Par Pr Amath Ndiaye – FASEG-UCAD
La crise de liquidité qui secoue actuellement les banques guinéennes agit comme un révélateur brutal des fragilités du système financier national. Faute de dépôts suffisants, les établissements peinent à honorer les retraits, entraînant une rentabilité en chute libre et un risque de fermeture de nombreuses caisses, y compris celles des opérateurs de monnaie électronique. Cette nouvelle turbulence rappelle la vulnérabilité chronique du franc guinéen, miné par les pressions inflationnistes et les déséquilibres bancaires récurrents.
À quelques centaines de kilomètres, l’exemple de la Guinée-Bissau illustre un choix diamétralement opposé. En 1997, confrontée à des crises monétaires répétées, Bissau avait décidé d’intégrer l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et d’adopter le franc CFA. Le pari s’est révélé payant : retour de la stabilité monétaire, inflation maîtrisée, intégration financière et commerciale accrue. Depuis, le pays bénéficie de l’ancrage institutionnel de la BCEAO et du rattachement du FCFA à l’euro, autant de garde-fous face aux chocs monétaires. Le contraste est saisissant : alors que Conakry enchaîne les crises cycliques, Bissau jouit d’une relative sérénité monétaire.
Rejoindre le FCFA constituerait pour la Guinée une rupture stratégique. Les bénéfices potentiels sont évidents : stabilité accrue, fin des crises de liquidité chroniques, cadre réglementaire harmonisé au sein de l’UEMOA, et surtout crédibilité monétaire renforcée, susceptible d’attirer davantage d’investissements étrangers. Plus largement, un tel choix contribuerait à accélérer le projet d’intégration monétaire régionale en rapprochant encore davantage les pays de la CEDEAO vers l’objectif d’une monnaie unique, l’ECO. Mais il supposerait aussi une renonciation à la souveraineté monétaire, avec toutes les implications politiques que cela comporte.
La question, en somme, dépasse la simple gestion d’une crise bancaire passagère : elle engage l’avenir monétaire, économique et géopolitique de la Guinée. Faut-il s’accrocher à un franc guinéen affaibli ou rejoindre une zone monétaire offrant stabilité et discipline, au prix d’une part de souveraineté ? C’est le dilemme auquel Conakry est désormais confronté.