Dans son discours inaugural de la quatrième édition du Forum Afrique Développement qui se tient à Casablanca, les 25 et 26 février 2016, Mohamed El Kettani, PDG du groupe Attijariwafa Bank, est revenu sur les grands défis du moment: baisse de 50% du cours de pétrole depuis janvier 2015 dans un contexte de suroffre et de crise géopolitique au Moyen-Orient et évolution imprévisible des taux bancaires, encore instables, huit ans après la crise financière de 2008.
C’est dans ce contexte d’un environnement international chargé que l’Afrique s’interroge à Casablanca sur les voies et moyens de son intégration économique et son développement en présence de personnalités de renom dont Tony Elumelu, patron de Heirs Holdings et Jean-Louis Borloo, président de la Fondation Energie pour l’Afrique.
Abordant le premier thème, le ministre marocain de l’Agriculture, Aziz Akhnouch, a déclaré que « nous ne pouvons pas accepter qu’un africain sur trois souffre de la faim. La bataille mondiale contre l’insécurité alimentaire doit être gagnée en Afrique ».
Cette quatrième édition co-organisée avec Maroc-Export est dédiée à deux thèmes majeurs: l’Agriculture, qui représente au moins 25% du PIB de beaucoup de pays du continent et génère en moyenne 60% des emplois. L’autre volet de ce forum est consacré à l’énergie, thème crucial quand on sait que 600 millions d’africains n’ont pas accès à l’électricité.
Abordant le premier thème, le ministre marocain de l’Agriculture, Aziz Akhnouch, a déclaré que « nous ne pouvons pas accepter qu’un africain sur trois souffre de la faim. La bataille mondiale contre l’insécurité alimentaire doit être gagnée en Afrique ».
Au Maroc, la réponse à cette problématique a été le Plan Maroc Vert, lancé en 2008, et qui a vu depuis l’investissement public-privé augmenter de 14% par an et l’apport des bailleurs culminer à 2,3 milliards d’euros en 2015.
Huit ans après son lancement, le PMV a fait passer le taux de mécanisation de 5 à 7 tracteurs par 100 hectares soit au delà de la norme minimale de 36% fixée par la FAO. En l’espace de huit ans, la production agricole du royaume a augmenté de 43% portée notamment par la filiale oléicole , passée de 743 000 tonnes en 2008 à 1, 4 million en 2015. La production des sucre blanc atteint quant à elle 510 000 tonnes, soit un taux de couverture de 43% contre 29% il y a 5 ans.
Salehddine Mezouar: «Nous avons mis beaucoup de temps à sortir du colonialisme et aujourd’hui nous avançons. C’est le début de la renaissance, qui dépendra de notre capacité à transformer notre réalité»
Présent lors de la cérémonie d’ouverture, le ministre marocain des Affaires Étrangères, Salaheddine Mezouar, a réaffirmé l’ambition africaine de son pays, laquelle repose sur un partenariat équilibré: «le monde sera different durant les 20 prochaines années. C’est pour cela que nous avons une belle histoire à construire. Notre continent bouge, il a des élites exceptionnelles et des problèmes à résoudre. Le 20ème siècle a été celui dez indépendances. Nous avons mis beaucoup de temps à sortir du colonialisme et aujourd’hui nous avançons. C’est le début de la renaissance, qui dépendra de notre capacité à transformer notre réalité».
Et M. Mezouar de poursuivre, en insistant sur le partenariat solidaire et équilibré : « Le Maroc est parti vers ses frères et sœurs africains pour parler le langage des cœurs et construire l’avenir à partir de nos expériences réciproques. Nous apprenons aussi de l’expertise et de l’expérience de nos partenaires africains», a ajouté le ministre des Affaires Étrangères dans des propos inspirés du discours historique du Roi Mohammed VI à Abidjan il y a deux ans jour pour jour: l’Afrique doit faire confiance à l’Afrique, avait déclaré le souverain sur les bords de la lagune Ebrié.
N’est-ce pas cette vision de destins partagés et complémentaires qui devrait constituer le fil conducteur pour relever le défi de l’électrification? «Électrification oui, mais quelle électrification, celle du 19eme siècle ou celle des Smart grid», s’interroge le ministre en substance?
A dix mois de la COP 22, prévue à Marrakech, ce thème de l’Energie abordé à Casablanca sonne comme un avant goût de ce qui sera la « réunion du concret » , ce grand rendez-vous en terre africaine au tour des enjeux du développement durable. «Si l’Afrique veut peser dans les relations internationales, il lui faut un partenariat sud-sud allant au dela du slogan». Ces rapports sud-sud sont essentiels et nécessaires à l’équilibre du monde.
