A 36 ans, Guy Gweth est bien au fait des implications économiques de l’immigration en Afrique. Consultant en intelligence économique et fondateur du Groupe Knowdys, il est responsable du programme « Doing Business in Africa » à Centrale Paris et enseigne par ailleurs l’analyse économique à la BGFI Business School de Libreville, la géostratégie à l’université de Reims et la due diligence à l’ESG Paris. Pour Gweth, l’Afrique ne peut pas accueillir tous les « cerveaux flottants » du monde comme le prône le professeur Achille Mbembe dans un entretien paru le 26 janvier 2015 sur le monde.fr. Voici son point de vue :
Dans une interview parue sur lemonde.fr le 26 janvier 2015, mon vénérable aîné Achille Mbembe déclare : « L’Afrique ne doit tourner le dos à personne. Elle doit s’ouvrir, ouvrir ses frontières et devenir terre de migrations. Il nous faut réfléchir à comment inclure les Chinois parmi nous, et les autres. Il faut ouvrir l’Afrique ! Accueillir tous ceux qui viennent, les intégrer. Reprendre le rôle que l’Europe a joué. Les gens bien formés qui ne trouvent pas de travail aux États-Unis ou en Europe, ces cerveaux flottants, qu’ils viennent en Afrique. Venez chez nous ! »
Cette déclaration qui part sans doute du désir de plaire à sa cible doit être replacée dans son contexte pour être sûr qu’Achille Mbembe n’essayera pas d’y échapper : celui d’une opposition à la politique migratoire de l’Europe. C’est précisément à la faveur de ce contexte que ce discours est dangereux pour les marchés africains. Car au-delà des questions liées au chômage des jeunes Africains, cette déclaration pose deux questions restées sans réponse.
La première question relève du non-respect du principe de réciprocité si cher aux relations internationales. Pourquoi les pays africains s’ouvriraient-ils, sans condition, aux ressortissants de pays étrangers alors que les autres nations s’attèlent à sélectionner les Africains qui ont droit de cité sur leur territoire ? Lorsque les journalistes du Monde lui demandent ce que l’Afrique a à offrir, Achille Mbembe répond vaguement : « Elle a beaucoup à offrir »…
Cette distance qu’ont certains intellectuels, parfaitement coupés des réalités qu’ils théorisent à l’ombre des amphis, est à la base de la seconde question soulevée par le propos d’Achille Mbembe. Depuis une quinzaine d’années, en effet, surfant sur la croissance africaine, des charlatans déguisés en « spécialistes de l’Afrique », y compris au sein de cabinets de conseils réputés, causent un tort incommensurable aux économies africaines. A qui la faute?
Parce qu’Achille Mbembe ne saurait être suspecté de naïveté, nous ne perdrons pas de temps à rechercher ses motivations. Ce serait succomber aux distractions de gens aisées. L’Afrique ne pouvant accueillir tous les « cerveaux flottants » du monde, les autorités doivent accélérer les réformes qui facilitent l’accès des marchés africains aux plus méritants et barrer la route à ceux qui pourraient freiner le formidable élan pris par les économies africaines depuis 2000.
Guy Gweth
DirOps
Knowdys.com