Depuis l’annonce par le régulateur, la Loterie nationale de Guinée (Lonagui), de la cessation du contrat de concession de Guinée Games et la reprise en main de la société de pari sportif dirigé par l’homme d’affaires Antonio Souaré, les deux entités se livrent une bataille de communication par médias interposés. Le premier cherchant à justifier sa décision, le second tentant de prouver sa légitimité et sa bonne foi.
La direction générale de Guinée Games avait jusque-là opté pour la stratégie du silence et vraisemblablement pour préparer sa défense afin de riposter avec son armée d’avocats. Elle n’avait fait aucune déclaration officielle en réaction à l’annonce fin juin de cessation de son contrat de concession, ni sur les nombreuses accusations de violations des clauses contractuelles. Jusqu’à la diffusion d’un communiqué de la Lonagui le 2 juillet 2021, révélant ou plutôt rappelant à l’opinion qu’Antonio Souaré n’est pas actionnaire ou dirigeant de Guinée Games.
« Contrairement à une certaine opinion très répandue tendant souvent à assimiler la fin du contrat de Guinée Games à un acharnement contre la personne de M. Antonio Souaré, la Lonagui indique ici que ce dernier n’est en fait plus ni actionnaire, ni dirigeant de Guinée Games. Il a cédé la totalité de ses actions dans Guinée Games depuis septembre 2016 et l’acte de cession a été notifié à la Lonagui et aux organismes intéressés par la cession…La Lonagui réitère son engagement de préserver les emplois directs et indirects liés aux activités de la société Guinée Games et garantira les intérêts des parieurs et de l’État », précise le régulateur.
Réplique
Cette déclaration de la Lonagui a amené Guinée Games à monter au créneau pour « clarifier » sa situation contractuelle avec le régulateur. « Pour faire suite à la diffusion de courriers de la Lonagui sur les médias et réseaux sociaux faisant état de la cessation du contrat de concession attribué à Guinée Games pour l’exploitation des jeux en République de Guinée, nous souhaitons aujourd’hui apporter quelques précisions, après avoir observé un délai de réserve, en raison des négociations qui seront précisées plus bas. Premièrement, le contrat de concession attribué à Guinée Games en 2001 et repris par son avenant et enregistré le 20 avril 2011 au ministère de l’Economie et des Finances stipule en son article 3 que le contrat est attribué pour une période de 10 ans. Cependant, dans l’article 3-1 du même avenant, il est signifié que le contrat est renouvelable par tacite reconduction, sauf dénonciation au cours de sa période de validité liée au manquement des obligations par l’une des parties et annoncée trois (03) mois avant la fin du contrat », rétorque la direction de Guinée Games.
D’après la société, la date d’échéance du délai de dénonciation (allusion faite aux dénonciations de violations de clauses contractuelles faites par la Lonagui le 21 juin 2021) était le 20 janvier 2021. « Pourtant, jusqu’au 21 juin 2021, il n’avait jamais été notifié par la Lonagui une quelconque volonté de mettre fin au contrat », souligne Guinée Games. « De plus, en date du 12 février 2021, une réunion dont l’ordre du jour était, la renégociation de la convention, s’est même tenue dans les locaux de la Lonagui et à l’issue de cette réunion, un échéancier pour établir un nouveau contrat a même été proposé par la Lonagui, devant aboutir à la signature finale en date du 31 mars 2021. À ce jour encore, aucun projet de nouvelle convention ne nous est parvenu », dénonce Guinée Games.
Mieux, la société de pari sportif assure avoir reçu les factures afférentes à l’acquisition des licences d’exploitation pour l’année 2021, et dont le montant cette année (2021) était réévalué de 400% comparativement à l’année 2020. « En date du 7 mai 2021, la Lonagui nous notifiait par courrier l’acceptation d’une remise de 25% sur le montant total sous réserve de respecter un échéancier de paiement soldant le total du montant dont nous devions nous acquitter avant le 15 juin 2021 (pour la dernière tranche). Nous nous sommes acquitté de cette dernière tranche le 7 juin 2021 (copie des chèques faisant foi) », soutient Guinée Games.
Sur les manquements
Guinée Games ne s’en cache pas. Elle admet ne pas être exempt de reproches, mais rassure sur son attitude de transparence. « Nous nous sommes toujours mis à disposition de la Lonagui pour faire preuve de la plus grande transparence, notamment, en proposant une solution technique en date du 8 mars 2021, sur laquelle nous n’avons jamais eu de retour. Nous précisons également que pour chaque tirage, un agent de la Lonagui est présent pour veiller au strict respect de la conformité de la procédure. Enfin, sur les cas d’annulation de pari, nous rappelons qu’un pari annulé est obligatoirement basculé en cote 1.0 qui fait que le gain est égal à la mise, ce qui signifie donc le remboursement dudit pari » révélant de manière implicite que la Lonagui était au courant de toutes les opérations procédurales et transactionnelles de ses services, donc des violations contractuelles supposées ou avérées.
Cependant, malgré la volonté affichée des dirigeants de vouloir laver l’honneur de leur compagnie et leur détermination à ne pas céder face à la Lonagui, la compagnie Guinée Games espère qu’au bout des discussions entamées depuis quelques mois maintenant, un accord bénéfique aux deux entités dans le respect des lois et conventions en la matière sera trouvé pour éviter le clash et les batailles juridiques.
Quid de la Lonagui ?
D’aucuns estiment que la Loterie nationale de Guinée, le régulateur assermenté en la matière, semble avoir péché dans cette affaire malgré ses déclarations de bonnes intentions. « Elle a délibérément laissé pourrir une situation qu’elle juge anormale, qui aurait pu être stoppée net sans en arriver au refus du renouvellement du contrat de concession de Guinée Games qui met de ce fait dans l’incertitude plus de 10.000 emplois directs (salariés, concessionnaires, franchises et sous-traitants) et près de 50.000 indirects, soit l’un des plus gros employeurs du pays », commente un observateur.
D’ailleurs, l’expérience ne plaide pas en faveur de la Lonagui qui a déjà conduit une première opération de nationalisation d’une entreprise de pari, « PMU », le Pari Mutuel Urbain. Le bilan de la gestion financière, humaine et sociale de cette entreprise a été « catastrophique par rapport à sa situation initiale », d’après des révélations d’enquête du Talk Show « les grandes gueules » de la radio Espace fm, sourcées par des lanceurs d’alerte interne de PMU Guinée.