Premier assureur africain du développement, l’Assurance pour le Développement du Commerce et de l’Investissement en Afrique (ATIDI) fait du passage à l’échelle une condition de souveraineté économique. En marge de l’Africa Investment Forum (AIF) tenu du 26 au 28 novembre 2025 à Rabat, capitale du Maroc, son Directeur général, Manuel Moses, revient sur la nécessité de couvrir les risques liés aux investissements pour libérer du capital, structurer des garanties régionales — RCTG, PoRSA, RLSF — et bâtir un modèle capable d’accélérer l’intégration commerciale portée par la ZLECAf. Entre déficit d’infrastructures, volatilité globale et opportunités continentales, ATIDI se positionne comme un levier structurant de financement et un catalyseur d’investissements durables pour l’Afrique.
Dans un continent où les déficits structurels restent profonds — la question n’est plus seulement “comment financer”, mais “comment assurer”. Car sans confiance, il n’y a ni capital patient, ni projets d’envergure, ni intégration économique effective. En participant à cette nouvelle édition de l’IAIF, ATIDI ne vient pas occuper un strapontin institutionnel : elle vient rappeler qu’un assureur du développement n’est pas un simple filet, mais un accélérateur. Partenaire historique de la Banque Africaine de Développement depuis son entrée au capital en 2013, ATIDI ne se contente pas de couvrir des risques : elle structure des solutions qui réduisent les frictions, débloquent des prêts souverains et s’insèrent progressivement dans les stratégies d’émergence des États.
DAussi, la garantie n’est pas un produit d’assurance classique, mais un levier de compétitivité, un instrument de coordination régionale et un vecteur clé de crédibilisation des projets transfrontaliers. Dans cette interview exclusive accordée à Financial Afrik, Manuel Moses, Directeur général de l’Assurance pour le développement du commerce et de l’investissement en Afrique (ATIDI), décrypte les grands sujets de cet écosystème.
Pourquoi ATIDI s’engage dans l’Africa Investment Forum ?
Je tiens d’abord à saluer les organisateurs pour la qualité exceptionnelle de l’événement. L’Africa Investment Forum (AIF) est une plateforme unique qui réunit tout l’écosystème du développement, à la fois pour réfléchir ensemble et pour permettre la concrétisation de transactions, dans l’objectif de soutenir l’émergence économique du continent africain. En tant que premier assureur du développement en Afrique, nous sommes ravis de contribuer au succès de l’AIF.
Notre présence est également un symbole de notre partenariat solide avec la Banque Africaine de Développement, qui a rejoint notre capital en 2013 en devenant actionnaire d’ATIDI. Depuis, elle soutient activement notre dynamique d’adhésion des États membres, avec près de 60 millions de dollars de financement accordés à plusieurs pays engagés dans le processus d’adhésion à ATIDI.
Il faut d’ailleurs rappeler que la Banque Africaine de Développement est aussi utilisatrice de nos solutions :
- Nous avons assuré un prêt de 159 millions USD accordé par la Banque Africaine de Développement pour financer l’extension de la flotte d’Ethiopian Airlines, notamment à travers l’acquisition d’un Airbus A350-900.
- Nous avons aussi accompagné un important accord d’assurance-crédit de 500 millions USD, structuré pour couvrir une partie de leur portefeuille d’opérations non souveraines en Afrique.
- En décembre 2023, ATIDI est devenue un partenaire stratégique du Pacte Lusophone (Lusophone Development Compact – LDC), une initiative portée par la Banque Africaine de Développement. Dans ce cadre, nous déployons nos solutions d’atténuation des risques dans les pays membres du LDC, avec l’ambition d’en faire un hub régional économique puissant.
Enfin, nous poursuivons des échanges réguliers avec le Président de la Banque Africaine de Développement, Sidi Ould Tah, ainsi qu’avec son administration, pour renforcer davantage le soutien à l’agenda ambitieux de l’institution. Nous sommes pleinement mobilisés pour jouer le rôle qui nous revient dans ce chantier.
Concrètement, comment l’écosystème du financement du développement atteint-il l’échelle nécessaire pour produire l’impact attendu ?
Face aux déficits abyssaux de développement que connaît l’Afrique, il est crucial que l’écosystème du financement du développement atteigne une échelle suffisante pour libérer le vrai potentiel du continent et garantir sa croissance durable. Plusieurs facteurs-clés sont indispensables à cette mise à l’échelle :
- La qualité et la viabilité financière (bankabilité) des projets.
- L’adhésion des parties prenantes, publiques comme privées.
- La clarté de l’impact attendu.
- Le respect de l’environnement et le caractère éco-responsable des initiatives.
Les projets doivent également viser les secteurs les plus urgents et stratégiques pour l’économie africaine : les infrastructures, l’énergie, l’agriculture, les télécommunications, entre autres.
