de la Police Technique et Scientifique procèdent à la méthode de prélèvement optique et physique pour retracer de sang et les traces papillaires. Le principe d’échanges de Locard est très utile dans une telle situation car elle préconise « l’invention des traces » ceci doit être entendu au sens archéologique.
Les aspects juridiques sur la protection de la scène de crime en droit congolais sont insuffisants. Nous référant par exemple à l’article 90 la loi n° 78-289 du 03 juillet 1978 précitée, l’article ne mentionne que les lieux où une infraction flagrante ou réputée telle a été commise. L’ordonnance-loi n° 78-001 du 24 février 1978, relative à la répression des infractions flagrantes dispose en son article 2 que « est qualifiée infraction flagrante, toute infraction qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre ; l’infraction est réputée flagrante lorsqu’une personne est poursuivie par la clameur publique, ou lorsqu’elle est trouvée porteuse d’effets, d’armes, d’instruments…faisant présumer qu’elle est l’auteur ou complice, pourvu que ce soit un temps voisin à l’infraction. » .
Qu’en est-il des scènes de crime où les infractions ne sont pas flagrantes ou réputées telles ? Nous avons indiqué par ailleurs qu’une scène de crime peut être découverte plusieurs jours après la commission de l’infraction. Comment l’ordonnance-loi précitée sera-t-elle d’application car dans le cas précis la flagrance n’existe plus ?
Il y a également l’aspect de l’alinéa 2 qui parle du caractère intentionnel de la destruction ou prélèvements faites par une personne non habilitée. Cela signifie que dès lors qu’il est établi que l’entrave de la scène de crime n’était intentionnelle, la ou les personne(s) sont exemptées de toute sanction. À notre avis, les sanctions devraient être appliquées à toute autre personne non habilitée de s’approcher de la scène de crime après la première personne qui la découvre. Et avant ou après l’arrivée des techniciens qu’une distance d’au moins de 6 mètres soit observée ; qu’après le quadrillage de la zone, qu’une autre distance de 2 mètres soit observée derrière le ruban jaune et noir « scène de crime ».
En République Démocratique du Congo, la Police Technique et Scientifique ne dispose pas à ce jour d’un département de médico-légal. Il revient donc à faire appel à un médecin pour procéder à l’autopsie d’un corps. Dans le futur, cette lacune de manque d’un département de médico-légal devrait aussi être comblée.
En définitive, bien que dans notre pays il existe des insuffisances usuelles quant à la protection de la scène de crime, le département de la police technique est scientifique fait preuve de beaucoup de professionnalisme dans l’exercice de ses fonctions.