La 46ᵉ session de la Conférence ministérielle de la Francophonie (CMF) s’est ouverte au Rwanda le 19 novembre 2025, précédée par la 132ᵉ session du Conseil permanent de la Francophonie (CPF) le 18 novembre. Pour la première fois, le Rwanda, membre fondateur de la Francophonie depuis 1970, accueille ce grand rendez-vous au Kigali Convention Centre, symbole de la diplomatie contemporaine africaine.
Cette édition qui se tient jusqu’au 20 porte un thème central et hautement stratégique : « Trente ans après Beijing : la contribution des femmes dans l’espace francophone ». Trente ans après la Conférence mondiale sur les femmes de 1995, les 90 États et gouvernements membres de l’OIF dressent un bilan lucide : l’égalité complète n’est atteinte dans aucun pays francophone. Les défis restent profonds : 32 % des femmes francophones âgées de 15 à 49 ans subissent encore des violences basées sur le genre, la parité filles-garçons n’est atteinte que partiellement — avec des écarts persistants dans l’accès au secondaire — et près des deux tiers des femmes actives travaillent encore dans l’informel, sans protection sociale. Dans les filières scientifiques et technologiques, les femmes ne représentent que 33 % des diplômées en STIM, malgré des performances remarquables dans certains pays : le Rwanda atteint 63,8 % de femmes parlementaires, un record mondial.
Dans son message introductif, Louise Mushikiwabo, Secrétaire générale de la Francophonie, souligne l’importance de cette session organisée dans un contexte international marqué par de fortes tensions géopolitiques et des fragilités multilatérales. Cette Conférence, estime-t-elle, doit permettre d’« identifier où renforcer l’impact de la Francophonie, agir là où d’autres institutions peinent à intervenir, et écouter nos membres pour mieux traduire leurs priorités dans l’action de l’OIF ». Elle rappelle que, malgré les incertitudes, la Francophonie a déjà produit des résultats concrets : amélioration de l’éducation, soutien au français, accompagnement des entrepreneurs, renforcement des compétences numériques et promotion de sociétés plus inclusives.
Depuis Beijing, la Francophonie a progressivement structuré son action autour d’une approche intégrée reposant sur cinq axes majeurs : lutte contre les discriminations et les violences, accès à l’éducation et à la formation, autonomisation économique, participation aux décisions, et institutionnalisation de l’égalité. Cet effort a pris une dimension stratégique avec l’adoption, en 2018, de la Stratégie EFH – Stratégie de la Francophonie pour la promotion de l’égalité femmes-hommes, des droits et de l’autonomisation des femmes et des filles – qui oriente aujourd’hui l’ensemble des programmes de l’OIF.
Les avancées réalisées sont significatives. Le Fonds La Francophonie avec Elles, lancé en 2020, a permis à près de 100 000 femmes dans 36 pays de renforcer leur autonomie économique et sociale. Les stratégies économique (2020-2025) et numérique (2022-2026) ont intensifié les programmes de formation, de digitalisation et d’entrepreneuriat féminin. L’OIF affiche désormais la parité dans ses postes de direction et multiplie les partenariats avec l’ONU Femmes, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) et les organisations de la société civile. L’Institut francophone pour l’éducation et la formation (IFEF) a intégré l’égalité dans les politiques éducatives, notamment grâce à la norme « Éducation–Égalité ». Par ailleurs, la Francophonie met en lumière le travail invisible des femmes, qui représenterait jusqu’à 20 % du PIB francophone.
La Conférence de Kigali sera marquée par l’adoption de l’Appel de Kigali, qui engage les membres de l’OIF à renforcer la collecte de données sur l’égalité femmes-hommes, garantir la protection et la participation des femmes dans tous les domaines, reconnaître la valeur du travail domestique et des soins non rémunérés, et promouvoir un développement durable fondé sur l’égalité.
Au-delà de la thématique principale, le programme de la CMF comporte de nombreux temps forts : séance inaugurale consacrée au rapport du CPF, exposés sur le thème de la Conférence, examen des questions administratives et financières de l’OIF, interventions thématiques de femmes scientifiques, entrepreneures, artistes ou responsables institutionnelles, ainsi qu’un panel dédié à la contribution des femmes dans la Francophonie. Les ministres examineront aussi les dates de la 47ᵉ CMF, du XXᵉ Sommet de la Francophonie, et les contours du processus d’élection du ou de la prochaine Secrétaire générale. La passation de la présidence entre la France et le Cambodge clôturera les travaux, suivie d’une conférence de presse officielle.
Un spectacle vivant, organisé au Kigali Exhibition and Conference Village, et la traditionnelle photo de famille viendront conclure ces trois journées placées sous le signe de la diversité culturelle, de la solidarité et de la langue française.
Avec cette 46ᵉ Conférence, la Francophonie réaffirme son ambition : devenir un espace moteur d’innovation sociale, d’égalité et de développement durable, fidèle à l’héritage de Beijing mais résolument tourné vers l’avenir. « Je suis confiante que ces deux journées d’échanges inspireront des décisions à la hauteur de nos ambitions », a déclaré Louise Mushikiwabo.