Cependant, un levier fondamental et transversal pour permettre ces projets d’envergure est la maîtrise et l’atténuation des risques auxquels les investisseurs font face. C’est précisément là qu’intervient ATIDI :
- Notre statut reconnu de premier assureur du développement en Afrique, notre historique de transactions ainsi que notre notation élevée nous permettent de donner aux investisseurs la confiance nécessaire pour déployer des capitaux sur le continent, car ils savent que leurs investissements sont protégés face aux obstacles imprévus.
- Dès lors, nous jouons un rôle essentiel dans la réalisation de projets à grande échelle, permettant des transformations profondes. Nous sommes de véritables catalyseurs du développement africain.
Comment les derniers produits d’ATIDI (RCTG, PoRSA, RLSF) contribuent-ils à atteindre cette échelle ?
Nous travaillons constamment à renforcer notre offre de produits pour répondre aux exigences d’un secteur de plus en plus complexe, volatil et en mutation rapide, tout en soutenant les secteurs vitaux pour l’émergence économique de l’Afrique.
Ces trois solutions s’inscrivent dans cette stratégie :
► Accès à l’énergie
À travers la Facilité Régionale de soutien à la liquidité (RLSF), déployée en partenariat avec la KfW Development Bank et l’Agence norvégienne pour le développement et la coopération (Norad).
- RLSF est un mécanisme de garantie destiné aux producteurs indépendants d’électricité renouvelable (IPP). Il protège ces producteurs contre les retards de paiement des acheteurs publics, généralement des compagnies électriques nationales.
- À ce jour, ce dispositif a permis de mobiliser 433,5 millions USD d’investissements dans l’énergie renouvelable, soutenant la production de 223 MW d’énergie propre dans plusieurs pays africains.
► Financement des PME africaines
Nous déployons le produit PoRSA (Accord de partage des risques de portefeuille), avec l’appui de l’Union Africaine et de KfW Development Bank.
Cette solution permet d’atténuer les risques portés par les institutions financières locales, améliorant ainsi l’accès au financement pour les PME, véritables piliers de nos économies africaines et qui génèrent jusqu’à 90 % des emplois et des revenus dans certains pays du continent.
► Commerce transfrontalier
Notre produit RCTG, la Garantie régionale pour le transit douanier (Regional Customs Transit Guarantee Scheme), est une garantie unique pour simplifier les procédures de transit des marchandises à travers les frontières africaines.
- Ce dispositif est structuré conjointement avec Africa-Re, Afreximbank, COMESA, Zep-Re et ZEP-RE.
- Il constitue un levier majeur pour réduire les coûts et accélérer les délais pour les transporteurs — condition essentielle pour la réussite et l’implémentation effective de l’Accord de libre-échange continental africain.
Chacune de nos solutions cible des secteurs critiques et est conçue pour lever les barrières structurelles, permettre la mobilisation de capitaux et doter les États des moyens d’opérer des changements durables et réels. Leur déploiement se fait graduellement sur tout le continent, avec la volonté d’augmenter l’échelle et l’impact, une transaction à la fois. Nous restons également ouverts à intégrer ces solutions dans des initiatives coopératives de plus grande envergure.
Pensez-vous qu’un “guichet unique” dans l’assurance du développement ait du sens pour l’Afrique ?
Ce concept fait indéniablement sens, face aux défis immenses qu’affronte le continent.
À titre d’exemple, l’Afrique doit mobiliser environ 170 milliards USD supplémentaires par an uniquement pour combler les déficits liés aux infrastructures (énergie, eau, transport). Pourtant, en 2024, elle ne capte que 6 % des investissements directs étrangers mondiaux, et seulement 6 % des flux globaux d’IDE. Un renforcement de la collaboration dans le secteur permettrait d’optimiser l’impact et d’accélérer l’atteinte de l’échelle nécessaire pour répondre à ces besoins.
ATIDI travaille activement dans ce sens, notamment en :
- Renforçant notre partenariat avec les institutions de financement du développement comme la Banque Africaine de Développement, pour aligner et co-déployer nos solutions dans leurs portefeuilles ;
- Initiant ou développant conjointement des produits innovants avec nos partenaires techniques et financiers ;
- Signant des accords de partage de risques avec des agences de crédit à l’export, notamment : CESCE, SACE, Turk EximBank, Exim Hungary, ECI Dubai, Qatar Development Bank, etc.
La ZLECAf, qui constitue aujourd’hui le plus grand marché intégré au monde en nombre de pays, offre une opportunité historique pour activer des projets d’envergure et améliorer concrètement la vie de 1,5 milliard de consommateurs africains. Cependant, un tel impact ne sera possible qu’à travers une mobilisation massive d’investissements.
Dans un environnement économique mondial marqué par l’incertitude, l’atténuation des risques via des solutions solides et éprouvées, qui préservent les investisseurs et leurs capitaux face aux aléas imprévus, est la clé pour offrir le niveau de confiance requis et nécessaire à leur engagement en Afrique.

