Par M Jean-Arsène Yerima, Directeur régional des opérations, Afrique de l’Ouest francophone, Afreximbank
Pendant des décennies, l’histoire économique de l’Afrique s’est caractérisée par un scenario répétitif : exporter des matières premières, importer des produits finis, entrainant un déséquilibre constant de la balance commerciale.
En collaboration avec les pouvoirs publics, Afreximbank et son partenaire en matière d’industrialisation Arise IIP, contribuent au développement de zones industrielles favorisant l’écoulement de produits à valeur ajoutée qui transforment la contribution de l’Afrique aux échanges internationaux. Le développement de ces zones industrielles s’appuie sur la disponibilité de matières premières et la forte avancée technologique dont le continent Africain peut profiter pour accélérer sa transformation industrielle et faire émerger une expérience économique différente.
L’un des exemples les plus convaincants est la Glo-Djibe Industrial Zone (GDIZ) située à seulement 45 kilomètres de Cotonou, au Bénin. Cette zone industrielle d’une superficie de 1 640 hectares est le fruit d’un partenariat audacieux entre Afreximbank, son partenaire Arise IIP, et le Gouvernement du Bénin, marque une rupture avec l’approche traditionnelle de développement de projets de cette nature, à travers une approche de développement de zone industrielles en partenariat public-privé (Le modèle)
En effet ce mécanisme de développement de projet a permis au Gouvernement du Benin de faire émerger un écosystème intégré où convergent la politique gouvernementale, le capital privé et l’expertise industrielle, au lieu de se contenter d’offrir des terres a prix négociés et des allégements fiscaux nuisibles pour les finances publiques. L’impact économique de ce partenariat public-privé pour le Benin se mesure à travers l’augmentation de recettes d’exportation des produits à forte valeur ajoutée, l’augmentation des recettes fiscales de l’Etat, les emplois crées (plus de 12 000 emplois ont été créés à ce jour, et pourraient passer à 60 000 d’ici 2030)
Notre appréciation de la différence entre le modèle de partenariat public-privé par rapport aux autres, au-delà de la taille des projets qu’il permet de développer, se trouve dans l’approche de la répartition des risques :
- Le développement industriel traditionnel laisse souvent les gouvernements assumer les coûts d’infrastructure tandis que les entreprises privées engrangent les bénéfices.
- Le modèle de partenariat public-privé inverse cette tendance, créant des intérêts communs dans la réussite à long terme.
- Les entreprises telles que celles du secteur de la fabrication textile et de la transformation des noix de cajou ne se contentent pas d’assumer le rôle de locataires; elles sont partenaires dans le développement de capacités industrielles qui favorisent à la fois l’emploi local et la compétitivité à l’exportation.
Le programme d’industrialisation d’Afreximbank, en partenariat avec ARISE IIP, s’étend à d’autres projets sur le continent depuis la réalisation du pionnier de ce programme dans le parc industriel de Nkok au Gabon. Dans ce parc industriel, les opérations de transformation du bois démontrent comment l’abondance des matières premières peut se traduire par des exportations à valeur ajoutée.
La méthode d’expansion de ce programme a l’échelle continental privilégiant le développement industriel sous forme de portefeuille d’investissements intégrés plutôt que des projets pris individuellement a permis à ce jour d’avoir un encours cumule de Deux Milliards Dollars US (USD 2 milliards).
La fragmentation des marchés africains et les lacunes en matière d’infrastructures ont été un frein à l’industrialisation, la rendant peu compétitive et rentable par rapport aux industries asiatiques qui en sus des économies d’échelles ont su profiter des infrastructures adéquates (réseaux logistiques, ressources énergétiques, main d’eouvre qualifiée) pour leur développement.
Au demeurant, le modèle en partenariat public-privé résorbe le déficit de compétences qui a freiné l’industrie manufacturière africaine. Les centres de formation développés en périphérie en conjointement aux zones industrielles dispensent des formations couvrant tant les compétences générales que les compétences spécifiques adaptées aux besoins des entreprises implantées sur la zone industrielle. Cela crée une boucle de rétroaction dans laquelle la croissance industrielle génère le capital humain nécessaire à la poursuite de l’expansion.
Les premiers résultats suggèrent que ce modèle apporte des solutions adéquates aux contraintes qui ont impactées l’industrialisation africaine :
– Les entreprises ont accès à des infrastructures fiables et à une main-d’œuvre qualifiée sans avoir à supporter l’intégralité des coûts de développement.
– Les gouvernements parviennent à la diversification industrielle sans assumer tous les risques financiers.
- Les communautés locales bénéficient d’opportunités d’emploi qui n’existaient pas auparavant.
Ce modèle de zone économique spéciale change fondamentalement le discours sur le développement en offrant ce qui manquait aux stratégies précédentes : des incitations alignées qui transforment toutes les parties en acteurs du succès industriel à long terme plutôt qu’en extracteurs de gains à court terme.
La force de cette approche de partenariat réside dans sa capacité à démontrer un développement industriel durable et à grande échelle, suffisant pour attirer des capitaux privés plus importants qui évitent généralement les risques conventionnels des marchés émergents. Les données provenant de pays comme le Gabon, le Bénin, le Togo, le Tchad et le Rwanda où les zones industrielles sont opérationnelles indiquent que le modèle mérite une attention sérieuse de la part des investisseurs qui cherchent des opportunités au-delà des stratégies conventionnelles des marchés émergents.

