Par Maxime Houinato, Socio-économiste et Directeur régional d’ONU-Femmes pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre
Comment la voix de l’Afrique au sein du G20 peut accélérer le progrès pour les femmes et les filles et pourquoi le rôle de l’Afrique de l’Ouest et du Centre est déterminant
L’adhésion permanente de l’Union africaine au G20, aux côtés de l’Afrique du Sud, marque une étape historique pour le continent. Elle offre une nouvelle plateforme pour influencer les décisions mondiales et les aligner sur les priorités africaines. L’impact de cette représentation se mesurera aux résultats concrets obtenus pour les femmes et les filles — en particulier en Afrique de l’Ouest et du Centre, où elles sont un moteur de résilience économique, de cohésion sociale et d’innovation.
Le G20 représente plus de 80 % du PIB mondial et la majeure partie du commerce international. Son agenda en matière de finance, d’action climatique, de transformation numérique et d’emplois a un impact direct sur l’avenir de l’Afrique. Grâce à la présence de l’Union Africaine dans les instances du G20, le continent peut contribuer à façonner ces priorités et veiller à ce que la gouvernance mondiale reflète ses réalités. Pour l’égalité des genres, ce moment représente une opportunité de faire avancer à la fois l’Agenda 2030 et l’Agenda 2063 de l’Afrique grâce à une action régionale coordonnée.
Trois domaines prioritaires pour une transformation
1. Financer l’autonomisation économique des femmes
En Afrique de l’Ouest et du Centre, les femmes représentent plus de 60 % de la main-d’œuvre informelle mais restent sous-financées. La budgétisation sensible au genre, les lignes de crédit ciblées et l’investissement dans les entreprises dirigées par des femmes produisent déjà des résultats encourageants dans plusieurs pays. Un « Pacte de financement pour l’égalité de genre » entre l’UA et le G20 pourrait amplifier ces efforts — en renforçant l’économie du soin, en soutenant les commerçantes transfrontalières et en créant des modèles de financement accessibles à toutes les femmes.
2. Inclusion numérique et innovation
La fracture numérique entre les sexes demeure l’une des plus profondes au monde. Les femmes entrepreneures de la région sont actives dans l’agrotech, les services et le e-commerce, mais continuent de faire face à des obstacles persistants liés à la connectivité, à la maîtrise du numérique et à l’accès au capital. En s’appuyant sur les collaborations avec Smart Africa, la CEDEAO et la Commission économique pour l’Afrique, un « Pacte numérique pour l’égalité » pourrait se concentrer sur trois axes : l’accès, les compétences et le financement. L’initiative
« African Girls Can Code » d’ONU-Femmes constitue déjà une base solide pour une telle approche.
3. Femmes, paix et sécurité, et résilience climatique
Les régions de Sahel et du bassin du Congo illustrent à quel point paix, sécurité et changement climatique sont interconnectés. Les femmes jouent un rôle essentiel dans la prévention, la médiation et l’adaptation. Alors que le G20 avance sur les questions de résilience et de prévention des conflits, intégrer la dimension Femmes, Paix et Sécurité dans les politiques économiques et climatiques peut renforcer à la fois l’impact et la redevabilité. La célébration cette année du 25ème anniversaire de l’adoption de la résolution 1325 du Conseil de sécurité offre une occasion d’ancrer ce lien dans les politiques nationales et régionales.
De la politique à la mise en œuvre : le rôle d’ONU-Femmes
ONU-Femmes soutient cette ambition à trois niveaux :
Au niveau continental, nous collaborons avec la Direction du genre de l’Union Africaine et le bureau du Sherpa G20 pour intégrer l’égalité des sexes dans les priorités politiques de l’UA au G20.
Au niveau régional, notre bureau pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre travaille étroitement avec les gouvernements, la CEDEAO, la CEEAC, la société civile et le secteur privé afin d’harmoniser les données, le financement et l’action autour d’objectifs communs.
Au niveau national, les partenariats avec les ministères en charge des questions de genre, des finances ou du numérique permettent de traduire ces cadres en budgets nationaux, programmes d’entrepreneuriat et politiques publiques sensibles au genre.
Bâtir des ponts pour l’égalité de genre
La présence de l’Afrique au G20 crée trois opportunités majeures pour les femmes et les filles :
Inclusion. Les femmes de toutes les régions du continent, y compris du Sahel et du bassin du Congo, doivent être représentées et entendues dans les espaces décisionnels mondiaux.
Investissement. Davantage de ressources peuvent renforcer les systèmes de soins, soutenir les entreprises vertes et numériques, et élargir les efforts de relance économique menés par les femmes.
Influence. Les stratégies et fonds de genre africains — comme la Stratégie régionale de genre de la CEDEAO ou le Fonds des femmes de l’UA — peuvent contribuer à façonner les normes mondiales en matière de croissance inclusive.
Pour un pacte féministe entre le G20 et l’Afrique
La prochaine étape de la gouvernance mondiale doit être féministe, inclusive et portée par l’Afrique. La présidence sud-africaine du G20 et l’adhésion permanente de l’Union Africaine en font un moment décisif pour l’engagement du continent sur la scène internationale. L’ONU-Femmes continuera de travailler avec l’UA, l’Afrique du Sud et les partenaires régionaux pour s’assurer que cette nouvelle voix mondiale fasse progresser l’égalité de genre et produise des résultats mesurables pour les femmes et les filles.
Quand l’Afrique parle, le monde écoute — et lorsque les femmes d’Afrique sont en position de leadership, le monde s’en porte mieux.

