Par Tarik Siaka.
L’insécurité face à la menace de Boko Haram et la baisse du prix du pétrole commencent à affaiblir l’économie tchadienne. Mais dans un contexte de ralentissement économique globalisé, le pays tient bon et reste moins touché que certains de ses voisins. Des réformes structurelles devraient lui permettre de sortir de sa dépendance à l’or noir.
Chocs exogènes du pétrole et de l’insécurité
Idriss Déby Itno (IDI) réunissait vendredi 12 février dernier les interlocuteurs financiers du Tchad pour parler de la situation économique préoccupante du pays. Les représentants de la Banque africaine de développement, de la Banque mondiale et de l’Agence française de développement, l’ambassadrice française au Tchad ainsi que plusieurs membres du précédent gouvernement (qui a été remanié depuis) se sont accordés sur la nécessité d’une coordination internationale pour faire face aux chocs extérieurs qui fragilisent l’économie tchadienne.
Pour Djiena Wembou, représentant de la Banque africaine de développement au Tchad, la situation appelle à une solidarité internationale. La chute du baril – qui a perdu 75 % de sa valeur depuis l’été 2014 – et la dégradation du contexte sécuritaire, avec ses effets négatifs sur les échanges commerciaux, sont deux imprévus qui ont pour conséquences directes la baisse des recettes courantes du pays. Des chocs exogènes sur lesquels le gouvernement dispose malheureusement de peu de leviers.
Réduction des dépenses : le gouvernement se veut exemplaire
Le gouvernement d’Idriss Déby s’est d’emblée engagé à réduire ses dépenses en effectuant des coupes dans le budget et en particulier dans les frais de fonctionnement de l’État. Les caisses étant de plus en plus vides, il était déjà difficile de payer les fonctionnaires à temps. Mais Ngarlena Docdjengar, ministre des Finances, rassure : les fonctionnaires ne sont pas concernés par ces mesures. Les institutions de l’Etat se verront quant à elles priver de la moitié de leurs ressources. «Cette proposition ne concerne uniquement que les grandes institutions de l’Etat. Mais tout ce qui est fonctionnaire, personne ne touchera à leurs indemnités. Aucune indemnité ne sera supprimée. Mais là, nous avions fait la proposition au niveau des grandes institutions de l’Etat pour donner un exemple». Ces efforts ont permis de contrer une éventuelle envolée de la dette publique. Celle-ci devrait même être réduite de 2 points par rapport à 2015, passant de 40 à 38 % du PIB.
Le Tchad moins touché que d’autres pays par la chute des cours du pétrole
« Le Tchad est un pays crédible et ne peut pas être en faillite. C’est une étape difficile que nous traversons aujourd’hui. Dans le contexte mondial, l’économie est partout arrêtée. L’Europe et les Amériques connaissent des répercussions directes de la crise. C’est en Afrique et dans les pays du BRICS que nous remarquons un taux de croissance positif » s’est exprimé le chef de l’État.
Avec un taux de croissance annuelle du PIB de 2,5 % en 2015 selon la Banque mondiale (contre 6,9 % en 2014), le pays résiste mieux à la déprime ambiante que certains de ses voisins et reste attractif et dynamique. On est encore loin de parler de récession, même si le risque n’est pas totalement écarté. Plusieurs pays plus vulnérables que le Tchad subissent de plein fouet la chute continue des cours du pétrole. C’est le cas notamment de la Libye où le pétrole représentait 95 % des exportations en 2011 ou de l’Algérie, qui retire des hydrocarbures 98 % de ses exportations, près de la moitié de son PIB et 60 % de l’ensemble des recettes fiscales de l’État. La balance commerciale du pays est ainsi déficitaire de 8 milliards de dollars sur les deux premiers trimestres 2015. La situation est tout aussi dramatique en Angola, dont 75 % des recettes fiscales proviennent du pétrole. Le pays a vu son budget amputer de près de 20 milliards de dollars, chutant de 72 à 54 milliards de dollars sur à peine une année.
Diversifier l’économie pour contrer l’effet récessif
Dans cet environnement qui ne favorise pas la croissance, une embellie immédiate dépendrait de la hausse des prix du pétrole, sur laquelle le gouvernement n’a pas la main. En revanche, le retour à une croissance soutenue sur le long terme est assurée grâce aux efforts de diversification économique entamés il y a déjà plusieurs années. Le pays a notamment misé sur le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), grand pourvoyeur d’emplois. La construction du Centre Africain des Technologies de l’Information, dont la tour s’élèvera au centre du nouveau quartier des affaires de N’Djamena, a déjà commencée. Autre grand projet du gouvernement : le développement de l’agriculture et de l’élevage «les deux mamelles de notre économie» selon les mots d’Idriss Déby. Et d’après les prévisions de la Coface, «le secteur agricole (12 % du PIB) devrait tirer la croissance, compte tenu de la volonté du gouvernement de soutenir la production de coton afin de diversifier l’économie, et ce malgré la faiblesse des cours mondiaux.»
Le gouvernement tchadien se veut exemplaire et réactif. Sa crédibilité au regard des investisseurs en dépend. Le Tchad a en effet accédé à la troisième place du podium de l’Africa Performance Index (API) qui évalue le développement économique de pays africains. Pas question non plus de perdre sa place de leader sécuritaire de la région et de lésiner sur les dépenses de sécurité. Le déblocage de 3 milliards de Francs CFA (4,57 millions d’euros) a ainsi été maintenu pour faire face à la menace de Boko Haram. Idriss Déby a fait de la sécurité au Sahel une priorité et l’état d’urgence décrété depuis novembre dernier est là pour le rappeler.
2 commentaires
Bonjour
Je m’appelle djingar nagrhouba Michaël. Votre article m’intéresse, mais pour le besoin de mon travail de recherche j’aurai besoin de données récentes sur la baisse du pétrole tchadien.
Cordialement