Le groupe ST Digital s’apprête à inaugurer, le 2 octobre prochain, son tout premier data center en Côte d’Ivoire. L’infrastructure, située dans la zone franche technologique du VITIB à Grand-Bassam, se veut une pierre angulaire de la stratégie de souveraineté numérique du pays.
Une réponse locale à un déficit continental
Avec ce data center de type Tier III, le groupe panafricain veut contribuer à combler le retard du continent en matière d’hébergement de données. En 2024, l’Afrique ne représentait que 1 % de la capacité mondiale de data centers, soit environ 3,5 milliards $ de chiffre d’affaires, contre un marché global estimé à 386 milliards $. À titre de comparaison, l’Amérique du Nord concentre plus de 50 % des capacités installées.
Selon les projections de l’International Data Corporation (IDC), le marché africain des data centers pourrait dépasser 13 milliards $ en 2030, porté par l’explosion des usages numériques. Le trafic Internet sur le continent est attendu en hausse de 40 % par an, et le volume de données devrait être multiplié par six d’ici à 2030. Dans ce contexte, la Côte d’Ivoire entend consolider son rôle de hub numérique régional.
Un investissement lourd, pensé 100 % local
Le data center de Grand-Bassam représente un investissement de plusieurs millions de dollars. Il est composé de trois modules offrant une capacité d’environ 160 racks de 42 serveurs chacun – soit plus de 6 000 serveurs physiques et plus de 50 000 serveurs virtuels.
Particularité du projet : sa conception, sa réalisation et son exploitation ont été confiées exclusivement à des entreprises africaines. « C’est un message fort : nous voulons créer de la valeur localement sur une chaîne de valeur habituellement dominée par des acteurs étrangers », souligne Anthony Same, fondateur et CEO de ST Digital. Pour lui, l’inauguration dépasse la simple mise en service d’une infrastructure : elle traduit une volonté de souveraineté. « Nous prouvons qu’il est possible, avec des compétences africaines, de concevoir, bâtir et exploiter un data center aux standards internationaux. L’Afrique n’est pas condamnée à dépendre des grands opérateurs étrangers pour sécuriser ses données. »
L’entreprise a fait appel à deux cabinets d’architecture ivoiriens (CATD de Thierry Dogbo et AED de Marcel Sewanou), au bureau d’étude technique local OPTIMA pour l’exécution, ainsi qu’à l’entreprise de BTP DTECH pour la construction. Le tout, supervisé en seulement huit mois, avec le support technique de l’expert mondial APL.
Des emplois de valeur pour l’écosystème local
Au-delà de la technologie, ST Digital met en avant l’impact socio-économique du projet. L’infrastructure doit contribuer à la création d’emplois qualifiés, aussi bien dans la phase de construction que dans celle d’exploitation et de maintenance.
« L’enjeu est simple : permettre aux acteurs ivoiriens et ouest-africains d’héberger leurs données sur place, sous juridiction nationale, tout en bénéficiant de standards internationaux. Mais c’est aussi développer un écosystème où ingénieurs, techniciens et jeunes talents locaux trouvent des opportunités concrètes », souligne Steve Tchouaga, directeur général de la filiale ivoirienne.
Un projet institutionnel et symbolique
La cérémonie d’inauguration, organisée sous le parrainage du ministère de la Transition numérique et de la Digitalisation, réunira une centaine de personnalités issues du secteur public et privé : représentants du gouvernement, autorités de régulation comme l’ARTCI, acteurs de la finance, des télécoms et des technologies.
Pour les autorités, ce projet s’inscrit dans une dynamique nationale et continentale de transformation numérique. Le développement d’un cloud souverain constitue un atout stratégique, à la fois pour protéger les données sensibles, favoriser l’innovation et attirer de nouveaux investissements.
Une approche panafricaine et écoresponsable
Le site de Grand-Bassam n’est qu’une première étape. ST Digital prévoit de déployer un réseau de data centers interconnectés au Cameroun, au Togo, en Guinée, au Sénégal et surtout au Gabon, qui accueillera une nouvelle infrastructure d’ici fin 2025.
Cette stratégie vise à bâtir un maillage panafricain capable de rivaliser avec les géants mondiaux comme AWS, Microsoft Azure ou Google Cloud, tout en promouvant un modèle endogène, hybride et frugal, pensé pour les besoins des administrations et des PME.
L’entreprise met aussi en avant sa dimension écologique. « La transition numérique doit aller de pair avec la transition énergétique. Nous faisons le choix d’intégrer des solutions innovantes qui garantissent performance et responsabilité vis-à-vis de l’environnement », insiste Steve Tchouaga.
Concurrence et positionnement
Le groupe ST Digital évolue sur un terrain de plus en plus disputé. D’un côté, les opérateurs télécoms qui exploitent déjà leurs propres data centers et cherchent à capter une clientèle institutionnelle ; de l’autre, les géants du cloud (d’AWS à Microsoft Azure en passant par Google Cloud) qui renforcent progressivement leur présence en Afrique. À ces acteurs mondiaux s’ajoutent quelques initiatives locales, encore limitées en taille mais en pleine croissance.
Dans ce paysage concurrentiel, ST Digital entend se démarquer en mettant en avant un modèle hybride : infrastructures locales, services cloud adaptés aux besoins des administrations et des PME, et un accent affirmé sur la souveraineté des données. « Nous ne cherchons pas à copier les hyperscalers, mais à proposer une alternative africaine crédible, conçue pour sécuriser les données stratégiques tout en créant de la valeur localement », résume Steve Tchouaga.