A moins de trois mois du scrutin présidentiel d’octobre 2020, la Côte d’Ivoire présente les prémices d’une autre crise électorale. Les manifestations de l’opposition contre la candidature d’Alassane Ouattara pour un troisième mandat commencent à prendre de l’ampleur. Un couvre-feu a été instauré à Daoukro dans le fief du président Henri Konan Bédié (PDCI) où on enregistre déjà un mort.
La Côte d’Ivoire réussira-t-elle, pour cette fois, à s’éviter une crise électorale comme celle de 2010 ? C’est la question qui taraude en ce moment aussi bien les ivoiriens que les observateurs extérieurs de la scène politique du pays d’Alassane Ouattara. En effet, en raison des enjeux électoraux du prochain scrutin présidentiel du 31 octobre 2020, l’opposition et le parti au pouvoir se regardent en chiens de faïence. La situation s’est exacerbée avec l’annonce de la candidature d’Alassane Ouattara pour un troisième mandat. Et les manifestations spontanées de protestation contre cette entrée en lice de l’actuel Chef de l’Etat, qui étaient jusque-là timides et rapidement dispersées par les forces de l’ordre, ont commencé à prendre de l’ampleur surtout à l’intérieur du pays et particulièrement à Daoukro au Centre- Est du pays.
Dans cette localité qui est l’un des fiefs du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et par ailleurs ville natale de Henri Konan Bédié, ancien allié de Ouattara et chef de file de l’opposition, la situation est délétère depuis plusieurs jours. Les échauffourées qui ont éclaté entre partisans de l’opposition et du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (abrégé en RHDP) suite à une marche de contestation de la candidature de l’actuel Chef de l »Etat, ont déjà enregistré un mort, de nombreux blessés et d’importants dégâts matériels. Notamment le saccage des sièges du PDCI et du RHDP.
Face à cette situation explosive, le Gouvernement a instauré un couvre-feu de 19h à 6h depuis le mercredi 12 Août, et ce, jusqu’à nouvel ordre. A Abidjan l’opposition a décidé de formaliser ses actions. Le premier appel à une mobilisation générale et pacifique contre le projet de candidature du président ivoirien a été lancé par Pulchérie Gbalet, présidente d’Alternative citoyenne ivoirienne (ACI), organisation de la société civile proche de l’opposition. A sa suite, le mardi 11 août, les jeunes issus du Pdci de Bédié, du Fpi « Gbagbo ou rien », du Cojep de Blé Goudé, de Gps de Guillaume Soro, de l’UNG de Stéphane Kipré et des autres formations politiques ont affirmé qu’ils comptent soutenir la marche de la société civile du jeudi 13 août 2020.
Cette initiative a obtenu le quitus de Simone Gbagbo, Vice- présidente du FPI, qui a estimé que ce front du refus était légitime. Le mercredi 12 août, ce sont les premiers responsables de toute l’opposition coalisée qui ont invité l’ensemble de leurs militants à rejoindre les rangs de cette marche éclatée sur toute l’étendue du territoire ivoirien.
Dans ce contexte, Albert Mabri Toikeusse désormais en rupture de ban avec ses anciens camarades du RHDP a également appelé les militants de son parti, l’UDPCI , à rejoindre les marcheurs dans les rues. Les jeunes du parti au pouvoir avaient également annoncé une contre-marche ce même jeudi 13 août et à la même heure pour, disent-ils, «soutenir la candidature à un troisième mandat de Ouattara». Ce qui fait craindre des affrontements entre les partisans des deux camps. Mais ce projet a été finalement annulé par un communiqué signé Adama Bictogo, Directeur exécutif du RHDP. Toutefois, selon un communiqué du Ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation, l’opposition devra elle aussi sursoir à son projet parce que n’ayant pas reçu l’autorisation dudit ministère. Mais vu que les ‘’marcheurs’’ n’entendent pas lâcher du lest, une escouade de la Gendarmerie Nationale a investi depuis la nuit dernière tout le périmètre du siège national du PDCI dans la commune de Cocody. Tous les occupants ont été sommés de vider les lieux. Et vu que chaque camp reste braqué sur ses positions, il est fort à parier que la journée de ce jeudi 13 août 2020 risque d’être très tendue.
La tête du président de la CEI ‘’mise à prix’’
En plus du refus d’accorder la possibilité à Ouattara de briguer un troisième mandat, l’opposition accuse la Commission Electorale Indépendante (CEI) de manipulation du fichier électoral. Le mercredi 12 Août, face à la presse les leaders de cette opposition ont, dans une déclaration commune, dénoncé la partialité de la CEI et de son président, Ibrahime Coulibaly-Kuibiert. Elle demande donc sa démission, parce qu’ «il a démontré son incapacité à conduire le pays vers une élection transparente et impartiale».
Pour justifier cette prise de position contre le président de la CEI, Maurice Kakou Guikahué, secrétaire exécutif du PDCI, a révélé que sur la liste électorale provisoire figurent 21 511 cas de doublons ; 7926 personnes inscrites qui n’ont ni père ni mère ; des mineurs de moins de 10 ans, dont l’un est de profession « ménagère », ainsi que des femmes avec plus de 20 enfants. Le secrétaire exécutif du PDCI a également affirmé que le président de la CEI s’est rendu coupable de délit d’initié en confiant la gestion de la liste électorale à Voodoo Communication du publiciste Fabrice Sawegnon qui serait, selon lui, le directeur de campagne en charge de la communication du RHDP pour la prochaine élection présidentielle. L’opposition a de ce fait, avant l’organisation de toute élection, exigé un audit international de la liste électorale provisoire 2020.