Par Professeur Amath Ndiaye, FASEG-UCAD.
Pendant des décennies, une partie de l’opinion publique africaine a été entretenue dans l’idée que le compte d’opérations logé au Trésor français représentait une sorte d’argent « confisqué » par la France. Cette perception ne résiste pas aux faits récents.
En 2023, la BEAC – banque centrale de la CEMAC – a perçu 196,7 milliards FCFA d’intérêts sur la part de ses réserves placée au Trésor français, soit une hausse de 358 % par rapport à 2022. Ces rendements sont directement liés à la remontée des taux directeurs de la BCE, appliqués selon des modalités fixées par les accords monétaires (taux minimum garanti de 0,75 % ou 1 %, avec application du taux de facilité de prêt marginal lorsque celui-ci est plus élevé).
En d’autres termes, le compte d’opérations fonctionne comme un compte d’épargne rémunéré, et non comme un coffre-fort inaccessible : il génère des revenus au profit de la banque centrale africaine.
La comparaison avec l’UEMOA est éclairante : depuis la fermeture de son compte d’opérations en 2021, la BCEAO gère directement ses réserves extérieures, plaçant celles-ci dans des dépôts bancaires, titres de créance et avoirs du FMI, pour un rendement global de 176,96 milliards FCFA en 2023.
Ces chiffres montrent qu’il est inexact de présenter le compte d’opérations comme une ponction ou une spoliation : il s’agit d’un placement, certes encadré par des accords, mais qui produit des revenus significatifs pour les banques centrales africaines.
À propos de Pr Amath Ndiaye
Prof. Amath Ndiaye est un éminent économiste sénégalais, titulaire d’un Doctorat d’État en Sciences Économiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (2001) et d’un Doctorat de 3e cycle en Économie du Développement de l’Université de Grenoble, France (1987). Depuis 1987, il enseigne à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Expert reconnu, il a collaboré avec des institutions prestigieuses telles que la Banque Africaine de Développement, la Banque Mondiale, et le FMI, se spécialisant notamment dans les domaines des taux de change, de la croissance économique, et du développement institutionnel. Il était expert-membre du comité de pilotage de la Commission de l’Union Africaine pour la Création de la Banque Centrale Africaine.. Prof. Ndiaye est l’auteur de nombreuses publications influentes, notamment sur les régimes de change et la croissance économique en Afrique de l’Ouest. Trilingue, il maîtrise le wolof, le français et l’anglais.
4 commentaires
Les données publiées sont récentes. Il nous faut des données qui permettent d’apprécier la situation des intérêts depuis la période des indépendances pour nous permettre d’apprécier s’il n’y a pas eu de spoliation.
Résultats insignifiants. Les États africains peuvent récupérer leurs réserves et adapter une approche de « shadow banking d’Etat » pour générer en toute autonomie des « liquidités endogènes » à injecter dans les projets de développement.
Résultat insignifiant… c’est de la poudre aux yeux. Ces comptes ont servi à d’autres activités…le fait déjà que le fcfa soit arrimé à l’euro ne permet pas de donner de la valeur à notre monnaie malgré la croissance..
Interressant comme discours venant d’un spécialiste du domaine.
Cependant, tout intellectuel africain soucieux de l’Afrique après tous ces siècles de prédation, se doit d’étudier profondément les maux dont souffre le continent . Il faudra lire les travaux de Check Anta Diop pour percer à quel point même nos élites malgré leur volonté de bien faire, se mettent au service du système sans jamais remettre en cause l’envahisseur. Le mal est profond car bien que nos intellectuels soient super diplômés, peu d’entre eux ont le courage de la vérité. Il faudra arrêter les grands discours pensés par le logiciel colonial et permettre aux africains, déjà, de penser que sans les legs coloniaux il n’y a pas d’espoir. L’Afrique doit faire son chemin sur la base des vérités historiques. Et l’une d’entre elles, est que le FCFA, malgré tout ce que tous les « soit-disant » spécialistes (souvent des diplômés issus de l’école de l’envahisseur) lui trouve de bon, est et demeure un outil puissant de domination.
Il faudra nécessairement en sortir pour que l’économie africaine soit elle-même.
L’Afrique libre ou la mort.
Ils finiront par comprendre.