Cinq journalistes d’Al Jazeera, dont le reporter emblématique Anas al-Sharif, ont été tués dimanche dans une frappe israélienne ciblée près de l’hôpital Al-Shifa, à Gaza. À ses côtés, le correspondant Mohammed Qreiqeh et les cameramen Ibrahim Zaher, Mohammed Noufal et Moamen Aliwa ont péri dans ce qui ressemble, selon la chaîne qatarie, à une « attaque préméditée et flagrante contre la liberté de la presse ».
Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a dénoncé une « consternante exécution ciblée ». Mais, étrangement, l’indignation médiatique internationale, elle, brille par son absence. Car ici, l’indignation est à géométrie variable.
Imaginez un instant la réaction en chaîne des grands médias occidentaux si une telle attaque avait été perpétrée par le Venezuela, l’Iran ou la Russie. Les unes se seraient alignées, les plateaux télé se seraient enflammés, et les chancelleries auraient exigé des sanctions immédiates. Mais lorsqu’il s’agit d’Israël, l’indignation devient tiède, le vocabulaire se fait prudent, et le récit se dilue dans les « complexités du conflit ».
Israël assume. L’armée a confirmé avoir visé Anas al-Sharif, l’accusant d’avoir dirigé une cellule du Hamas et planifié des attaques à la roquette. Des affirmations accompagnées de promesses de preuves… jamais produites. Un scénario bien rodé, selon le CPJ : « Depuis des décennies, lorsqu’un journaliste est tué par l’armée israélienne, la version officielle le dépeint ensuite comme un terroriste, sans fournir d’éléments tangibles. »
Al Jazeera rappelle qu’al-Sharif, journaliste accrédité, était « la seule voix » permettant au monde de voir la réalité de Gaza. Une voix désormais réduite au silence.
« Quand une femme s’est effondrée devant l’hôpital al-Shifa alors que j’étais en direct à la télévision, j’ai compati avec elle », a raconté le correspondant dans sa dernière interview, pour Al Jazeera. « Quelques heures plus tard, le porte-parole de l’armée israélienne a publié une vidéo directement à mon encontre, pour que je n’expose pas la famine imposée sur la bande de Gaza. »
Dans ses derniers messages postés sur X dimanche, Anas al-Sharif faisait état d’« intenses » bombardements israéliens sur le territoire palestinien et avait diffusé une courte vidéo montrant des frappes sur la ville de Gaza. Un texte posthume que le journaliste avait écrit en avril en cas de décès a été publié sur son compte lundi matin, où il appelle à « ne pas oublier Gaza ».