La révision récente de la base des comptes nationaux du Sénégal continue d’alimenter le débat sur la trajectoire budgétaire du pays. Selon Oxford Economics, si ce rebasage améliore indéniablement l’apparence statistique de la position fiscale, il ne dissipe en rien les inquiétudes structurelles liées à la soutenabilité de la dette. Sur la base des données provisoires publiées par l’ANSD, le ratio dette/PIB ressort désormais autour de 110 %, contre les 130 % jusque-là évoqués par le FMI. Cette baisse mécanique offre un répit visuel au gouvernement, engagé dans une période d’ajustement politique et financier délicate.
Pour autant, les fondamentaux restent inchangés. « Cela améliore l’optique, mais ne change pas la réalité budgétaire sous-jacente : la dette nominale, les charges d’intérêt et les besoins de financement immédiats demeurent les mêmes », prévient Leeuwner Esterhuysen, Senior Economist à Oxford Economics. Le cabinet estime par ailleurs que cette révision technique ne modifiera que marginalement la valeur actualisée de la dette dans l’analyse de soutenabilité du FMI, un indicateur clé dans l’appréciation du niveau de détresse d’un pays.
L’enjeu dépasse toutefois les chiffres. Le timing du rebasage intervient dans un contexte politique où Ousmane Sonko affirme son opposition à toute restructuration de la dette, une position qu’il justifie par son attachement à la souveraineté économique. Dans le même temps, Dakar poursuit son dialogue avec le FMI, signe qu’une partie de l’exécutif reste favorable à un cadre d’accord formel.
Cette équation financière s’est invitée sur la scène internationale. Du 22 au 24 novembre, Ousmane Sonko a effectué un déplacement discret mais stratégique à Abou Dhabi, où il aurait sollicité une forme de soutien financier. Un signal qui, selon Oxford Economics, reflète la pression croissante sur la trésorerie de l’État et la nécessité de diversifier les sources d’oxygène budgétaire dans un contexte où la marge de manœuvre intérieure s’amenuise.
Malgré les arguments mis en avant par le gouvernement – une dette « élevée mais gérable » – Oxford Economics appelle à la prudence. « L’amélioration des ratios soutient le narratif officiel, mais ne résout pas les pressions budgétaires structurelles. Nous ne pensons pas que le FMI soit aisément convaincu qu’une restructuration ne sera pas nécessaire, sous une forme ou une autre », conclut Esterhuysen.
Au final, le Sénégal avance sur une ligne de crête : gagner du temps grâce au rebasage, maintenir l’équilibre politique interne, rechercher des appuis financiers extérieurs et, simultanément, négocier un nouveau cadre de politiques publiques. Reste à savoir combien de temps cette stratégie pourra tenir face à la réalité comptable.

