La bataille des droits TV autour de la CAN 2025 s’intensifie en Côte d’Ivoire. Pour cette édition, les chaînes de la TNT : RTI et NCI ainsi que CANAL+, principal distributeur de télévision payante en Afrique francophone, détiennent les droits de diffusion. Selon nos informations, la décision de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA) en date de septembre 2023 devrait s’appliquer pour cette édition. Elle impose aux opérateurs payants de réserver les grands événements sportifs aux formules d’abonnements supérieures à celles donnant accès aux chaînes locales. Dans ce scénario, les matchs de la CAN 2025 seraient accessibles sur RTI et NCI via la plus petite formule du bouquet CANAL+ tandis que la chaîne dédiée de l’opérateur : CANAL+ CAN ne serait disponible qu’aux abonnés des formules supérieures.
Accusations
Si cette configuration pouvait offrir un avantage d’audience et de revenus publicitaires aux chaînes locales en Côte d’Ivoire, un courrier signé des chaînes africaines francophones adressé à la CAF, incluant la RTI et NCI, indique qu’elles ne détiendraient que 33 matchs sur les 52 rencontres de la CAN. Les chaînes y accusent la CAF de favoriser un opérateur non africain au détriment des diffuseurs publics. Un argument difficile à étayer.
De fait, la Confédération Africaine de Football (CAF) ne distribue pas directement les droits de diffusion de la CAN aux chaînes de télévision. En effet, la CAF a attribué en novembre 2023 les droits exclusifs de diffusion de l’intégralité des matchs de la CAN 2024 et 2025 au groupe togolais New World TV sur 46 pays d’Afrique subsaharienne. Dans cette logique, l’opérateur attribue des sous-licences aux télévisions des différents pays, dont les chaînes francophones qui accusent la CAF. Il apparaît donc impossible que la CAF, qui a d’ores et déjà cédé depuis 2023 les droits de la CAN 2025 à New World TV, soit responsable d’une éventuelle limitation de droits de diffusion des médias francophones. Les accusations de favoritisme de la CAF envers un opérateur non africain se révèlent insoutenables. En clair, si le quota de droits de diffusion pose un problème, c’est dans la négociation entre les chaînes de télévision et New World TV que les décisions sont prises.
Rencontre entre les chaînes francophones et New World TV à Lomé
New World TV a organisé les 23 et 24 novembre 2025 à Lomé un séminaire d’information et de travail afin d’outiller les médias détenteurs de sa sous-licence sur la diffusion des matchs de la CAN. L’opérateur n’y a fait aucune allusion à un éventuel changement dans l’attribution des droits TV de la CAN. Les médias francophones signataires du courrier qui accuse la CAF, et liés contractuellement à New World TV, y ont participé. Elles n’y ont pas accusé le groupe togolais d’avoir foulé aux pieds les clauses des contrats de sous-licences en ne leur offrant les droits de diffusion de seulement 33 matchs sur les 52 affiches de la compétition.
Dans une déclaration rendue publique dans la presse, elles ont plutôt ciblé un nouveau bouc émissaire.
« Nous tenons à exprimer notre profonde préoccupation et notre désaccord face à la nouvelle politique de commercialisation des droits de retransmission de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2025, telle qu’établie par la Confédération Africaine de Football (CAF) à travers son agent exclusif, New World TV. »
Existe-t-il réellement une nouvelle politique de commercialisation propre à la CAN 2025 ? Pourquoi les chaînes francophones ont-elles signé avec New World TV si les conditions étaient défavorables ? Pourquoi le détenteur exclusif n’aurait-il cédé qu’une partie des droits si le contrat n’en prévoyait pas la limitation ? New World TV aurait-il agi au bénéfice d’un concurrent qu’on accuse pourtant de manœuvrer dans l’ombre ? Des questions sans réponse qui décrédibilisent les accusations.
Historique et coopération avec les chaînes de la TNT
Les récentes attributions de droits montrent un environnement où les acteurs évoluent dans une concurrence réelle et équilibrée. Lors de la dernière Coupe du monde, CANAL+, pourtant détenteur historique, n’avait pas obtenu les droits en français. Détenteur des droits, New World TV avait cédé à NCI l’exclusivité des droits de diffusion de 28 matchs en français en Côte d’Ivoire. Un accord amiable avait conduit CANAL+ à renoncer à la diffusion de la compétition en anglais via sa chaîne Supersport, laissant à NCI l’exclusivité en Côte d’Ivoire. L’opérateur avait même rehaussé le signal de NCI en HD sur son bouquet. La contestation ultérieure de Life TV et de la RTI auprès de la HACA, évoquant un favoritisme envers NCI, avait finalement été abandonnée. L’épisode illustre la logique de coopération habituelle entre les différents opérateurs de contenus payants et gratuits en Côte d’Ivoire, avec pour objectif d’assurer l’accès des contenus au plus grand nombre.
Un marché concurrentiel
La compétition reste vive. Sur la Ligue des champions, CANAL+, longtemps détenteur exclusif des droits en Afrique francophone, ne diffuse plus aujourd’hui qu’une sélection de rencontres. Le groupe togolais New World TV s’est adjugé l’intégralité des droits, signe d’une redistribution profonde du marché. Dans ce contexte, les accusations visant à faire croire que CANAL+ aurait œuvré pour limiter l’accès des chaînes francophones aux droits de la CAN apparaissent fragiles. L’opérateur a lui-même perdu les droits de diffusion de plusieurs compétitions internationales majeures au profit d’acteurs africains et devrait, selon nos informations, faire les frais en Côte d’Ivoire de l’application de la décision de la HACA.
Pour rappel, la majorité des téléspectateurs ivoiriens accèdent aux chaînes locales via le bouquet CANAL+. Dans les autres pays francophones, à l’exception de la Côte d’Ivoire, CANAL+ CAN reste accessible dès la plus petite formule d’abonnement, confirmant la ligne constante du groupe en faveur d’une accessibilité large aux grandes compétitions.

