Par Sonia Benkemoun*
De Kinshasa au Caire, de Tanger à Addis-Abeba, de Dakar à Djibouti… Les grands projets d’infrastructures se multiplient en Afrique. Portés par les pays africains, ils témoignent d’une vision propre au continent, souligne Macky Sall.
« Fini le temps ou les partenaires financiers de l’Afrique venaient avec une vision. Ce fut le cas par le passé. Aujourd’hui, l’Afrique sait ce qu’elle veut. L’Afrique sait où elle veut aller », a affirmé le président sénégalais, paneliste honoraire au cinquième Forum Investir en Afrique (FIA5), qui s’est tenu du 10 au 12 septembre à Brazzaville.
Le chef d’Etat a salué les différents efforts entrepris par les pays africains afin de rapprocher les peuples et développer l’économie. Il s’est en particulier félicité de la construction de la ligne de chemin de fer Lubumbashi-Ilebo, en RDC. D’une longueur de 1 578 km, elle est exploitée par la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC).
Macky Sall a par ailleurs fait le plaidoyer du projet Inga 3, barrage hydroélectrique sur le fleuve Congo en RDC. D’une capacité de 11 000 mégawatts, il « devra être le projet phare de l’Afrique en matière d’électricité », a-t-il assuré. Pour le président sénégalais, « le temps de l’Afrique est arrivé. Depuis plus de deux décennies, nombre de pays du continent conduisent une dynamique de croissance, une dynamique de réforme et de changement de paradigme dans la gouvernance publique pour accélérer le rythme de leur marche vers l’émergence ».
La liste des grands projets conçus pour redynamiser l’économie du continent est en effet longue. L’année 2018 a ainsi été marquée par de nombreuses inaugurations : celle de la ligne ferroviaire électrifiée reliant l’Éthiopie à Djibouti, celle du pont à hauban de Maputo-Catembe (Mozambique) ou encore celle du port en eaux profondes Kribi, sur la côte camerounaise. Le TGV marocain Al-Boraq (premier train à grande vitesse africain), l’échangeur du nord de Ouagadougou, la Djibouti International Free Trade Zone (DIFTZ, plus grande zone franche commerciale d’Afrique), le champ gazier de Zohr (au large de la côte libyenne) et le terminal 3 de l’aéroport international d’Accra complètent cette liste qui témoigne de l’extraordinaire dynamisme africain en matière d’infrastructures.
Opportunité de développement
Un dynamisme dont le pays de Macky Sall n’est pas exclu. Avec l’adoption du plan Sénégal émergent (PSE) en 2014, Dakar s’est lancé dans un ambitieux programme de construction d’infrastructures pour favoriser le développement économique. Le pont de 1,7 km qui relie le Sénégal à la Gambie, la multiplication par deux de la puissance électrique installée (1 141 MW en 2018 contre 571 MW en 2011) et la construction de la ville nouvelle de Diamniadio, qui devra désengorger la capitale en accueillant 350 000 habitants, ne sont que quelques exemples parmi les nombreux projets envisagés afin de positionner le Sénégal, à l’horizon 2023, comme « un hub régional logistique et industriel, minier, aérien, multiservices et touristique ».
La multiplication des projets d’infrastructures est d’autant plus importante que le continent enregistre un retard significatif en la matière. Celui-ci est en grande partie responsable des faibles niveaux de commerce intra-régional en Afrique, qui se situe à environ 12 %, contre 60 % en Europe, 40 % en Amérique du Nord et 30 % dans les pays de l’Asean (Association des nations de l’Asie du Sud-Est). Or, la gestion de la crise infrastructurelle pourrait être « l’une des plus grandes opportunités de développement pour l’Afrique dans les décennies à venir ».
Moment idéal pour investir en Afrique
Mais si la transformation des équipements économiques et techniques est importante, celle des mentalités n’en est pas moins indispensable. Comme l’a rappelé Macky Sall à l’occasion du FIA5, un nouveau regard doit être porté sur l’Afrique, qui « reste pénalisée par les idées reçues, les jugements de valeur infondés et une perception empirique des risques ». Le président sénégalais a rappelé que le risque en Afrique « n’est pas plus élevé qu’ailleurs » et que la création de la zone de libre échange continentale africaine (ZLECA) est l’occasion idéale pour investir sur le continent. Elle permettra à terme d’établir un marché de plus de 1,2 milliard d’habitants.
Le développement des infrastructures doit également être l’occasion d’améliorer la vie quotidienne des Africains. Alors que le Sénégal est appelé à rejoindre les pays exportateurs de gaz et de pétrole à l’horizon 2030, le gouvernement souhaite voir les jeunes prendre en charge l’intégralité de la filière pétrole et gaz. Les opérateurs économiques sénégalais sont également invités à « saisir les opportunités offertes dans le cadre du ‘contenu local’ pour bénéficier des retombées de l’exploitation des hydrocarbures ».
L’enjeu est de taille pour l’Afrique. Elle doit accélérer et soutenir une dynamique de croissance inclusive qui crée des emplois tout en protégeant l’environnement. Sans oublier la lutte contre le terrorisme international car, « si rien n’est fait » en la matière, « tous nos efforts vont migrer vers des efforts de sécurité et de défense au détriment du développement », a prévenu Macky Sall.
A propos de l’auteur
Ingénieur de formation, spécialisée dans l’agriculture, Sonia Benkemoun intervient en tant que consultante indépendante sur de grands projets, avec un tropisme Maghreb/Afrique subsaharienne fort.