Par Mamadou Aliou Diallo
La situation dans les institutions de banques et microfinances du pays est confuse ce mardi 23 mai 2017 à Conakry et en province. Date butoir préalablement annoncée par la fédération syndicale autonome des Banques, Assurances et Micro finances de Guinée (FESABAG) pour le déclenchement d’une grève générale illimitée.
Les syndicats fortement soutenus par les employés sont passés à l’action ce mardi en empêchant l’ouverture des banques et établissements de microfinances. À seulement quelques jours du début du mois du Ramadan et du virement du salaire des fonctionnaires, l’on s’achemine irrémédiablement vers la confrontation entre l’association patronale des banques (APB) et la Fesabag, les négociations « de la dernière chance » ayant échoué ce lundi 22 mai entre les deux parties. Une semaine qualifiée donc à juste titre par certains observateurs comme à haut risque.
Les justificatifs de la fédération syndicale des banques sur sa volonté de contraindre les patrons des banques à rehausser le point d’indice salarial des employés du système bancaire guinéen de 8132 à 15 000 tirent leurs sources entre autres dans la succession des accords ABP/FESABAG précédents non respectés à en croire la plateforme revendicative de la FESABAG. Mais aussi de la discrimination dont seraient victimes les employés guinéens des banques qui estiment n’être pas traités sur le même pied d’égalité que leurs confrères des autres pays africains alors qu’il s’agit des mêmes maisons. Ils dénoncent également l’emploi dans ces banques d’expatriés qui sont mieux payés que les nationaux.
Genèse de la crise
En se basant donc sur le point 5 de l’accord branche ABP/FESABAG au titre de l’année 2008 qui fixe la fin des négociations dans les banques au 31 mars de chaque année (sur demande pressante de l’APB qui voulait éviter le poids des rappels de salaire au 1er janvier) ; le point 4 de l’accord branche ABP/FESABAG au titre de l’année 2011 qui fixe les négociations branches courant premier trimestre des années impaires et les négociations internes durant les années paires, le bureau exécutif de la Fesebag a diligenté une consultation des 2.684 travailleurs des 16 banques depuis janvier 2017 sur leurs préoccupations essentielles actuelles.
Selon le fesabag, la synthèse de cette consultation inclusive a débouché sur 32 points de revendications qui, après de fructueux débats au niveau du Bureau Exécutif de la FESABAG a été ramenée à l’essentiel de 11 points (dont seulement 5 points à incidence financière). La FESABAG a donc soumis ces points à ses partenaires depuis le 6 février 2017 aux fins d’ouvrir des discussions pour aboutir à un accord gagnant-gagnant dans le délai conventionnel du 31 mars.
Par courrier en date du 24 février 2017, l’association des patrons des banques de Guinée déclare irréalistes et irrecevables, les aspirations des 2.684 travailleuses et travailleurs du système bancaire et d’assurances de Guinée. Le 22 mars 2017, soit 50 jours après le dépôt de la plateforme de la FESABAG et 8 jours avant le terme conventionnel des négociations, l’APB impose, selon les responsables de la Fesabag, un seul point comme base de discussions. L’APB sera amenée, par les autorités de la BCRG à venir faire valoir leurs arguments autour de la table de négociations.
« Après 4 semaines de discussions, l’APB est restée sur le taux artificiel de 8% comme mesure de correction de la perte du pouvoir d’achat des travailleurs, sachant pertinemment que le taux de pression du coût de la vie dépasse très largement ce taux proposé, tandis que nous avons demandé un relèvement substantiel du niveau des salaires pour atteindre au moins 60% des salaires des confrères de la sous-région, pour les mêmes contraintes de travail. Depuis l’ouverture des banques, le salaire et les traitements de nos Directeurs représentent plus de 40% de la charge salariale » pointe le syndicat.
La Fesabag justifie ainsi son action par les violations répétées, selon elle, « des accords, des règles de bon partenariat et le manque de volonté manifeste de trouver ensemble des solutions durables et apaisées aux préoccupations fondamentales des créateurs de richesses que sont les travailleurs »
La FESABAG décide donc de tenir une assemblée générale de restitution à l’attention des travailleurs le 13 avril 2017 qui sera matérialisée par un débrayage de six heures. Mais les patrons des banques demandent expressément à toutes les banques de ne pas payer le salaire de la journée du 13 avril 2017 « en violation flagrante des textes du code du travail guinéen » selon le syndicat, qui d’après eux « est une attitude qui vise à menacer et à influencer l’ardeur des travailleurs et constitue une entrave à la liberté syndicale».
L’on pourrait sans nul doute dire que le refus de payer les salaires de la journée du 13 avril 2017 est l’incident ou « la provocation de trop » qui a amené la Fesabag à durcir le ton.
Le climat social dans les banques est délétère
À en croire les responsables syndicaux , le faible niveau des salaires qui ne permet pas l’épargne, l’absence de facilité d’accès à la propriété immobilière (construction de cités pour les travailleurs), de plan de carrière, d’accompagnement à la retraite , la violation des accords signés notamment sur la classification des employés en fonction du diplôme, la ségrégation et harcèlement moral de certains travailleurs, la violation de l’arrêté encadrant la mission des expatriés amènent la FESABAG à agir.
« Au vu du refus des patrons des banques de discuter des préoccupations des employés de banques par mépris, la FESABAG informe l’opinion nationale et internationale ainsi que les clients de banques que son préavis de grève générale illimitée expire le lundi 22 mai 2017 à 00 h. Si un consensus sur les points contenus dans notre plateforme n’est pas trouvé, le secteur bancaire sera engagé dans une grève à partir du mardi 23 mai 2017 » avait averti à travers un communiqué la puissante fédération syndicale des banques.
Contexte à haut risque
Si les débrayages et menaces de grève dans le système bancaire sont devenus récurrents, cette fois-ci les paramètres contextuels ne sont absolument pas favorables aux patrons des banques mais surtout au gouvernement, pace que coïncidant avec le début probable du Ramadan ce samedi 27 et le virement du salaire des fonctionnaires dans les banques qui sont justement frappées par le mouvement de grève.
Si la banque centrale et l’inspection générale du travail ont fait preuve jusqu’à présent d’un volontarisme conciliant entre les deux parties, elles n’ont toutefois pas réussi à faire infléchir les positions ce lundi lors d’une dernière tentative de négociation qui s’est soldée par un échec.
Le mouvement syndical s’est réuni une nouvelle fois encore ce mardi 23 mai 2017 en assemblée générale à la bourse du travail. Il a été décidé de donner une dernière chance à la négociation au cours de la journée de ce mardi. « Si aucun accord n’est trouvé, la grève sera effective ce mercredi » a averti Abdoulaye Sow à la tête de la FESABAG.