Par Pr Amath Ndiaye, FASEG-UCAD.
Le débat public africain attribue souvent au franc CFA (FCFA) la responsabilité du sous-développement et du maintien de nombreux pays africains dans la catégorie des Pays les Moins Avancés (PMA). Une lecture factuelle des données des Nations unies montre pourtant que cette accusation ne résiste pas à l’analyse.
Selon la liste officielle des PMA établie par l’Organisation des Nations unies pour l’année 2024, l’Afrique compte 32 PMA. Parmi eux, seuls 10 pays appartiennent à la zone franc CFA, soit 31,25 %. Et si l’on exclut le Sénégal, engagé depuis 2024 dans un processus de sortie du statut de PMA, il ne reste plus que 9 pays CFA sur 31 PMA africains, soit environ 29 %.
Plus de 70 % des PMA africains sont donc hors zone CFA, avec leurs propres monnaies nationales et, pour la plupart, des régimes de change flexibles.
Ce simple constat statistique est décisif : le franc CFA ne peut pas être la cause principale de l’existence des PMA en Afrique, puisque la majorité écrasante des PMA africains n’utilisent pas le CFA. Autrement dit, le sous-développement n’est pas d’abord une question de régime monétaire.
Les véritables déterminants du statut de PMA sont bien connus :
faible diversification productive,
dépendance aux matières premières,
insuffisance du capital humain,
déficits d’infrastructures,
vulnérabilité aux chocs climatiques et sécuritaires,
mal gouvernance économique,
Corruption.
L’expérience montre par ailleurs que le franc CFA a plutôt contribué à la stabilité macroéconomique, notamment par des taux d’inflation parmi les plus bas d’Afrique, condition nécessaire — même si elle n’est pas suffisante — pour un développement durable. La sortie progressive de pays CFA du statut de PMA, comme le Sénégal, illustre que le cadre monétaire n’est pas un obstacle mécanique au développement.
Faire du franc CFA le bouc émissaire du sous-développement africain relève plus du slogan politique que de l’analyse économique. Les PMA existent majoritairement en dehors de la zone CFA, et le défi africain reste avant tout productif, structurel et institutionnel, bien plus que monétaire.

