Par Pierre-Samuel Guedj, Président d’Affectio Mutandi & de la commission RSE&ODD du CIAN
Dans un contexte où l’Afrique doit faire face à des défis croissants – urbanisation rapide, besoins en infrastructures, transition énergétique, inégalités sociales – les Partenariats Public-Privé (PPP) apparaissent comme un levier incontournable pour catalyser les investissements structurants. Mais leur acceptabilité sociale et leur capacité à produire un impact durable sont aujourd’hui scrutées avec attention. La clé de leur légitimité ? Une intégration rigoureuse des critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance). D’autant que de nombreux projets échouent in fine faute de prise en compte de ces enjeux ESG, de leur anticipation et de leur gestion effective.
Loin d’être un luxe ou un fardeau bureaucratique, l’exigence ESG constitue probablement l’un des seuls catalyseurs de confiance, capable de renforcer la performance, d’attirer les financements responsables et de créer un alignement durable entre les États, les investisseurs et les citoyens. Et la confiance est bien le facteur clef manquant le plus sur le continent…
Gouverner autrement pour mieux investir
Le pilier “G” des critères ESG est souvent négligé. Pourtant, dans les PPP africains, il est fondamental. Transparence, responsabilité, lutte contre la corruption : les projets doivent instaurer des mécanismes de gouvernance solides, associant les communautés locales, la société civile et les investisseurs dans un suivi régulier. La confiance des citoyens repose sur cette exigence de redevabilité. Certains États l’ont compris, comme la Côte d’Ivoire qui réalise des travaux majeurs méritant d’être salués, notamment ceux du Ministre de la Bonne Gouvernance, Son Excellence Zoro Epiphane Ballo, qui vient d’ailleurs de créer une Académie de la Bonne Gouvernance ! D’autres étudient l’Intelligence Artificielle pour systématiser ce reporting et garantir son exigence et sa transparence. Ceci dit, la simple publication « grand public » de la Note 35 de reporting extra-financier prévue dans le Syscohada serait déjà une belle démonstration de transparence sur les impacts et initiatives des entreprises. La préservation de la réputation et de l’image de marque est souvent un bon levier…
Des projets à valeur ajoutée sociale
Sur le plan social, les PPP ne peuvent plus se contenter de livrer des infrastructures. Ils doivent démontrer leur impact social concret : création d’emplois locaux, inclusion des jeunes et des femmes, accès équitable aux services. L’acceptabilité d’un projet repose aussi sur sa capacité à redistribuer les bénéfices de manière juste. C’est, dans un tout autre secteur mais dans la même dynamique, ce qui a péché dans les concessions minières confiées aux entreprises chinoises : le non-respect des engagements contractuels de contenu local, d’emplois directs sur les territoires et de sous-traitance avec des entreprises locales. Les communautés locales veulent des emplois, idéalement durables et décents, pour leurs enfants. Ces éléments peuvent s’inscrire proactivement dans ce qui deviendrait de facto un « contrat durable® » entre les parties prenantes, notamment celles des territoires.
Des infrastructures en ligne avec les défis climatiques
L’urgence climatique impose une transformation et une adaptation des infrastructures. Les Partenariats Publics Privés doivent de fait anticiper les risques environnementaux, intégrer des technologies vertes,adopter des modèles sobres en carbone et… planifier leur propre résilience, compte-tenu de leur longévité attendue. Des projets d’énergies renouvelables, de mobilité durable ou de gestion des déchets sont autant d’opportunités, voire de nécessité, de concilier développement et durabilité.
Le pouvoir des investisseurs responsables
Face à ces nouveaux enjeux, les investisseurs ne sont pas passifs. De plus en plus, les fonds souverains, les banques de développement et les investisseurs privés conditionnent leurs engagements à des critères ESG vérifiables. Les obligations vertes, tels que les SDG Bond du Bénin sur-souscrit trois fois, les prêts liés à la performance ESG ou les financements mixtes (blendedfinance) ouvrent des voies nouvelles, à condition que les projets intègrent ces exigences, issus des principes ESG de la Banque Mondiale, et cela dès leurconception. Il s’agit du coup pour les états africains de revoir également les modes de présentation de leur Plan National de Développement en articulant leurs projets stratégiques à l’aune des enjeux ESG et des Objectifs de Développement Durable, voire des principes d’Impacts édictés par cette même Banque Mondiale… quitte à laisser les projets « moins disants » aux acteurs moins exigeants… le continent doit aussi avoir le choix de ses partenaires.
Vers une nouvelle génération de PPP africains
L’Afrique n’a pas besoin de PPP à l’ancienne, mais de PPP à impacts, ancrés dans une logique de co-construction, de transparence et de durabilité. L’ESG ne doit pas être vu comme une contrainte, mais comme une boussole. Elle peut transformer les PPP en instruments de transformation systémique, porteurs de confiance, d’efficacité et d’espoir partagé. L’un des instruments de réalisation des promesses politiques faites notamment lors des campagnes électorales.Certains états ont saisi l’opportunité que cela représentait, comme le Gabon qui finalise une loi RSE assez unique sur le continent.
Il est temps de faire des critères ESG le cœur stratégique des partenariats public-privé sur le continent. Ce n’est pas seulement une exigence morale ou réglementaire. C’est un impératif économique et politique. Existentiel, même, pour l’Afrique.
À propos de Pierre-Samuel Guedj
Expert en communication corporate, influence et responsabilité sociétale des entreprises, ancien Directeur chez Burson-Marsteller, puis Associé chez Publicis Consultants, Pierre-Samuel Guedj accompagne depuis plus de 25 ans les entreprises et les gouvernements sur leurs enjeux de réputation, de vigilance ESG, de RSE & de développement durable en France, en Europe et en Afrique.
Il fonde et dirige depuis 2013 Affectio Mutandi, premier cabinet conseil hybride, à la confluence des parties prenantes, articulant Communication corporate & de Crise, Influence, Affaires publiques, Responsabilité sociétale, Compréhension des enjeux juridiques et Relations avec les ONG.
Il accompagne par ailleurs de nombreux acteurs français, européens et africains sur les enjeux de vigilance ESG, d’impacts RSE et d’engagement sociétal sur ce continent, notamment dans leurs activités, leurs investissements dans les infrastructures et dans le cadre de Partenariats Publics Privés.
Pierre-Samuel Guedj préside par ailleurs la commission RSE&ODD du CIAN, Conseil français des investisseurs en Afrique, et dirige le media à impacts sur les OODs en Afrique, www.africamutandi.com