Aujourd’hui, le salaire minimum chinois est passé de 100 à 500 dollars en cinq ans. Ce changement entraîne un déplacement de l’ordre de 85 millions d’emplois, de la Chine vers les pays voisins et ailleurs. L’Afrique doit saisir cette opportunité nouvelle
Autre ministre marocain à intervenir lors de la séance inaugurale d’un forum qui comptabilise 13 000 rendez-vous depuis son lancement, Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie et du Commerce et, par ailleurs, fondateur du groupe Saham, premier assureur africain (hors Afrique du Sud). «Aujourd’hui, le salaire minimum chinois est passé de 100 à 500 dollars en cinq ans. Ce changement entraîne un déplacement de l’ordre de 85 millions d’emplois, de la Chine vers les pays voisins et ailleurs. L’Afrique doit saisir cette opportunité nouvelle», a dit le ministre, qui rappelle la nécessité de l’industrialisation comme vecteur de la création de l’emploi pour les jeunes du continent.
Rappelant la success story de son pays, parti de rien il y a 17 ans et qui a réussi son insertion dans la mondialisation en misant sur 7 métiers du monde, M. Elalamy s’est dit ouvert à l’approfondissement des échanges d’expérience dans le domaine industriel entre pays africains. «L’industrie automobile et aéronautique sont aujourd’hui florissantes au Maroc. Le secteur automobile à lui seul génère un chiffre d’affaires de 5 milliards d’euros à l’export et nous comptons atteindre 100 milliards d’euros à l’horizon 2020», a-t-il souligné.
Présent à ce forum, le Ministre gabonais de l’Agriculture, Mathieu MBOUMBA, en charge du programme GRAINE*, a invité les leaders du continent à replacer l’Agriculture au coeur du développement. «Nous ne devons plus considérer notre Agriculture comme une activité de survie ou par défaut», a-t-il notamment déclaré.
L’un des grands moments de cette séance inaugurale fut sans conteste l’intervention de Tony Elumely, président de United Bank for Africa (UBA), qui s’exprimait en tant que président de sa fondation, Heirs Holdings. Après avoir appelé à rompre les barrières entre l’Afrique du Nord, qu’on a tendance, regrette-t-il, à classer dans le Moyen-Orient et sa consœur subsaharienne, et l’Afrique francophone de l’Anglophone, le nigérian a invoqué un chiffre qui résume la situation. «Le commerce interafricain représente 3% des échanges interafricains. C’est pourquoi nous devons intensifier les échanges et la coopération en allant, au dela de l’Agriculture et de l’Energie, vers tous les secteurs d’activité». Pour le banquier nigérian, le secteur privé a un rôle prépondérant à jouer dans ces èchanges inter-africains.
Pour sa part, Jean-Louis Borloo, président de la Fondation Energie pour l’Afrique, est revenu sur le contexte du forum, à mi-chemin entre la COP21 de Paris et la COP22 de Marrakech, un événement crucial. «L’accès à l’énergie est le pré-requis à l’accès à tous les autres droits», soutient-il. Aux yeux de l’ancien ministre français, l’accès à l’Energie est un problème éminemment politique.
Pour clore cette cérémonie d’ouverture, la Directrice Générale de Maroc Export, Zahra Maâfiri, a appelé au développement du label « Made In Africa » et à l’intensification des échanges entre les structures nationales chargées de la promotion de l’export. Le Forum Afrique Développement qui se déroule jusqu’à demain, 26 février, verra le lancement du club Afrique Développement, un rèseau d’hommes d’affaires qui seront connectés en permanence autour d’une plateforme virtuelle.
*Extrait du discours du Roi MohammedVI à Abidjan: «…L’Afrique est un grand continent, par ses forces vives, ses ressources et ses potentialités. Elle doit se prendre en charge, ce n’est plus un Continent colonisé. C’est pourquoi l’Afrique doit faire confiance à l’Afrique. Elle a moins besoin d’assistance, et requiert davantage de partenariats mutuellement bénéfiques. Plus qu’une aide humanitaire, c’est de projets de développement humain et social, dont notre Continent a le plus besoin. L’Afrique ne doit pas rester otage de son passé, ni de ses problèmes politiques, économiques et sociaux actuels. Elle doit regarder son avenir avec détermination et optimisme, en exploitant tous ses atouts et ses potentialités. Si le siècle dernier a été celui de l’indépendance des Etats africains, le 21ème siècle devrait être celui de la victoire des peuples contre les affres du sous-développement, de la pauvreté et de l’exclusion…»
*GRAINE est un programme d’accompagnement dans les démarches de création et de développement de coopératives agricoles sur le territoire national, pour l’émergence d’une nouvelle génération d’agriculteurs compétents, productifs et solidaires. Inscrit dans le cadre du Programme Stratégique Gabon Emergent et du Pacte Social, il répond ainsi à plusieurs enjeux socio-économiques.